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Actualités - OPINION

Liban : une occasion en or bleu

Le Liban a été l’objet de maintes convoitises le long de son histoire. Pour basique qu’elle puisse paraître, cette affirmation garde son sens aujourd’hui. On peut l’interpréter à la lumière des enjeux politiques et régionaux que le pays du Cèdre continue à traverser cahin-caha. Mais il est tout aussi possible de la replacer dans une perspective plus directement liée aux enjeux cruciaux de l’eau. L’or bleu est en effet la seule ressource naturelle tentante du Liban. Certes, cette situation lui a évité d’être jusqu’ici l’objet de rivalités liées à cette autre ressource stratégique qu’est l’or noir, cause de tant de soubresauts moyen-orientaux depuis le premier quart du XXe siècle. Néanmoins, si ses disponibilités en eau, en tant qu’élément vital, suffisent pour l’heure à répondre à ses besoins nationaux, le pays n’est pas pour autant prémuni à l’avenir de convoitises liées à une volonté tierce de mainmise sur ses réserves hydrauliques. Et pourtant, est-il approprié d’évoquer la présence de châteaux d’eau au Liban ? La réponse est double. On peut ainsi opposer ici une négation, si l’on considère que le seuil au-dessous duquel un pays est réputé être en situation de stress hydrique est de 1 700 m3/an/hab., cas dans lequel le Liban fait pâle figure avec ses quelque 1 200 m3/an/hab. Mais on peut aussi répondre par l’affirmative, notamment quand l’on relève que le pays du Cèdre passe pour un rentier par rapport à quelques-uns de ses voisins régionaux. Il y a certes l’exception de la Syrie, qui dispose d’un total de 1 600 m3/an/hab., et qui dépend beaucoup plus des vannes de son voisin turc ; l’Oronte libanais ne lui procurant qu’une part minime – quoique bienvenue selon elle – de ses ressources, on la voit donc mal opposer au Liban une demande d’exploitation supplémentaire des eaux de leur seul cours naturel commun. C’est plus au sud, en fait, que la situation s’avère beaucoup plus inquiétante. Ainsi, les Palestiniens disposent, une fois les prélèvements israéliens opérés sur leur territoire, de moins de 70 m3/an/hab. en termes de ressources naturelles en eau douce renouvelables. Israël ne peut compter pour sa part que sur un total de 270 m3/an/hab., tandis que la Jordanie peine à se contenter de ses 175 m3/an/hab. Plus important encore, ces deux derniers pays comptent pour beaucoup sur l’apport d’un fleuve en particulier : le Jourdain, dont l’un des affluents principaux n’est autre que le Hasbani libanais. On se souvient des tensions qui opposèrent Beyrouth à Tel-Aviv, à la fin 2002, lorsque le gouvernement libanais avait fait part de sa volonté – avortée – d’augmenter ses prélèvements dans le Wazzani. On se souvient tout aussi bien que l’entreprise d’invasion du Liban-Sud par Israël en 1978, la fameuse « Opération Litani », s’était matérialisée par l’établissement par l’État hébreu d’une zone stratégique d’influence s’étendant du nord de son territoire jusqu’au fleuve Litani. Vingt ans plus tôt, c’était le Jourdain qui incarnait l’un des motifs déclencheurs de la guerre israélo-arabe des Six-Jours. La raréfaction engagée des ressources en eau douce renouvelables sur le plan régional pourrait-elle dès lors empêcher l’histoire de balbutier ? Personne ne saurait réellement l’affirmer. Même s’il faut être conscient de ce que les rapports de force politiques et militaires actuels pousseront difficilement les États arabes du Moyen-Orient, par exemple, à s’en prendre frontalement à l’État hébreu. En tout cas, la configuration régionale actuelle devrait encourager tous les États vivant dans ce lourd épicentre conflictuel proche-oriental à œuvrer en faveur d’une optimisation de l’utilisation des ressources en présence sur leur territoire. Dans le cas du Liban, la mise en place d’une politique rationnelle, basée sur des données cartographiques et hydrographiques précises, et forte d’objectifs clairement définis, pourrait aider le pays à tirer très sensiblement profit de sa situation hydraulique. Ce qui passe, entre autres exemples, par la réévaluation des politiques d’assainissement, la restructuration intelligente du service public des eaux libanaises, ou encore l’atténuation des conséquences générées par le gaspillage et la pollution. Car si la population rurale libanaise ne dépasse pas les 12 % de la population, il n’en demeure pas moins que plus de 65 % des réserves du pays servent à l’irrigation. Le tout alors que les eaux du Litani, véritable vivier national, terminent pour moitié dans la mer Méditerranée. Soit un exemple, parmi tant d’autres, d’un patent manque à gagner que le Liban a, aujourd’hui plus que jamais, intérêt à combler. Il est en effet de plus en plus rare, de nos jours, de pouvoir tirer profit d’occasions en or… bleu. Barah MIKAÏL Chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), auteur de l’ouvrage «La politique américaine au Moyen-Orient» (Dalloz, avril 2006)

Le Liban a été l’objet de maintes convoitises le long de son histoire. Pour basique qu’elle puisse paraître, cette affirmation garde son sens aujourd’hui. On peut l’interpréter à la lumière des enjeux politiques et régionaux que le pays du Cèdre continue à traverser cahin-caha. Mais il est tout aussi possible de la replacer dans une perspective plus directement liée aux enjeux...