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CORRESPONDANCE - La mémoire de Samir Kassir et de Gebran Tuéni saluée au Salon du livre de Paris, Porte de Versailles L’histoire et l’indépendance au cœur des écrits des auteurs comme des hommages aux martyrs du Liban

PARIS, de Zéna ZALZAL Présent au Salon du livre de Paris pour la deuxième année consécutive, le Liban a accentué cette fois sa participation. En effet, outre un stand bien plus vaste que le précédent*, le ministère libanais de la Culture a prévu, tout au long du Salon, une série de manifestations intra et extra-muros. Des débats et rencontres d’écrivains et d’intellectuels, une exposition de photos sur le thème de la lecture signées Hayat Karanouh, des récitals de poésies… Un programme qui vient s’ajouter à celui des organisateurs du Salon, qui ont également invité, de leur côté, quelques auteurs libanais, parmi lesquels Amin Maalouf. Sauf que le célèbre « Goncourt libanais » a décliné l’invitation et publié un article incendiaire dans « Le Monde », dans lequel il s’affirme « contre la littérature francophone » et pour une « littérature d’expression française ». Une littérature qui rejette la « catégorisation » des écrivains et la prééminence des auteurs français sur les auteurs francophones, et qui regrouperait tout simplement – sans discrimination larvée – des « écrivains d’expression française ». Une prise de position autour de laquelle s’est articulée en bonne partie la table ronde consacrée aux « Romanciers libanais francophones d’aujourd’hui ». Et à laquelle étaient conviés Yasmine Ghata, Percy Kemp, Charif Majdalani, Alexandre Najjar et Rami Zein. Une jeune génération d’écrivains, qui ont affirmé vivre, globalement, une francophonie sereine. Même si Charif Majdalani a évoqué sa « crainte d’une ségrégation positive à l’égard des écrivains francophones » et si Percy Kemp a soutenu être « attiré par le français, parce que c’est une langue qui a perdu sa puissance et l’arrogance qu’elle avait dans le passé », la francophonie est considérée par les auteurs libanais comme « une chance pour nous et pour la France ». « Les écrivains francophones apportent beaucoup à la langue française, tant au niveau de la forme que du fond », a d’ailleurs signalé Alexandre Najjar. Une assertion à laquelle adhèrent parfaitement Yasmine Ghata (issue de trois cultures : libanaise par sa mère, turque par son père et française d’éducation) et Percy Kemp, qui a, d’ailleurs, pointé du doigt l’essoufflement des idées chez les écrivains français. Écritures identitaires Présentés par Gérard Meudal, journaliste au Monde (et figure bien connue des visiteurs du Salon du livre de Beyrouth), comme des auteurs représentatifs de tous les genres (du roman historique au roman d’espionnage, de l’essai à la chronique familiale…), le modérateur a relevé chez ces écrivains aux thèmes différents « un même intérêt marqué pour leur histoire ». La dimension historique est en effet omniprésente dans les œuvres d’Alexandre Najjar (et notamment dans son Histoire de Beyrouth), dans l’ Histoire de la Grande Maison de Charif Majdalani (une chronique familiale sur fond de Grande Guerre et de famine), dans La nuit des calligraphes, le premier roman, inspiré de la vie de sa grand-mère, de Yasmine Ghata. L’histoire plus contemporaine baigne les romans de Ramy Zein ou encore les polars de Percy Kemp. Un intérêt où se glisse la volonté d’éclairer le présent et que le flegmatique Anglo-Libanais résume d’une formule lapidaire : « Plus l’histoire nous échappe et plus on a tendance à vouloir en parler. » Une explication plausible de ce penchant des écrivains libanais. Sans doute en quête d’identité… Courage, liberté et passion Des écrits identitaires libanais, Samir Kassir et Gebran Tuéni sont les plus illustres représentants. Deux plumes de combat pour l’indépendance, auxquelles les organisateurs de ce Salon, en collaboration avec le ministère libanais de la Culture, ont voulu rendre un hommage spécial. Une table ronde, animée par Philippe Dessaint (journaliste de TV5, qui a bien connu les deux hommes), a ainsi réuni, le week-end dernier, autour de la mémoire des deux grands journalistes martyrs, l’actuel ministre de la Culture, Tarek Mitri, l’ancien ministre de la Culture, Ghassan Salamé, ainsi que le romancier et journaliste au Nahar, Élias Khoury. Une rencontre sur laquelle régnait une émotion contenue. D’autant que les deux veuves des disparus s’étaient glissées dans la foule des auditeurs, composée de Libanais de France (avec, à leur tête, l’ambassadrice Sylvie Fadlallah), mais aussi de nombreux sympathisants français. « Des meneurs d’hommes, épris de liberté et au courage exceptionnel. » Des mots qui résument les témoignages des trois intervenants. Proches, chacun à sa manière, des deux journalistes assassinés, ils ont dressé des portraits croisés de l’éditorialiste, « aux écrits attendus dans toute la région » et du directeur du Nahar, « éditeur moderniste et homme politique fougueux, aux positions claires ». « Samir représente une qualité d’homme qui devient de plus en plus rare », a déclaré Ghassan Salamé. « Un modèle de l’intellectuel, dont les mots, les idées et les écrits ont un impact régional. » « Il puisait sa détermination dans sa curiosité intellectuelle et était de ceux pour qui le combat de la liberté au Liban est indissociable du combat pour la Syrie et de la lutte pour la Palestine », a renchéri Tarek Mitri. Qui a donné de Gebran Tuéni la description d’« un homme d’une grande témérité, habité par les désirs de justice et de liberté. Il avait un regard dans lequel se miraient toutes les colères. C’était un républicain qui était convaincu que l’unité des chrétiens et des musulmans est le ciment de cette république ». Afin qu’ils ne soient pas morts pour rien… Issus de parcours et de camps différents, comme l’a rappelé Élias Khoury, Samir Kassir et Gebran Tuéni n’en avaient pas moins été réunis par un même combat. Un combat contre « le régime dictatorial syro-libanais », qui est encore présent au Liban. « Car il n’y a pas eu de vrais changements. La classe politique est toujours fortement communautarisée et les assassins des martyrs de la révolution du Cèdre courent encore les rues à Beyrouth en toute impunité. Ils sont toujours protégés par les relents du régime syrien en place. » Une « intifada manquée », dont l’évocation a soulevé dans le public de nombreux commentaires suintant la désillusion. Les jeunes Libanais présents ont, en effet, exprimé leur peur que « cette révolution ne débouche, comme trop souvent au Liban, sur un compromis », et appelé les intervenants à « réagir afin que ces martyrs ne soient pas morts pour rien et avant qu’il ne soit trop tard pour le pays du Cèdre ». Pour cela, il faudrait certes qu’il y ait un changement au sommet de l’État. Mais cette « possibilité à forte probabilité », comme l’a indiqué le ministre Mitri, « qui est, en soi, une partie de la solution, doit s’accompagner d’un travail de redressement économique ». « Mais aussi, a ajouté Ghassan Salamé, d’une refonte radicale du système politique. » « Gebran avait réussi à mobiliser la jeunesse, Samir était proche des jeunes. Tous deux ont contribué à donner un sens à la lutte de la jeunesse libanaise. Ils ne sont pas morts pour rien. Ils sont morts pour que nous vivions. Mais pour que d’autres ne meurent plus, il faudrait écourter cette espèce d’entre deux mers avec des gens au pouvoir, vestiges du régime. Il est de notre devoir à nous tous d’œuvrer afin que cette période de transition prenne fin le plus rapidement possible », a affirmé en conclusion Ghassan Salamé. Longuement applaudi… Un hommage qui s’est terminé par la récitation psalmodiée d’un texte d’Ahlam Moustaghani célébrant la liberté, par la cantatrice et comédienne Jahida Wehbé. * Un stand libanais réunissant 22 éditeurs dont : Dar an-Nahar, la Librairie Orientale, Tamyras, Les Presses universitaires de l’USJ, Terre du Liban, Les éditions Geuthner, la CD-Thèque... Un stand accompagné du conteneur-installation (qui avait été précédemment présenté au Salon Lire en musique de Beyrouth) dédié à Samir Kassir.
PARIS, de Zéna ZALZAL

Présent au Salon du livre de Paris pour la deuxième année consécutive, le Liban a accentué cette fois sa participation. En effet, outre un stand bien plus vaste que le précédent*, le ministère libanais de la Culture a prévu, tout au long du Salon, une série de manifestations intra et extra-muros. Des débats et rencontres d’écrivains et...