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Actualités - CHRONOLOGIE

Vie universitaire - Le discours de la Saint-Joseph à l’USJ a été consacré, cette année, aux étudiants Chamussy : « Les campus se doivent d’être les hauts lieux d’une formation citoyenne aux thématiques de la souveraineté et de la liberté »

Comme chaque année, l’Université Saint-Joseph a célébré hier sa fête patronale sur le campus des sciences et technologies, à Mar Roukoz. Outre le père René Chamussy, recteur de l’université, les recteurs émérites, les PP. Jean Ducruet et Sélim Abou, les vice-recteurs, le secrétaire général, les doyens des facultés et directeurs d’instituts, étaient présents à cette rencontre près de 1 000 enseignants des différentes institutions de l’université à Beyrouth et des trois centres régionaux de Tripoli, Saïda et Zahlé. Y ont participé également une délégation des étudiants, une délégation du personnel des services généraux et des laboratoires de l’université et les chefs des services administratifs de l’Hôtel-Dieu (Centre hospitalier universitaire), le président et les membres de l’association des anciens, les présidents des amicales ainsi que les membres libanais du conseil stratégique de l’université. Étaient également présents les présidents des ordres professionnels auxquels sont liées les facultés, ainsi qu’un groupe de bienfaiteurs qui financent le programme de bourses et d’aides octroyées aux étudiants et qui soutiennent les projets de développement de l’USJ. Innovation cette année : les recteurs d’un certain nombre d’universités au Liban ont accepté de s’associer à cette manifestation universitaire et familiale. De plus, le recteur a tenu à adresser une invitation personnelle aux journalistes pour les associer à cette fête de l’Université Saint-Joseph parce qu’ils sont de ceux qui contribuent au rayonnement de l’université en couvrant ses activités. Nombreux furent les représentants des médias (journaux, revues, radios et télévisions) à répondre à cette invitation. La messe inaugurale de la journée a été concélébrée par le P. Chamussy entouré d’une vingtaine de prêtres, enseignants à l’université et aumôniers d’étudiants. Après la messe, le public s’est retrouvé dans l’amphithéâtre Jean Ducruet pour écouter le message du recteur, intitulé cette année « Les étudiants ». Au terme de ce discours, le dix millième étudiant inscrit à l’USJ, en fait une étudiante, Hoda Najm, inscrite à la faculté des sciences de l’éducation, a été invitée à monter sur l’estrade pour se voir remettre une gratification. L’allocation du recteur a été suivie d’un déjeuner convivial. Le cap du dix millième étudiant Voici de larges extraits du discours du recteur Chamussy, qui a porté sur les deux défis que doit relever l’USJ, celui de la croissance et celui des valeurs. Défi de la croissance, avec notamment le problème de la « barrière linguistique » francophone qui le sépare d’un monde arabe majoritairement anglophone et celle, financière, des scolarités ; défi des valeurs, avec la nécessité de l’apprentissage de la démocratie par les étudiants venus d’horizons politiques divers et dont le devoir de « créer du sociétal » est mis à mal par le tropisme de la « politique politicienne ». On relève notamment l’intention de l’USJ de délocaliser certaines unités de formation spécifiques offrant des possibilités linguistiques plus ouvertes sur l’arabe et l’anglais, ainsi que la construction, rue de Damas, de trois nouveaux immeubles : une résidence universitaire, une annexe à Bérytech, dite Bérytech II, et un ambitieux pôle Technologie-Santé qui, outre sa vocation de recherche, devrait abriter aussi un ensemble sportif et de nouvelles salles de classe. « Il est étrange, à considérer la vaste littérature consacrée au phénomène universitaire, de voir le peu de place consacré à l’étudiant comme acteur principal de la communauté universitaire. Il va de soi cependant que nous avons là le groupe le plus important par rapport à tous ceux que compte notre université : ils étaient 9 123 en 2004-2005 dont 8 498 se retrouvaient comme étudiants réguliers, alors que les autres acteurs de l’USJ se répartissaient comme suit : 1 645 enseignants vacataires, 331 enseignants cadrés, 456 membres du personnel des services généraux. Ils se retrouvent plus de 10 000 à l’ouverture du second semestre de l’année universitaire 2005-2006. Inexorablement, l’université croît et se développe. Et voici donc atteint le chiffre fatidique des 10 000 étudiants. Un signe de bonne santé, à coup sûr, dans la mesure où, par-delà la multiplication des centres universitaires d’enseignement supérieur au Liban, nous continuons dans la voie ascendante qui est la nôtre depuis quelques années. Un appel à assumer de plus lourdes responsabilités aussi dans la mesure où nous avons proclamé, en choisissant pour toute l’université le système européen de crédits, que l’étudiant devait être au cœur de nos préoccupations. « (…) L’université a toujours été considérée comme le haut lieu de dispensation du savoir, et elle le reste, certes, mais elle ne peut faire l’impasse aujourd’hui sur les modalités d’appropriation de ce savoir par la population étudiante de même que sur sa façon d’exister et se lancer dans la société telle qu’elle est, il s’agit là d’un problème de qualité pour notre université ; il s’agit là de cette excellence que nous avons à construire tous ensemble. Diversification du recrutement « “L’Université Saint-Joseph n’accepte pas d’être au service exclusif d’une classe sociale ou d’une communauté ethnique ; c’est pourquoi elle attache une spéciale importance à la diversification du recrutement de ses enseignants et de ses étudiants”. Ce passage de l’article 6 de notre charte est important. Il marque en effet la volonté de nos prédécesseurs de ne pas enfermer notre population étudiante dans un modèle par trop standardisé. Il nous engage aujourd’hui encore alors que, par le biais d’incitations de types divers, nous avons à veiller à la composition de cette population. En fait, il ne faut pas le cacher, nous disposons de peu d’éléments qui nous permettent de cerner avec précision le visage de notre corps estudiantin. Nous savons qu’il est en croissance permanente, nous savons qu’il se féminise (62 % l’an dernier), nous constatons qu’il s’ouvre à la communauté musulmane (30 %), nous prenons acte enfin de son enracinement à Beyrouth (87 %) même si les centres universitaires régionaux s’affirment toujours davantage. De science sûre, nous n’en savons guère plus actuellement. Il est toutefois possible d’en dire davantage en raison des réalités qui s’imposent à tous nos étudiants. « Notre université est une université privée et qui en tant que telle ne vit que des scolarités versées par ses étudiants ; elle est francophone et en tant que telle elle impose à ses étudiants un test d’entrée en langue française ; elle est libanaise et s’est vouée dès son origine à l’accueil prioritaire d’étudiants de nationalité libanaise ; elle est enfin d’inspiration chrétienne, son nom même le signifie qui pourrait marquer une spécificité insurmontable. Il y a là quatre traits de notre université, quatre signes qui pourraient donner à penser à des observateurs peu attentifs que notre corps estudiantin se doit de relever d’un groupe social précis aux marques définies. La réalité est en fait moins tranchée. « D’abord et pour reprendre ici, à l’envers, les quatre points que nous avons soulignés, si notre université, conformément à l’article 4 de sa charte, “assume sa tâche d’enseignement et de recherche dans la perspective chrétienne qui fut la sienne dès sa fondation” et si, dans la même perspective, elle veille à offrir aux étudiants un service de pastorale universitaire adéquat, elle tient, tout aussi bien, à se rendre accueillante vis-à-vis de tous ceux qui sont enracinés dans d’autres traditions spirituelles et religieuses. (…) L’université se veut ouverte à tous et en fait, elle l’est, de même qu’elle est et doit être prioritairement préoccupée par tous les problèmes qui relèvent de l’interculturel. « Francophonie désenclavée » « En ce qui concerne le caractère international de notre université, il faut reconnaître que si cette dimension ne cesse de s’affermir au niveau général au point que l’on a pu noter le rôle de plaque tournante que nous pourrions devenir entre Orient et Occident, les retombées concrètes sur la composition de notre ensemble estudiantin ne sont pas encore à la mesure de nos espérances : 6 % seulement de nos étudiants sont des non-Libanais. Une double raison peut être à la source d’une telle situation. Il y a d’abord le fait que nous sommes une université privée qui vit de ses scolarités alors que nos collègues occidentaux ou francophones relèvent le plus souvent du secteur public. Dès lors, toute mobilité qui se produirait hors du cadre de la parité, cadre reconnu par les conventions, implique un financement difficile à trouver. Par ailleurs, le caractère francophone de notre université paralyse certains de ceux – surtout dans le monde arabe – qui souhaiteraient pouvoir venir chez nous. Il y a là toute une politique à mettre en place qui pourrait nous conduire à envisager des filières de formations qui, parallèlement à celles déjà mises en place en langue française, offriraient des possibilités linguistiques plus ouvertes sur l’arabe et l’anglais, alors que des délocalisations d’unités de formation spécifiques sont d’ores et déjà envisagées. « Ce problème de la francophonie considérée comme une contrainte dans la région où nous sommes insérés, aussi bien que par rapport à notre souci d’ouverture au monde américain et extrême asiatique, doit en fait être considéré dans toutes ses dimensions. L’université est une université francophone et le demeurera (…), il n’en reste pas moins que notre université est aussi enracinée dans le biculturalisme et le multilinguisme, ce qui doit donner à cette même francophonie une couleur particulière ; d’aucuns l’ont qualifiée de “francophonie désenclavée” : nous avons à l’affermir, à travailler avec tant d’autres à son expansion ; mais nous avons à l’enrichir grâce au biculturalisme, grâce aussi au multilinguisme. Le problème des scolarités (…) « Reste alors à reconnaître la dernière contrainte qui pèse sur nos étudiants. Nous le savons tous : notre université vit de ses scolarités et nous ne bénéficions d’aucun subside de la part de l’État. Certes, il advient que certaines fondations aident nos étudiants, mais il ne s’agira – au 2e semestre de l’année 2004-2005 – que de 254 étudiants. Notre service social s’investit davantage en ce domaine : pour la même période, ce sont 1 666 étudiants qui ont pu bénéficier de prêts sans intérêts et 335 qui ont pu bénéficier de bourses ; il s’agit, dans ce dernier cas, d’étudiants ayant de grandes difficultés ou des charges familiales à assumer. À cela peuvent se rajouter les bourses d’excellence destinées aux nouveaux venus ayant terminé dans l’excellence leurs études secondaires, les bourses de mérite accordées par chaque institution aux étudiants les plus brillants, les bourses destinées aux étrangers qu’une commission accorde après étude des dossiers et les bourses accordées par l’Agence universitaire de la francophonie que l’université se doit d’ailleurs de compléter. Ces apports multiples permettent, certes, d’amortir le choc qui pourrait frapper le budget de familles aux revenus réduits. Il n’en reste pas moins que les exigences dues aux paiements des scolarités sont réelles. Exister pleinement (…) « Cette participation des étudiants à l’œuvre pédagogique tout autant qu’à l’élaboration des programmes par l’évaluation des enseignements ainsi que par des réunions plus ciblées doit donc se réaliser. Mais le rôle des étudiants en tant que groupe ou par le biais de leurs représentants ne peut s’arrêter là. Il doit même apparaître avec plus de force en tout ce qui concerne ce que l’on appelle “la vie étudiante”. Il s’agit là en effet de tout un ensemble qui permet aux étudiants non seulement de travailler, mais aussi d’exister pleinement. (…) « À reprendre tous ces éléments, on peut se rendre compte que l’université quant à elle n’est pas en reste même si des progrès sont encore à réaliser. « L’environnement matériel ? C’est à la fin de l’an 2000 qu’un nouveau campus a pu être inauguré alors que les constructions des centres régionaux étaient déjà achevées. Des problèmes de surpopulation existent encore en au moins deux campus de Beyrouth ; ils devraient pouvoir être surmontés dès que les locaux attenant au pôle Technologie-Santé de la rue de Damas seront achevés : ensemble sportif, salles de classe etc. En attendant, une résidence universitaire a ouvert ses portes cette année, alors que Berytech II prenait forme et que les services du rectorat s’installaient en de nouveaux locaux. Créer du social « Nous en arrivons là à l’essentiel. Parler des étudiants à l’université, ce n’est pas parler de collégiens qui ont à travailler, à recevoir un savoir, c’est parler à des jeunes qui ont à s’approprier un savoir, mais c’est aussi parler de jeunes qui créent ensemble l’espace de quelques années, du sociétal, j’entends par là qu’il y a constitution à l’université d’un groupe social original. Cela demande de l’animation et du créatif, cela demande aussi une certaine façon de vivre la politique, cela demande enfin qu’il y ait du prospectif ; le groupe en question ne sera là que pour muter en toute autre chose. « Un campus, des campus qui vivent, sont d’abord donc des lieux de créations de toutes sortes et s’il va de soi que l’administration puisse donner un coup de pouce en ce sens ici ou là, c’est avant tout le dynamisme des étudiants, des amicales en premier lieu, qui permettra d’animer ces lieux en telle sorte qu’ils deviennent pour la plupart des lieux de rencontre et de convivialité. Un campus mort, un campus sans animation est un mauvais signe pour toute l’université (…). Nous ne pensons pas qu’il en aille ainsi sur nos campus ; il n’empêche qu’il s’agit là d’un critère à ne pas négliger. « Qu’il y ait du créatif sur les campus, avons-nous dit, qu’il y ait du politique aussi. En employant ce concept, je sais que je risque de tromper mon auditoire. Il importe de bien clarifier les choses. (…) La politique politicienne débarque ici avec des étudiants qui appartiennent ou n’appartiennent pas à tel ou tel parti ou mouvement politique reconnu dans le pays. Et cela est tout à fait normal. Des échanges peuvent avoir lieu sur les campus entre ces différentes idéologies ou simples perspectives et orientations. Et cela est encore une fois tout à fait normal. Reste à permettre à ces diversités de vivre ensemble, de communiquer les unes avec les autres, de tenter de découvrir comment vivre avec ces différences. C’est en cela que l’on a, dans les campus, à faire du politique, à construire quelque chose, une cité à part, où chacun débarquant avec ses idées peut coexister avec les autres sans qu’il n’y ait de point d’appui partisan installé et au pouvoir. Le rôle des amicales est ici très important, très difficile aussi. Du créatif, du prospectif, du politique « Car il va de soi que si la communauté estudiantine de l’USJ doit exister, elle ne peut le faire qu’en étant définitivement tournée vers l’avenir. C’est là le troisième point fondamental qui me semble devoir être les marqueurs véritables de nos campus : du créatif, du politique, du prospectif. (…) Les campus se doivent d’être les hauts lieux d’une formation citoyenne, mais cela signifie que l’on se situe en décalage par rapport à la politique politicienne, aux jeux des partis, aux intérêts personnels des leaders petits et grands. Le travail sur les grandes thématiques qui tournent autour de la souveraineté du pays et de la liberté, la réflexion sur les politiques qui devraient être celles du Liban au plan de la santé, de l’économie, du développement, de la défense, de l’éducation etc. L’implication dans les ministères à l’occasion de stages ou rencontres : c’est en se jetant à corps perdu en tout ce monde que l’on se prépare à vivre une vie de citoyen engagé, celle qui devrait être le rêve de tout étudiant. Pour un Liban différent (…) « Reste alors l’essentiel : le sens que l’on peut et doit donner, nous tous ici réunis, à notre combat, à notre travail avec les étudiants, pour un Liban différent. Ce Liban des communautés et des cultures différentes, nous ne le connaissons que trop, mais nous nous devons de tout lui donner pour qu’il ne se laisse plus jamais aller dans la déchéance et le déchirement. C’est le pape Benoît XVI qui, s’adressant aux diplomates, leur parlait, en ce début d’année, des diversités de notre monde ; après avoir évoqué explicitement le Liban, il émettait alors le souhait de voir tous les responsables des peuples travailler non seulement, disait-il, pour une“ coexistence tolérante”, mais pour un “projet d’humanité plus haut et plus riche”. Le pape se tournait d’ailleurs vers tous les enseignants et étudiants pour qu’eux aussi prennent en charge ce projet. Ce “projet d’humanité plus haut et plus riche”, à nous de le prendre en charge à notre tour, à nous de l’élaborer avec le seul souci de donner une occasion d’espérer à tous ceux qui se sont levés l’an passé dans la certitude, bien mise à mal aujourd’hui, qu’il était possible de reconstruire un Liban nouveau. »
Comme chaque année, l’Université Saint-Joseph a célébré hier sa fête patronale sur le campus des sciences et technologies, à Mar Roukoz. Outre le père René Chamussy, recteur de l’université, les recteurs émérites, les PP. Jean Ducruet et Sélim Abou, les vice-recteurs, le secrétaire général, les doyens des facultés et directeurs d’instituts, étaient présents à cette...