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Matar Matar, ancien directeur de l’hôpital de Bint Jbeil, rêve de changer le passé

Matar Matar est médecin. De 1989 jusqu’à 2000, sous l’occupation israélienne, ce quinquagénaire a été le directeur de l’hôpital de Bint Jbeil, construit par l’Unicef et équipé ensuite à partir de 1986 par les Israéliens. L’établissement relève actuellement du Hezbollah. Quand les troupes de l’État hébreu avaient évacué le Liban-Sud, le Dr Matar s’était présenté aux autorités libanaises. Il avait passé 48 heures aux arrêts. Son procès avait duré un an et demi. L’ancien directeur de l’hôpital de Bint Jbeil a été jugé pour « contact avec l’ennemi », mais il a été « dispensé de sanctions ». Il est cependant toujours privé de ses droits civils. Matar Matar est un homme qui a perdu ses espoirs et ses illusions. D’un air désabusé, il indique : « Je n’ai jamais cru que l’État libanais me traitera de la sorte. Depuis 1986, date de mon entrée à l’hôpital de Bint Jbeil, je n’ai jamais senti que j’avais tort, qu’il ne fallait pas pratiquer la médecine dans cet hôpital. Je n’ai jamais porté les armes ou défendu des intérêts israéliens. Je suis médecin et je n’ai fait qu’exercer mon métier. » Le Dr Matar avait un peu plus de trente ans quand il est rentré dans son village. Il venait de terminer ses études de médecine et il avait été envoyé à Aïn Ebel par la mission pontificale. « C’était en 1986. Cela faisait une dizaine d’années que j’étais parti. Trois mois après mon retour à Aïn Ebel, je me suis présenté à l’hôpital de Bint Jbeil que les Israéliens étaient en train d’équiper. C’était une sorte de polyclinique. En 1990, le bâtiment a été pourvu d’un bloc opératoire », ajoute-il. Puis il parle en détail de cet hôpital. « Chaque année, l’établissement traitait en moyenne 55 000 patients. Nous avions environ 80 à 90 naissances par mois », dit-il. L’hôpital – équipé et financé par l’État hébreu qui versait les salaires des médecins et du corps soignant – assurait des stages de formation aux élèves infirmières qui suivaient des cours dans un institut technique de Bint Jbeil. Sous l’occupation israélienne, le gouvernement libanais n’a pas coupé les contacts. D’ailleurs, c’est l’établissement qui exécutait sur place, avec des tournées dans les villages de la bande frontalière, les campagnes de vaccination lancées conjointement par l’Unicef et le ministère libanais de la Santé. « À la fin de chaque campagne, les ministres en fonction m’adressaient des lettres de remerciements », indique, amer, l’ancien directeur. Impossible de repartir à zéro « Je suis médecin, et je pense que mon travail et celui de mes confrères à l’hôpital de Bint Jbeil a aidé les gens à rester sur place, à ne pas vider la zone », dit le Dr Matar. Avant l’ouverture de l’établissement ou encore avant de le pourvoir d’un bloc opératoire, les personnes qui avaient besoin d’être admises attendaient, dans l’humiliation, à la frontière pour pouvoir entrer en Israël, s’insurge-t-il, martelant que « cet hôpital était situé au Liban, son personnel était recruté au Liban-Sud dans les villages de la bande frontière, et les malades libanais n’avaient plus à aller se faire soigner en Israël ». « L’hôpital de Bint Jbeil a allégé – sous l’occupation – les peines et les souffrances des habitants de la région », ajoute-t-il. Faisant la comparaison entre la situation actuelle et celle qui prévalait avant l’évacuation israélienne de la bande frontalière, il indique « qu’avant mai 2000, nous vivions dans l’insécurité, mais la région était prospère. Aujourd’hui, la sécurité est assurée, mais nous faisons face à une terrible crise économique ». La peur : c’est la première idée qui vient à l’esprit du Dr Matar quand il repense aux longues années d’occupation. « Nous avions constamment peur, d’un côté des troupes de l’État hébreu et de l’autre des actions militaires anti-israéliennes qui pouvaient prendre nos villages pour cible », explique-t-il. Il ajoute : « Et que l’on ne pense pas que les jeunes recrues de l’ALS défendaient une cause ; ils rejoignaient la milice pour les 500 ou 400 dollars payés à la fin du mois. » Ces jeunes n’avaient pas le choix, presque comme lui actuellement. Il indique : « À mon âge, je ne peux pas repartir à zéro. J’ai cinquante ans, je ne peux pas aller à Beyrouth et chercher un emploi dans un hôpital. Et de plus, je suis privé de mes droits civils, mon casier judiciaire n’est pas propre. Il faut être réaliste. » Réaliste, le Dr Matar l’est assurément. D’ailleurs, il semble qu’il n’ait pas laissé de place dans son cœur à l’espoir. Il a un seul regret : celui d’être rentré au village en 1986 pour exercer son métier de médecin. « Je n’aurais jamais dû revenir à Aïn Ebel. J’étais jeune et je tenais à aider les habitants de mon village, à mettre mon savoir à leur disposition. J’aurais pu m’établir à Beyrouth. J’aurais pu aussi travailler auprès de la Finul, faire n’importe quel métier chez les Casques bleus, même celui de portefaix ! C’aurait été de loin mieux pour moi. Mais on ne peut pas changer le passé », dit-il d’une voix éteinte. Jusqu’à présent, le Dr Matar n’arrive pas à comprendre pourquoi il a été traduit en justice. « On m’a intenté un procès comme si c’était moi qui avais amené Israël au Liban-Sud en 1978. Que l’on m’explique comment les habitants de la zone, qui sont restés sur place vivant sous la botte israélienne, auraient fait sans un hôpital à Bint Jbeil », indique-t-il sarcastique. Inutile de dire que personne n’a donné une réponse convaincante à ce médecin. C’est que le quotidien des habitants de la bande frontalière n’a, semble-t-il, jamais préoccupé les autorités.
Matar Matar est médecin. De 1989 jusqu’à 2000, sous l’occupation israélienne, ce quinquagénaire a été le directeur de l’hôpital de Bint Jbeil, construit par l’Unicef et équipé ensuite à partir de 1986 par les Israéliens. L’établissement relève actuellement du Hezbollah.
Quand les troupes de l’État hébreu avaient évacué le Liban-Sud, le Dr Matar s’était présenté...