Rechercher
Rechercher

Actualités

Les difficultés de l’organisation sont le reflet des divisions entre les pays membres Réformer la Ligue arabe ne ferait que huiler une machine déjà improductive

Le constat est indéniable : les Arabes se sont mis d’accord à ne jamais se mettre d’accord. Ainsi, depuis la création de la Ligue des États arabes, on ne compte plus les revers et les échecs d’une organisation supposée œuvrer pour l’unification des peuples arabes. Des difficultés qui ne sont, en fin de compte, que le reflet des divisions du monde arabe, même si certains veulent, à tout prix, mettre en cause l’organisation elle-même. La Ligue des États arabes a fêté, le 22 mars dernier, ses 61 ans d’existence. Or le citoyen arabe est en droit de se demander, aujourd’hui, quel rôle a joué cette organisation depuis sa création. Les objectifs fixés dans la charte de 1945 ont-ils été réalisés ? Les dispositions du pacte tendaient à concilier le besoin profond d’unité et la volonté de ménager les souverainetés nationales. L’objectif principal de la Ligue étant le renforcement des liens entre les États membres afin de réaliser un minimum des espoirs unitaires tout en faisant émerger un bloc régional capable de défendre les intérêts communs de la « nation arabe ». Sur ce dernier point, la Ligue arabe peut se targuer d’un certain nombre de succès, puisqu’elle a joué, au niveau des relations internationales et dans les couloirs des Nations unies, un rôle libérateur concernant les pays du tiers monde. De quoi la propulser au rang de symbole de la résistance au colonialisme, au communisme et à l’impérialisme. La Ligue a aussi créé un grand nombre d’agences spécialisées telles que l’Organisation arabe du travail et l’Union des télécommunications. Elle a mis en place le Parlement intérimaire arabe, et œuvre pour instaurer une Cour arabe de justice et créer un Conseil de sécurité et de paix arabe. Mais les critiques sur l’efficacité de la Ligue arabe fusent de toute part. Elles portent essentiellement sur ses divisions internes, sa structure, son incapacité à faire appliquer ses décisions, sa bureaucratie… En résumé, peuples et experts reprochent à l’organisation panarabe son impuissance à répondre aux préoccupations des Arabes et à résoudre leurs problèmes. La Ligue se trouve, en effet, prisonnière d’une mosaïque d’intérêts divergents entre les États qui la composent. Divisions qui donnent lieu, au cours des sommets, à un étalage de rancœurs tournant au spectacle tragi-comique. Cette situation illustre parfaitement l’incapacité des pays arabes à s’adapter à toute nouvelle donne régionale ou mondiale. La priorité des membres de la Ligue semble plutôt être de préserver leurs régimes face aux pressions exercées par les Occidentaux, notamment en matière de démocratie et de droits de l’homme. C’est le cas du Soudan, par exemple, qui a reçu l’appui des dirigeants arabes occultant complètement les massacres qui ont lieu au Darfour sous l’œil bienveillant du régime de Khartoum. On a vu, en outre, comment les derniers sommets ont repoussé aux calendes grecques les décisions sur les réformes démocratiques. Même l’instauration du Parlement arabe, censé être un pas vers une Ligue plus démocratique, fut un échec : le résultat a été la création d’une assemblée non élue, où chaque État désigne ses députés. En matière politique, l’organisation se contente d’être un forum, sans aucune efficacité pratique. Le « pacte de défense collective », signé en 1952, n’a, par exemple, jamais fonctionné dans le conflit israélo-palestinien, même si l’hostilité envers Israël semble être le seul point commun réunissant, théoriquement, tous les pays arabes. Le pacte de défense n’a également été d’aucune utilité pendant la crise du canal de Suez en 1956 ou lors des différentes guerres du Golfe. À la différence d’autres blocs régionaux, la Ligue des États arabes n’a pas su adapter ses institutions aux exigences des nouvelles données et surtout avec le changement dans le monde, à savoir la fin de la période du colonialisme, le dénouement de la guerre froide, l’émergence d’une unique superpuissance, et surtout l’avènement de la guerre contre le terrorisme dont l’enjeu se trouve essentiellement au Moyen-Orient. Entre-temps, d’autres systèmes régionaux ont vu le jour en dehors du cadre de la Ligue arabe, comme le Conseil de coopération du Golfe (CCG), créé en 1981, et l’Union du Maghreb arabe en 1989. Ces derniers ont également affaibli le rôle de l’organisation panarabe, en raison notamment de leur efficacité. En outre, le désir de certains pays de s’arroger un rôle régional majeur handicape parfois le bon fonctionnement des institutions. En effet, l’insistance de l’Égypte à considérer comme un droit acquis le fait que le secrétaire général de la Ligue soit un Égyptien suscite des protestations parmi plusieurs pays qui défendent le principe de l’alternance. Ce sujet a créé, à plusieurs reprises, une polémique au sein de la Ligue, où plusieurs pays ont appelé à entamer les réformes au sein de la Ligue en commençant précisément par le secrétariat de celle-ci. Il faut néanmoins préciser que les nombreuses difficultés qu’a connues la Ligue arabe durant son existence mouvementée sont plus liées aux vicissitudes des relations entres les différents pays arabes qu’au fonctionnement des institutions de la Ligue elle-même. L’échec de la Ligue résulte par ailleurs du fait qu’elle est uniquement le porte-voix des gouvernements et n’exprime pas les positions et les espoirs des peuples arabes. Dans ce contexte, toute réforme des institutions de la Ligue sera vaine si des réformes ne se produisent pas parallèlement à l’intérieur de chaque pays. Une vraie réforme doit commencer au niveau étatique, par le lancement d’une politique de développement et de démocratisation visant à faire sortir les sociétés arabes de la léthargie et de l’inertie dans lesquelles elles se trouvent. En fin de compte, un éventuel amendement institutionnel de la Ligue arabe, dans le contexte actuel, ne ferait que huiler une machine déjà inutile et improductive. Antoine AJOURY
Le constat est indéniable : les Arabes se sont mis d’accord à ne jamais se mettre d’accord. Ainsi, depuis la création de la Ligue des États arabes, on ne compte plus les revers et les échecs d’une organisation supposée œuvrer pour l’unification des peuples arabes. Des difficultés qui ne sont, en fin de compte, que le reflet des divisions du monde arabe, même si certains veulent,...