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Actualités - OPINION

LE POINT Le bon et le méchant

Trop peu, trop tard, trop maladroit : c’est peu de dire que le plan du groupe UE-3 pour désamorcer la crise a été accueilli fraîchement par l’Iran. En fait de mesures incitatives, Londres, Paris et Berlin, soutenus par Javier Solana, s’apprêtaient à proposer une botte de carottes prévoyant, entre autres, la fourniture d’un réacteur à eau légère en échange du gel d’un programme d’enrichissement de l’uranium soupçonné de masquer bien mal un plan d’armement nucléaire. Avec cette fausse candeur qui semble être l’apanage de leur diplomatie, les Américains avaient jugé que les méthodes douces peuvent donner des fruits pour peu que l’on garde à portée de main l’indispensable bâton. C’est raté une fois de plus. Mahmoud Ahmadinejad l’a fait savoir hier dans un discours retentissant prononcé à Arak, une ville qui abrite l’un des nombreux sites d’un vaste projet dont les grandes lignes remontent à l’époque où le dernier des Pahlavi siégeait encore sur le « trône du paon ». « Ils pensent avoir affaire à un enfant de quatre ans, a dit le président de la République islamique, et nous prendre notre or en échange de quelques noix et de chocolat. » Ce « non » imagé n’a surpris personne, Washington encore moins que l’ensemble de la communauté européenne. Dès dimanche passé, en effet, on affichait ostensiblement dans la capitale fédérale un scepticisme propre à décourager les meilleures intentions du monde, le département d’État se chargeant même d’indiquer – du jamais vu dans les annales des relations internationales – que l’offre occidentale n’avait « pas été approuvée ». Dès lors, la réunion de demain vendredi, au cours de laquelle devait être officialisée l’annonce des propositions européennes, n’avait plus sa raison d’être. Elle a donc été reportée d’une dizaine de jours, le temps pour les Vingt-Cinq, les États-Unis, la Chine et la Russie, a-t-on fait savoir, d’« approfondir » l’examen de leur nouvelle approche du problème. Il ne restait plus à Téhéran qu’à refuser les friandises avariées que l’on s’apprêtait à lui proposer. Et qu’elle avait déjà boudées trente-six heures auparavant, quand le chef de l’État avait annoncé, en Indonésie où il se trouvait : « Ils savent bien que toute proposition incluant l’exigence d’un arrêt de nos activités pacifiques ne recevra aucune suite favorable. » Pourquoi cette obstination ? Simplement parce que – c’est encore l’ancien maire de Téhéran qui parle – « nous ne nous laisserons pas mordre deux fois par le même serpent ». Une manière de rappeler qu’une première fois déjà, en 2003, sous l’impulsion de Mohammad Khatami, le guide suprême s’était laissé convaincre d’ordonner la suspension du programme en cours comme gage de sa bonne volonté. À l’époque, les USA avaient brandi, avec un douteux sens de l’à-propos, des menaces de sanctions, réduisant ainsi à zéro les chances d’un règlement pacifique du conflit. Il est aisé de sanctionner par une note éliminatoire ces turbulents Iraniens, par ailleurs mauvais élèves ; on ne saurait toutefois leur dénier le mérite d’avoir retenu la leçon. Tout comme d’ailleurs l’ancien cancre libyen qui, lui, aura abouti à des conclusions diamétralement opposées. Voici donc Mouammar Kadhafi propulsé au firmament des surdoués qui ont retenu la leçon. Et les bons points de pleuvoir sur lui, à l’heure où – bien sûr que c’est pure coïncidence – l’envolée des prix du pétrole paraissait ne pas devoir s’arrêter, laissant craindre le pire pour une économie déjà mise à mal par le réveil des géants asiatiques, mais aussi par une instabilité grandissante en Amérique latine et en certains points d’Afrique. Face à cela, la production quotidienne de la Libye atteint aujourd’hui 1,6 million de barils, un chiffre susceptible de doubler au cours de la décennie à venir pour peu que les majors yankees – Amerada Hess, Marathon Oil, Occidental Petroleum et ConocoPhilips en tête – veuillent bien fournir l’intendance requise, ce qui leur permettra de rattraper un embargo de dix-huit ans, levé en 2004 par George W. Bush, dont les liens avec l’univers glauque de l’or noir relèvent de la pure calomnie, tout comme les connexions de son numéro deux Dick Cheney avec Halliburton... Aujourd’hui, l’Administration républicaine se défend de vouloir assurer ses approvisionnements à venir, tout en contrôlant ceux des concurrents de demain. Aveu de David Welch, sous-secrétaire d’État, la main sur le cœur : « Notre décision de rayer Tripoli de la liste des capitales qui encouragent le terrorisme n’est pas motivée par des considérations économiques mais par le fait que les Libyens ont renoncé au terrorisme, aux armes de destruction massive et à tout programme nucléaire », dont les installations ont été démantelées dès 2004 et se trouvent au siège de l’Oak Ridge National Laboratory, dans le Tennessee. Un exemple, estiment les Américains, qui devrait inspirer les mollahs. Ce qui, pour l’heure, est loin d’être le cas. Christian MERVILLE
Trop peu, trop tard, trop maladroit : c’est peu de dire que le plan du groupe UE-3 pour désamorcer la crise a été accueilli fraîchement par l’Iran. En fait de mesures incitatives, Londres, Paris et Berlin, soutenus par Javier Solana, s’apprêtaient à proposer une botte de carottes prévoyant, entre autres, la fourniture d’un réacteur à eau légère en échange du gel...