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Actualités - RENCONTRE

RENCONTRE - Ali Sadek, traducteur des libretti, sera au « Bustan » demain jeudi Chanter Mozart en arabe est un challenge et un choc

Quelle relation entre un médecin spécialisé en anesthésie et la musique de Mozart? Aucune. Mais la musique, bien plus que les mains qui guérissent, est une fascination secrète… Fascination qui a atteint le cœur du Dr Ali Sadek, traducteur en arabe des libretti du génie de Salzbourg. Primeur des sonorités orientales dans le monde de l’opéra du compositeur de La flûte enchantée, qui devient ici «al-Nay al-Sahry»… L’arabe, langue gutturale et lyrique par excellence, est d’une grande richesse sonore et remplace parfaitement et en toute aisance les vocables italiens ou allemands. Rencontre avec le Dr Ali Sadek avant la soirée du récital arabe des œuvres opératiques de Mozart, qui sera donné à l’auditorium Émile Bustani. Récital justement réalisé grâce à la traduction des libretti de Mozart par le Dr Sadek et chantés par Mona Rafla (soprano), Mohammad Abou el-Kheir (ténor) et Raouf Zeidan (baryton), accompagnés au piano par David Hale. Petite anecdote en préambule à l’univers de Mozart dans la langue de Naguib Mahfouz… Devant une grande baie vitrée donnant sur le jardin de l’entrée de l’hôtel al-Bustan, une cage d’oiseaux qui pépient. Réflexion du Dr Ali Sadek qui, tout en s’installant, précise en souriant: «Il ne faut pas beaucoup évoquer Mozart devant ces oiseaux, car ils ne s’arrêteront plus de chanter et de faire des trilles…» Petite et charmante boutade d’un médecin né au Caire en 1945 et qui vit actuellement à Londres. Cheveux sel et poivre, pull à ras-du-cou beige avec chemise indigo et de grosses lunettes à montures noires, une allure bien simple et modeste pour le détenteur de la médaille Mozart et du membre honoraire de la Société Mozart à Vienne. Chanter Mozart en arabe est un challenge et un choc… «En effet, dit tout de go Dr Ali Sadek, rien ne lie la médecine à la musique. Mais j’ai sans nul doute deux personnalités. Je suis né avec ces deux passions. J’ai fait d’abord du piano en dilettante, une sorte de hobby perfectionné. La musique, je l’aime avec un grand «M». De l’occidentale à l’orientale, du classique au moderne. J’ai un goût très élastique en ce sens. D’ailleurs, la musique a toujours été dans ma famille. J’ai consacré beaucoup de temps à la musique dans ma vie et, pour moi, l’opéra est un hobby sérieux. Parmi tous les compositeurs, Mozart m’a le plus impressionné. Et j’ai réalisé que la langue est un élément très important dans ses opéras. L’italien, je l’ai appris après le français, car je suis élève des frères… Et puis je me suis penché sur l’allemand. C’est en 1991 que l’Opéra du Caire a produit le Mariage de Figaro et en 1998 Don Giovanni. Il y a aussi Cosi fan tutte. Deux opéras complets en arabe sont gravés sur CD avec l’Orchestre de la radio nationale de Pologne. Par la suite, j’ai opté pour des récitals où je groupe des extraits de certains opéras de Mozart. Une sorte d’initiation, d’introduction à la musique de Mozart, agréable et facile, surtout au public de culture arabe. Cela permet aussi aux chanteurs une performance plus grande, aussi bien vocale que scénique, car intensément vécue dans une langue dont ils connaissent tous les rouages et tous les secrets. Cela ouvre des perspectives nouvelles et des horizons nouveaux, avec un répertoire déjà sérieusement établi. Mais il ne faut pas l’oublier non plus: l’Occident est sensible au rapprochement des cultures et à la diffusion de l’œuvre de Mozart, d’une manière différente certes, mais proche du monde arabe, tout en respectant la prosodie de la musique occidentale…» Et que ressent le Dr Ali Sadek pour cette soirée? Pense-t-il que le public de Beyrouth est prêt à « recevoir » cette expérience qui a pourtant conquis Londres et Vienne? «Je sais d’avance combien le public libanais apprécie la musique. Mais il y a toujours, dans chaque chose nouvelle, une certaine appréhension… Je redoute bien sûr la réaction de tout auditeur, mais moi je souhaite en même temps qu’il aime cette musique connue, sertie dans des mots nouveaux, avec des sonorités encore inapprivoisées pour un public habitué au texte original. Si je gagne l’approbation du public libanais, c’est déjà une excellente victoire… Je réalise bien que c’est un challenge et un choc. Mais finalement, ce sont là des vocables bien proches de nous. Notamment l’humour méditerranéen de la langue italienne que tout Oriental perçoit fort bien…» Et si Ali Sadek, le médecin, est appelé à prescrire une dose d’anesthésie à un patient, lui prescrirait-il du Mozart (après tout la musique a pas mal de vertus curatives)? Éclat de rire et réponse qui fuse: «Vous savez la bonne et coriace croyance du brave peuple: donnez à écouter du Mozart aux enfants, ils deviennent plus intelligents!» Et les projets? «À part l’intégralité d’Idoménée et La flûte enchantée de Mozart, je pense beaucoup en ce moment au Figaro et à Cendrillon de Rossini… Et puis, en mai prochain, il y aura au Caire la production de Don Giovanni.» En attendant d’écouter un opéra complet de Mozart en arabe, on pourra applaudir – note insolite et qui sort des chemins battus, en ce treizième Festival al-Bustan – des extraits et des arias des Nozze di Figaro, Cosi fan tutte, Don Giovanni et Zauberflôte, en arabe bien entendu. Une expérience à vivre. Le bel canto, lyrisme absolu, après tout, et même si c’est avec d’autres attributs, est bien dans le patrimoine arabe… Edgar DAVIDIAN
Quelle relation entre un médecin spécialisé en anesthésie et la musique de Mozart? Aucune. Mais la musique, bien plus que les mains qui guérissent, est une fascination secrète… Fascination qui a atteint le cœur du Dr Ali Sadek, traducteur en arabe des libretti du génie de Salzbourg. Primeur des sonorités orientales dans le monde de l’opéra du compositeur de La flûte enchantée,...