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Actualités - REPORTAGE

ANIMAUX - Cri d’alarme du militant écologiste Jason Mier Des chimpanzés introduits illégalement au Liban se volatilisent avant l’intervention des autorités

Pour chaque bébé chimpanzé qui tombe entre les mains d’un réseau de trafic, c’est toute une famille de chimpanzés qui meurt sous les coups des braconniers dans ses efforts désespérés pour sauver son petit. Les militants écologistes ont maintes fois mis la main sur des photos terribles, qui ont fait le tour du monde. Le trafic illégal de chimpanzés, dont l’espèce est en danger, pose en fait plus d’un problème puisque leur introduction illégale dans les pays s’accompagne d’un danger sanitaire dû au manque de précautions prises en pareil cas. Or, le Liban n’est pas étranger à ce trafic : le militant écologiste indépendant Jason Mier, alerté par des organisations locales, a déjà fait plusieurs fois le va-et-vient au Liban à partir du Kenya, où il réside actuellement, pour tenter de récupérer, avec l’aide d’organisations internationales et des autorités locales, des chimpanzés tenus en captivité en divers endroits du pays. Interrogé sur cette question par L’Orient-Le Jour, M. Mier explique qu’il n’est employé par personne, mais qu’il travaille avec des organisations internationales à comprendre le fonctionnement des réseaux de trafic illégal de ces animaux, particulièrement florissant au Moyen-Orient, selon lui. Faisant remarquer qu’un indépendant a plus de marge de manœuvre qu’une grande organisation, il sillonne les pays où ce problème se pose pour tenter de récupérer les animaux et les rendre à leur milieu naturel. « L’espèce des chimpanzés est en danger, il n’en reste plus que quelque 150 000 spécimens de par le monde, souligne-t-il. Dans les pays où ils se trouvent, ils sont désormais protégés. Même dans le cas de trafic légal, qui est très limité de par le monde, il faut obtenir des permis et des certificats de santé. » Et pour de bonnes raisons : ces primates peuvent être porteurs de dizaines de maladies transmissibles à l’homme, mais qui ne les affectent pas d’une manière assez visible pour être détectés à temps, sans compter qu’il n’y a pas ici de vétérinaires spécialistes de ce genre d’animaux. L’écologiste rappelle que les cas de grippe aviaire détectés en Égypte ont probablement été causés par des oiseaux introduits illégalement dans ce pays. Jason Mier nous indique que « plusieurs chimpanzés ont été repérés au Liban, l’un au zoo Animal City, l’autre dans une station d’essence à Antélias, un troisième au restaurant Mr. Steak à Sin el-Fil ». Il a établi des contacts avec les autorités locales, multipliant les rendez-vous avec les responsables concernés. Après une confirmation par le ministère de l’Agriculture que la présence de ces chimpanzés était illégale au Liban, une perquisition a été effectuée dans ces endroits par les forces de l’ordre et les écologistes. Un vétérinaire du ministère, qui devait les accompagner, s’est excusé au dernier moment. Mais là, surprise : au zoo, le chimpanzé était tout simplement introuvable, alors qu’au restaurant et à la station-service, on leur a indiqué que les singes étaient morts la veille. Quelqu’un a-t-il passé le mot aux propriétaires des animaux ? Selon Jason Mier, cela est certain, même s’il est difficile de savoir qui aurait pu être coupable de cette « fuite ». Un dossier gelé par la justice Depuis, M. Mier a lui-même engagé un avocat pour suivre cette affaire, Me Kabalan Bassim. Celui-ci nous a indiqué que l’enquête du service d’anthropométrie n’ayant abouti à aucun résultat concluant, le parquet a décidé de geler le dossier. « Malheureusement, dans ce pays, on ne se rend pas compte de ce qui se passe à l’étranger, déplore-t-il. On a traité ce dossier avec légèreté parce qu’il s’agissait d’animaux exotiques. Pour ma part, je dois attendre que les organisations me fournissent de nouveaux éléments pour exiger que l’enquête soit réouverte. » Mais que s’est-il réellement passé au sujet de ces chimpanzés qui se sont volatilisés ? Alors qu’il n’y a plus aucune nouvelle des chimpanzés présumés morts, nous avons interrogé la responsable des relations publiques du zoo, Josiane Féghaly, qui nous a tout simplement répliqué que l’affaire est aux mains de la justice et que son institution attend les résultats de l’enquête pour se soumettre à la décision du juge, refusant de nous fournir des détails supplémentaires sur les conditions d’entrée du primate au Liban. Pour sa part, une source du ministère de l’Agriculture nous a confirmé que « les chimpanzés ont certainement été introduits illégalement au Liban ». Cette source estime que les animaux sont probablement entrés par voie terrestre à travers les frontières poreuses, parce que, dit-elle, les autorités du port et de l’aéroport n’ont pas intercepté de singes depuis quelque dix ans. Selon cette même source, « le ministère a facilité la tâche des militants écologistes et les a aidés, mais n’a pu en faire davantage, n’ayant pas de force exécutive sur le terrain ». Or, selon M. Mier, le trafic vers le Liban ne serait pas prêt de cesser. Il raconte avoir été dans divers magasins d’animaux sans décliner sa véritable identité, et on lui a proposé à chaque fois de lui procurer un chimpanzé pour la modique somme de... 6 000 dollars, alors que dans le pays d’origine, un bébé chimpanzé enlevé coûterait de 200 à 300 dollars. « Les singes proviennent vraisemblablement du Nigeria ou de la Côte d’Ivoire, estime-t-il. Le trafic passerait par l’Égypte vers le reste du Moyen-Orient. » Que se passera-t-il, selon lui, si les chimpanzés sont récupérés auprès de leurs propriétaires libanais ? « Ceux-ci devraient payer des amendes, déclare-t-il. Pour le rapatriement des singes vers leur pays d’origine, de grandes organisations internationales et des sanctuaires de grands singes se sont déclarés prêts à financer cette opération et à accueillir les primates. Nous en avons informé les autorités libanaises. » À la question de savoir comment les militants écologistes ont l’intention de faire face à un réseau apparemment aussi puissant, M. Mier a répondu : « Le plus important et le plus facile, c’est d’encourager les gouvernements à confisquer des chimpanzés introduits illégalement dans leurs pays et à rendre cela public. Une telle action limiterait en grande partie le trafic. Ce serait très bénéfique pour le Liban, aux yeux de la communauté internationale, d’entreprendre une telle opération. Alors que, dans le cas contraire, ce serait une mauvaise publicité pour le pays. » Pour ce qui est des chimpanzés eux-mêmes, M. Mier soutient qu’il s’agit « d’animaux très forts, qui ne meurent généralement pas en captivité ». « Mais étant des animaux sociaux, ils souffrent beaucoup quand ils sont enfermés et sont continuellement déprimés car ils ont besoin de contact avec leurs semblables », ajoute-t-il. Suzanne BAAKLINI
Pour chaque bébé chimpanzé qui tombe entre les mains d’un réseau de trafic, c’est toute une famille de chimpanzés qui meurt sous les coups des braconniers dans ses efforts désespérés pour sauver son petit. Les militants écologistes ont maintes fois mis la main sur des photos terribles, qui ont fait le tour du monde. Le trafic illégal de chimpanzés, dont l’espèce est en danger,...