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Actualités - RENCONTRE

RENCONTRE - Elle expose à la Galerie Gebran à Eddé Yard – Byblos, jusqu’au 31 mai Lotti Adaïmi, une figure de proue de la culture libanaise

La plus libanaise des Allemandes ou la plus allemande des Libanaises Lotti Adaïmi, née Kasselmann ? Difficile de trancher entre ses créations et ses préoccupations multiples. Musicienne, peintre, pédagogue, voilà la figure de proue, depuis plus de quarante-trois ans, d’une grande animatrice et mécène de la culture. Une grand-mère toute dévouée à son inspiration, cultivant conjointement, en toute sagesse et dynamisme, l’art de manier l’archet du violon, de faire fusionner les couleurs dans une palette et la patience de former les générations montantes à la Deutsche Schule dont elle est la directrice. Long et riche parcours d’une femme sereine, aux combats pluriels, qui avoue, dans un rire exquis et un délicieux accent germanique, en parlant en français, qu’elle « parle aujourd’hui l’arabe à 80 % et se tire bien d’affaire »… Elle expose ses toiles aujourd’hui, doux et enchanteur florilège d’un monde touché par la grâce des couleurs à la fois calmes et ardentes, enrichi par une ornementation levantine et « bauhausienne », soutenu par une architecture fine et délicate. Lotti Adaïmi sait parler avec un égal bonheur aussi bien des émerveillements de la musique que de la peinture. Et de souligner, en toute perspicacité, les difficultés à transmettre savoir et culture à ses petits-enfants ainsi qu’aux jeunes élèves d’une école où voisinent paisiblement quatre langues…Cheveux blancs tirés en queue de cheval, yeux verts, teint rose, petits bracelets en or aux poignets, pantalon blanc et chemisier polo à rayures de marinier, Lotti Adaïmi est l’incarnation de la simplicité et de la modestie. Elle s’anime et son œil brille à l’évocation du mot culture. Mot magique pour s’entretenir de son enfance à Essen baignée par la présence d’un père professeur d’art et d’une mère pianiste. C’est dans ce milieu prédisposé à l’art qu’elle étudie la musique, à la Folkwang Schule, tout en rêvant de « devenir membre d’un orchestre symphonique, dit-elle. Rêve d’une vie, tenace et obstiné, mais l’accès à cette époque, en Allemagne, à un orchestre, était interdit aux femmes. L’aile la plus dure, en ce sens, était le Bernier Philarmonica ! Il va falloir attendre les années 1970-80 pour que la situation change. Entre-temps, je me suis tournée vers la peinture en fréquentant l’École normale de Kettwig avec le professeur Menning qui nous a ouvert toutes grandes les portes des musées… Il faut rappeler qu’on sortait de la guerre et que l’évolution de l’art était bloquée par le IIIe Reich. Par ailleurs, j’ai poursuivi mes études à l’Université de Cologne préparant un diplôme de littérature et de philosophie. Et puis, un concours de circonstances a fait que je me marie et m’installe au Liban. Là, j’ai créé ma propre vie et mon espace. L’amour de la musique, bien entendu, ne m’a jamais lâché. Ainsi j’ai eu comme partenaire d’abord, pour un duo avec piano, Mme Filian. Ensuite est née la Sinfonietta, avec feu Antoine Medawar. En 1983, Arte nous a consacré une émission télévisée, avec mes enfants, pour un quatuor de famille ! C’est en 1984 qu’est né le Trio Classico, et peu à peu un petit groupe d’une vingtaine de personnes s’est formé pour le Barock-Ensemble (avec à sa tête, aujourd’hui, Paul Safa) qui se réunissait chez moi à Aïn el-Rihan. Des partitions rares ont été apportées de Essen Warden et c’est ainsi que j’ai pu constituer une riche bibliothèque musicale qui contient des œuvres aussi bien de la Renaissance que des compositeurs contemporains. Illustration de cette activité, non seulement nos nombreux concerts, mais notre premier CD qui sort justement dans les bacs des cédéthèques ! » Trente expositions et plus de 2 500 toiles… L’art de tirer des trémolos de la boîte magique qu’est le violon, compagnon de toutes les errances, n’empêche pas Lotti Adaïmi de voir le monde en bleu. Une couleur qui a sa préférence et ses faveurs « car, confie-t-elle, le bleu n’agresse jamais ». Prix du Salon d’automne au Musée Sursock en 1966, avec 130 expositions à son actif, au Liban et à l’étranger, plus de 2 500 toiles exposées dans les galeries, voilà un bilan impressionnant attestant surtout d’une énergie inépuisable et d’un vigoureux dynamisme. Évoquer la peinture devant Lotti Adaïmi la rend volubile et ouvre toutes grandes les fenêtres de son imaginaire : « Oui, pour moi, la peinture est indissociable de la vie. C’est une obsession. J’ai créé mon propre style dans l’environnement du Moyen-Orient dont les richesses ornementales répondent à quelque chose en moi. Je n’aime pas l’art qui décrit le monde telle une scène. La peinture, c’est le jeu énigmatique entre les éléments, les couleurs, la possibilité d’enrichir le monde par un détail… Mes toiles sont une invite aux gens pour être heureux, car la vie nous agresse suffisamment… De mon imagination et rêverie devant un dessin du Bauhaus, dans ma chambre d’enfant, est née ma peinture… Quand on élimine la perspective, on arrête le temps ! On a tous besoin d’arrêter le temps et je donne cette possibilité à travers mon art... » Fondatrice du Kulturzentrum, véritable foyer où l’art et la pensée constituent un noyau culturel vital, Lotti Adaïmi a encore l’énergie et le temps d’enseigner. Humaniste au sens noble du terme, elle tente, dit-elle, « d’expliquer surtout à ses élèves l’art de mieux affronter la vie ». Hormis notes de musique, foisonnement de couleurs et arcanes des pensées modernes, quel peut être le rêve de Lotyi Adaïmi ? Réponse attendue et déroutante à la fois : « Je n’ai jamais voulu me fixer sur quelque chose. Je pense plutôt à donner quelque chose… ». En attendant, évasion dans un monde enchanteur et coloré, il faut aller voir ses tableaux, exposés à la Galerie Gebran à Eddé Yard , dans le vieux souk de Byblos. Edgar DAVIDIAN
La plus libanaise des Allemandes ou la plus allemande des Libanaises Lotti Adaïmi, née Kasselmann ? Difficile de trancher entre ses créations et ses préoccupations multiples. Musicienne, peintre, pédagogue, voilà la figure de proue, depuis plus de quarante-trois ans, d’une grande animatrice et mécène de la culture. Une grand-mère toute dévouée à son inspiration, cultivant...