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Actualités - OPINION

Le Liban entre le marteau et l’enclume

Le destin des peuples est profondément influencé par leur histoire et leur géographie. Cette réalité est incontestable dans la vie des nations. Tous les conquérants, tuteurs ou parrains, doivent nécessairement en tenir compte pour entreprendre et assurer la réussite de n’importe quelle action (…). Aujourd’hui, après des années de guerre et de tutelle, ce pays cherche à se reconstruire ; il veut le faire selon ses normes et ses traditions républicaines et démocratiques. Encouragé par des décisions internationales, prises avant et après le retrait des troupes syriennes de son territoire, il s’est engagé, unanimement, à effacer les séquelles d’un triste et douloureux passé, et à tenter de retrouver une identité nationale spoliée et bafouée, et une cohésion politique anéantie. Cette décision s’est exprimée, il y a quelques semaines, dans le cadre d’une table ronde qui a réuni les représentants de toutes les tendances politiques du pays. Son objectif principal est l’établissement d’un consensus sur un ensemble de sujets épineux, la mise en place de bases solides et « définitives » pour la restauration de l’État et de ses institutions, et l’adoption, pour l’avenir, de constantes nationales immuables et incontournables, devant garantir un système d’immunité et de solidarité sociales et culturelles. Mais une fois de plus, les Libanais se trouvent confrontés à une situation ubuesque. Tous les participants à cette table ronde confirment, en effet, clairement leur souhait de débattre, en toute transparence et objectivité, de l’ordre du jour de ce colloque, avec à la clé la ferme intention de mettre un terme à tous les sujets de discorde et d’établir une feuille de route acceptable pour tous les présents. Les deux premières réunions se tiennent dans une ambiance très positive, des décisions sont prises à l’unanimité, actées et officiellement annoncées par le président de l’Assemblée nationale. Mais subitement, et sans raisons sérieuses, les choses se gâtent et les tiraillements ressurgissent, mettant en péril l’essence même de cette initiative. La presse écrite et télévisée se fait l’écho de nouvelles tensions et rapporte les dérapages verbaux de certains participants. Qu’est-il arrivé ? Qui a donc les moyens de tirer les ficelles pour que, d’un moment à l’autre et sans crier gare, tous ces élus nationaux « du premier rang » se replient sur eux-mêmes et remettent en question toutes les chances de pouvoir reconstruire, ensemble et sans parrainage, cet édifice national, dont ils sont aujourd’hui, solidairement et exclusivement, les seuls responsables, après en avoir été aussi les principaux bénéficiaires, sous les différents régimes qui se sont succédé pendant ces trente dernières années ? N’est-ce pas là un aveu flagrant de leur incapacité à dominer et à gérer les affaires de la cité en toute indépendance et maturité ? Et jusqu’à quand certains « politiques » de ce pays vont-ils continuer à prendre en otage toute une population ? Est-ce l’ignorance, l’intérêt personnel, la couardise, l’absence de civisme et de démocratie, ou une conjugaison de tous ces paramètres qui déterminent leurs démarches ? Quelle que soit l’explication, la seule issue logique et souhaitable pour le bien-être des citoyens consiste à se débarrasser, démocratiquement et dans les meilleurs délais, d’un bon nombre d’entre eux et d’offrir leurs strapontins à la jeune génération qui a fait preuve, depuis la fin de la guerre, d’une plus grande authenticité, d’une aptitude plus réaliste et plus objective à saisir les délicatesses de la géographie politique sur le terrain, et surtout d’une recherche réelle et profonde de stabilité sur le front intérieur, pour mieux réussir la construction de leur avenir national, alors que certains de leurs aînés l’avaient largement mis en danger, pour ne pas dire carrément compromis (…). À tous ceux qui sont tentés de privilégier leurs options stratégiques régionales sur une vision stratégique nationale commune, il faut rappeler l’adage populaire : « Charité bien ordonnée commence par soi-même. » Le Liban regroupe en effet des familles millénaires, riches par leur culture et leur ouverture au monde, dont les racines sont profondément mêlées au destin de la région ; et en conséquence, leur solidarité et leur union sont les seuls boucliers dont elles ont besoin pour perdurer, si bien que ni protecteurs ni parrains ne sauraient, mieux ou plus, leur garantir leur sécurité et leur développement, bien au contraire ! Mais cet objectif ne peut être atteint que si certains ingrédients de base sont réunis, à savoir la réelle volonté de changer, le courage d’entreprendre, la liberté de faire, la solidarité dans l’action, et la conviction profonde que la souveraineté et l’indépendance nationales sont des réalités non négociables et une ligne rouge inébranlable. C’est en partie grâce à cette démarche empirique que le Liban pourra éviter de se retrouver pris entre le marteau et l’enclume. Son choix libre et démocratique, loin des pressions et des manipulations dictées par les circonstances particulières du moment, l’immuniseront et le renforceront face aux défis extérieurs. C’est à partir de là que les premiers pas, pour sortir de ce tunnel dans lequel le peuple libanais est engagé depuis de si longues années, pourront être entrepris en toute confiance, parce que les citoyens se trouveront enfin unis autour d’une même cause. Ils se dégageront ainsi, progressivement, de l’enfer dans lequel ils ont été si longtemps plongés et commenceront alors à voler de leurs propres ailes, au grand désespoir de toutes les forces extérieures, notamment régionales, qui les harcèlent et cherchent à les déstabiliser en permanence pour les garder dans leur orbite, et en faire une monnaie d’échange quand leurs intérêts stratégiques sont confrontés à des difficultés ou à des dangers de déstabilisation nationale. Salim F. DAHDAH
Le destin des peuples est profondément influencé par leur histoire et leur géographie. Cette réalité est incontestable dans la vie des nations. Tous les conquérants, tuteurs ou parrains, doivent nécessairement en tenir compte pour entreprendre et assurer la réussite de n’importe quelle action (…).
Aujourd’hui, après des années de guerre et de tutelle, ce pays cherche à se...