CONCERT À l’Assembly Hall (AUB) et, ce soir, à Balamand L’orage, le clavier et Beatrix Klein…

Les foudres du ciel se sont conjurées contre la jeunesse, le talent et la beauté. C’est devant une salle presque vide (à peine une quinzaine de personnes) de l’Assembly Hall (AUB) que s’est déroulé le concert de la pianiste Beatrix Klein, organisé par le Kulturzentrum. Vingt-deux ans, blonde comme un épi d’or, Beatrix Klein est une jeune championne des touches d’ivoire, lauréate déjà de plusieurs prix et dotée d’une vaste et fine culture musicale dont atteste son programme aux œuvres soigneusement choisies. Au menu proposé, des pages d’Albéniz, Beethoven, Hummel et Liszt Les vannes du ciel se sont ouvertes à l’heure du concert de Beatrix Klein. Pas un chat dans la rue, mais un seul sous les bancs de l’Assembly Hall (AUB). Un chat, effrayé par la pluie, le tonnerre et les éclairs, qui est rentré se réfugier à la faveur des portes soudainement ouvertes par le vent. Il a fallu l’intervention des gardiens du campus de l’Université américaine pour le sortir. Beatrix Klein s’est attaquée avec brio aux premières mesures d’un prélude d’Isaac Albéniz. Flamboyance ibérique et éclat solaire dans cette tourmente de la nuit… Se sont respectivement succédé, une mélodie rêveuse avec Sous un palmier et un sémillant Seguidillas, toujours dans le sillage du charme du pays de Cervantès, contés par un des plus grands maîtres de l’école musicale espagnole moderne. Accents véhéments et passionnés du maître de Bonn avec la Sonate op 22 n°11 en si bémol majeur (allegro con brio, Adagio con molto espressione, minuetto et rondo). Brillante narration admirablement traduite par une pianiste qui avoue sans ambages son admiration pour Beethoven. Jeu à la fois jubilatoire et expressif sous cette pluie battante qui en accentuait le troublant aspect éminemment romantique. Pour prolonger le plaisir et l’enivrement de la musique beethovénienne, un Alla ungherese quasi un capriccio op 129 (morceau connu sous l’appellation de Colère pour un sou perdu) d’une rapide concision. Précipitée, requérant célérité et minutieuse vélocité, voilà une œuvre de bravoure tournoyante comme une toupie folle… Une inspiration enflammée Petit entracte et reprise avec une Sonate op 81 en fa dièse mineur de Johann Nepomuk Hummel. Sonate sous l’influence de Mozart et de Haydn pour un musicien autrichien élève du génie de Salzbourg. Trois mouvements (allegro, largo con molto espressione et vivace) pour une œuvre à l’inspiration enflammée avec des triolets perlés et doux comme un chant de rossignol. Lumineux chromatismes qui se fondaient avec la colère du ciel se déversant en trombes rageuses sur les vitraux zébrés par les éclairs et secoués par les grondements sourds du tonnerre. Pour terminer, une belle et somptueuse Paraphrase de Rigoletto de Verdi par Frantz Liszt. Morceau brillantissime avec des fioritures en veux-tu en voilà, sans oublier la magnifique et généreuse mélodie verdienne du Roi s’amuse… L’opéra sur les touches du clavier est toujours un heureux mariage qui met du baume au cœur… Panache et fluidité d’une aria célèbre; voilà une fusion qui laisse l’auditeur bien rêveur. Une pluie d’applaudissements du très petit cercle d’amis et de mélomanes pour une prestation qui a revêtu, involontairement, le caractère d’un concert intime et privé. Excellente prestation de Beatrix Klein, une pianiste virtuose qui ira sans nul doute encore très loin. Pour tous ceux qui ont raté le train, ce soir, en dépit du temps grincheux, Beatrix Klein sera (pour les pianophiles chevronnés) à l’auditorium de l’Université de Balamand. Même s’il pleut averses, ce n’est ni une raison ni un prétexte pour ne pas aller l’applaudir! Edgar DAVIDIAN