Rechercher
Rechercher

Actualités - RENCONTRE

RENCONTRE « Le superfuturisme », de Hassan Ajami L’histoire commence par le futur...

Un philosophe dans la ville…Une ville déchaînée, éruptive, hystérique comme Beyrouth. Une ville secouée à chaque instant, interpellée, où il est difficile de vivre calmement. Pour une ville sur un chaudron qui chauffe constamment, un philosophe aide peut-être à mieux voir, à ausculter une société malade, à tenter de guérir un pays qui souffre. Il manque bien un Diogène avec sa lanterne en plein jour à cette capitale livrée en toute anarchie face au vent de la mer… Septième ouvrage de Hassan Ajami, Le superfuturisme, qui taquine les muses à travers chiffres, neutrons et protons (comprendre par là une inspiration poétique vouée aux diktats de la science) et qui, en « homme de réflexion » rompu à la tâche, jongle en parfait acrobate et en langue arabe, avec concepts, théories et visions du monde. Pour un monde sans doute meilleur et bien loin de l’univers d’Aldous Huxley... Rencontre avec Hassan Ajami, cet enfant du Sud, originaire de Abbassiyé (au-dessus de Tyr) et qui a fait des études universitaires supérieures de philosophie aux États-Unis. Septième livre donc d’un intellectuel présenté déjà dans ces mêmes colonnes. Grande simplicité d’un homme entre deux âges qui confesse en rigolant que le dessin de la couverture de son ouvrage est de son exécution et qui, dans ce café animé, avale les expressos comme d’autres avaleraient des bonbons à une vitesse vertigineuse. Après Le supermodernisme dont il s’était fait le héraut dans son dernier opus l’an dernier, le voilà qui revient à la charge. Toujours devancé par le concept du « super »… Avec le même « concept », dit-il en souriant, mais pour parler cette fois du Superfuturisme. Fidèle à sa maison d’édition, Bissan, il publie aujourd’hui, toujours dans le même sillage d’essai et de recherche philosophique, cet ouvrage intitulé al-Supermoustaqbalia : al-Kawn, al-Akl wal Loughat (Superfuturisme : de l’univers, de la raison et de la langue – 264 pages). Expliquer les apparences et analyser les faits : voilà l’outillage et les matériaux de travail de Hassan Ajami, qui applique scrupuleusement cette théorie nouvelle pour étudier le présent et le passé à la lumière du futur. « Une différence radicale, souligne-t-il, avec le supermodernisme. Ici, l’essence des choses se définit par le futur.» «Parler d’un arbre en termes de philosophie, dit Ajami en fixant l’olivier qui se profile sur le trottoir à travers la baie vitrée, c’est parler de son devenir, de ses feuilles, de son fruit… Quant à la raison, on la définit par ses fonctions. Car l’avenir est loin et se concrétise graduellement. C’est pourquoi je crois que l’histoire commence par le futur… Quant à la langue, il est entendu que la signification des phrases est définie dans le temps, tandis que d’autres disent que ce sont là des notions non définies. Le futurisme tranche le dilemme et opère une conciliation en affirmant que les phrases sont définies dans le temps futur… L’homme est un être du futur. Et il est temps que les Arabes s’occupent du futur au lieu de mourir en s’accrochant au passé. Nul n’accepte l’idée des autres, d’où nous avons rejeté l’Occident. En refusant l’autre, on refuse “soi-même”, on refuse son patrimoine. Certes “moi” mais les autres aussi. Si les autres c’est l’enfer… il faut reconnaître aussi que les autres c’est moi. D’où l’on refuse la philosophie, la connaissance, la logique. » Qui sont les lecteurs de Hassan Ajami ? « Quelques journalistes, des poètes, des écrivains, répond-il, un peu amusé que l’on pense aux lecteurs… À Tunis et à l’Université de Bahreïn, par exemple, on s’est beaucoup occupé de mes écrits. Des débats ont été organisés avec relations épistolaires et applications démocratiques. Il est évident qu’il y a des lecteurs qui ont les mêmes préoccupations que moi. Des gens qui ne peuvent publier leur livre, et non pas ceux dont les préoccupations immédiates sont d’être ministres ou députés… » Et que prépare Hassan Ajami pour le proche futur, sans jeu de mots sur le futur bien entendu ? « Je continue sur ma lancée philosophique, réplique-t-il sans sourciller, la philosophie des religions et la littérature philosophique. J’aimerai pouvoir exprimer les idées philosophiques à travers une écriture littéraire. » Du pain sur la planche pour Hassan Ajami, un travailleur acharné et un érudit qui a fait vœu de compréhension, de labeur, de simplicité et de dialogue. Edgar DAVIDIAN
Un philosophe dans la ville…Une ville déchaînée, éruptive, hystérique comme Beyrouth. Une ville secouée à chaque instant, interpellée, où il est difficile de vivre calmement. Pour une ville sur un chaudron qui chauffe constamment, un philosophe aide peut-être à mieux voir, à ausculter une société malade, à tenter de guérir un pays qui souffre. Il manque bien un Diogène avec sa...