INSTALLATION - Au Goethe Institut jusqu’au 21 avril La boîte de Pandore de Imad Issa

Il est ce qu’on appelle communément un artiste engagé. Mais la démarche artistique de Imad Issa n’a rien de commun. Il conçoit des œuvres-manifestes contre la société et ses faux-semblants. Il s’insurge contre les poncifs, l’apathie ambiante, les pensées toutes faites, le «ready-made». Sa nouvelle installation, «Encaissé», en est le parfait exemple. À voir au Goethe Institut, Manara, jusqu’au 21 avril. En marge des circuits commerciaux, le subversif et provocateur Imad Issa n’en finit pas de secouer les consciences, de remuer la fange. Après avoir exposé le vide (télévisions sur des canaux brouillés, troncs d’arbres creux, cadres vides) et des oiseaux morts (vision prophétique?), il met ses contemporains en boîte dans une installation intitulée «Encaissé». Des têtes et des caisses: ce sont les deux pierres angulaires de l’œuvre. Les têtes (en céramique ou peintes et créées sur ordinateur) sont vides, comme des caisses. Les caisses, elles, font allusion à ces choses toutes faites, ces idées préconçues que l’on importe ou exporte dans des emballages. En référence à la soumission à des idées importées de l’étranger, ou fabriquées localement, des idées qui «attendent d’être mises dans ces caisses». «Peu importe la couleur du carton, l’essentiel reste le contenu, qui est toujours pareil», indique l’artiste qui s’interroge ainsi si l’«encaissage » est le mal de ce siècle. « Nous suivons aveuglément et de manière irresponsable ce qui nous est proposé. Aucun esprit critique ou d’analyse dans la démarche de l’homme contemporain. Au Liban, il est interdit de réfléchir sauf si c’est dans l’intérêt des pays étrangers.» Voilà, le ton est donné. Issa est sans conteste un provocateur qui engage le spectateur à prendre parti, mais aussi à affronter ses peurs et ses préjudices intérieurs. Depuis des années, l’artiste explore constamment de nouveaux supports pour son travail. Dessin, sculpture, photographie, vidéo et performance sont des composantes essentielles de ses diverses installations. Il construit un univers ayant sa propre logique, où des fragments de culture populaire et de politique mondiale se mêlent à des peurs et à des rêves personnels. L’art de Issa est certainement un immense théâtre dont chaque élément est essentiel à la compréhension de l’ensemble. Le moment de catharsis est peut-être invisible, mais il est là. Maya GHANDOUR HERT