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FUSIONS L’Union européenne vigilante face aux velléités protectionnistes

En ces temps de grandes manœuvres financières et industrielles au sein de l’Union européenne, les velléités protectionnistes des pays membres resurgissent, obligeant le commissaire européen au Marché intérieur Charlie McCreevy à se battre sur tous les fronts. De la France à l’Espagne, de l’Italie au Luxembourg et jusqu’à la Pologne, l’attachement des États à leurs « champions nationaux » transparaît au fur et à mesure des annonces de projets de fusions. La France, en annonçant ce week-end une fusion entre Suez et Gaz de France, a provoqué la colère de l’Italie, qui considère qu’il s’agit d’une manière de fermer le marché hexagonal au groupe d’énergie italien ENEL. Le ministre de l’Économie transalpin Giulio Tremonti a employé des mots sévères à ce propos, estimant que les États membres de l’UE devaient cesser d’ériger des barrières nationales. « Sinon, nous risquons l’effet d’août 1914 : personne ne voulait alors la guerre. » Avant Suez, Paris avait déjà manifesté avec le Luxembourg son hostilité au projet de reprise d’Arcelor par Mittal Steel et envisagé de renforcer son arsenal anti-OPA, s’attirant les foudres de McCreevy. « Je suis convaincu que si l’on emprunte la route du protectionnisme, même d’une manière très minime, on s’expose à des mesures de représailles », a prévenu l’ancien ministre irlandais des Finances. Madrid recule McCreevy appartient au clan le plus libéral de la Commission, qui est largement majoritaire, et se présente en « partisan convaincu des bénéfices de l’ouverture des marchés et de la libre circulation du capital ». Son attitude semble pour l’heure porter ses fruits. En Espagne, le gouvernement socialiste n’a pas caché son opposition à la contre-offre déposée mardi par le géant allemand des services aux collectivités E.ON sur la première compagnie d’électricité du pays, Endesa, déjà visée par une offre de son compatriote Gas Natural. Certains responsables politiques ont parlé « d’invasion allemande ». Mais Madrid a dû modérer son discours face aux mises au point de Charlie McCreevy, qui a rappelé aux autorités espagnoles qu’elles ne devaient pas opposer d’obstacles à l’offre de 29 milliards d’euros du groupe allemand. La Commission évoquait en particulier le dispositif de l’action spécifique, ou golden share, qui permet à un État de bloquer un rachat et contre lequel elle se bat depuis des années. Le gouvernement espagnol a promis de supprimer les golden shares, mais en possède toujours une dans Endesa. Il s’est engagé à ne l’utiliser qu’à titre exceptionnel, jugeant peu probable d’en arriver à une telle situation « extrême ». Cette semaine encore, McCreevy a averti la Pologne qu’elle pourrait subir des poursuites si elle s’opposait à la fusion entre la banque italienne Unicredito et son homologue allemande HVB, qui possèdent des filiales polonaises. Il n’empêche que les partisans du libre-échange sont préoccupés. « Ces événements me paraissent très inquiétants, et la Commission comme les gouvernements doivent travailler encore pour ne pas saper les fondements de la prospérité que constituent des marchés ouverts », estime Paul Hofheinz, du conseil de Lisbonne, un groupe d’experts basé à Bruxelles. Le précédent Sanofi John Pierce, du cabinet Unique, qui représente des groupes cotés en Bourse de l’UE, nuance en estimant que les échéances électorales sont pour beaucoup dans ces initiatives, mais que le credo de McCreevy finira par prévaloir. La Commission a aussi sa part de responsabilité, juge Chris Bright, du cabinet juridique londonien Shearman & Sterling, qui rappelle que Bruxelles a fermé les yeux quand Paris a organisé le rapprochement entre les groupes pharmaceutiques Aventis et Sanofi au détriment du suisse Novartis. La réglementation européenne sur les OPA a été tellement battue en brèche par les États membres que la Commission a elle-même pris ses distances avec sa directive. Dénonçant l’intention prêtée à la France et au Luxembourg de se doter de dispositifs pour entraver l’offre de Mittal sur Arcelor comme contraire à « l’esprit de la libre circulation des capitaux », McCreevy a dû aussi admettre mardi qu’il n’avait aucun moyen de s’y opposer sur un plan technique. L’agitation actuelle des gouvernements a néanmoins sans doute plus à voir avec la volonté de freiner une libéralisation trop poussée du marché intérieur que d’en remettre en cause le principe, ce qui serait de toute façon sanctionné par la Cour européenne de justice. « Pour le moment, l’idée en Europe est de marcher à petits pas. Personne n’a envie d’avancer à grandes enjambées », souligne un diplomate polonais.
En ces temps de grandes manœuvres financières et industrielles au sein de l’Union européenne, les velléités protectionnistes des pays membres resurgissent, obligeant le commissaire européen au Marché intérieur Charlie McCreevy à se battre sur tous les fronts.
De la France à l’Espagne, de l’Italie au Luxembourg et jusqu’à la Pologne, l’attachement des États à...