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Actualités - CHRONOLOGIE

FESTIVAL AL-BUSTAN - Elle interprétera au clavier Mozart, Schumann et Villa-Lobos Pour Linda Bustani, être pianiste, c’est avoir l’âme d’un artiste…

C’est un peu le retour aux sources et aux origines pour les Bustani (José Mauricio de Figueiredo et Linda), frère et sœur, remarquables pianistes nés à Rondonia (près de l’Amazonie), au nord du Brésil, et qui feront chanter les cordes du clavier en cette première semaine du festival à Beit-Méry. Rencontre d’abord dans le hall de l’hôtel Bustan avec Linda Bustani, une pianiste hors pair, d’une désarmante modestie. Sourire charmeur, regard pétillant, accueil chaleureux, sensibilité à fleur de peau, un sens de la communication au-dessus de tout éloge, voilà une Brésilienne qui a tous les bons atouts d’une Libanaise bien née. Pantalon et pull noir à motif coloré, avec col largement échancré, cheveux châtains coupés court, boucles d’oreilles en pierres turquoises et cyclamen, modeste pendentif en or au cou avec une clef de sol sertie de minuscules brillants, la pianiste grille tranquillement une cigarette en sirotant un bon expresso avant de s’attaquer aux répétitions. Nul ne fait plus libanais que cette grande dame du clavier, même si elle foule, pour la première fois, le sol du pays du Cèdre: bon sang ne saurait mentir. «C’est mon grand-père qui est libanais, confie-t-elle en toute simplicité, en un français marqué d’un léger accent étranger, mais je me sens ici parfaitement à l’aise, comme si j’ai toujours connu ce beau pays et ses gens… D’ailleurs j’ai emmené aussi ma mère de quatre-vingts ans (plus de 16 heures de vol) pour réaliser ce rêve de toujours: voir le Liban… Alors vous pensez combien nous sommes heureuses.» À ces mots, spontanément, comme noyée par une agitation intérieure qui la submerge, les larmes montent aux yeux de la pianiste. C’est dire l’intensité de l’émotion qui l’étreint et l’habite... Flash-back pour évoquer les débuts de quarante-quatre années où le piano est passion dévorante, centre d’harmonie et raison de vivre. «La musique a toujours été au cœur de notre foyer, dit-elle. Mon frère, avec qui je jouerai ce mardi 28 février pour deux pianos, aujourd’hui ambassadeur du Brésil à Londres, n’en est pas moins pianiste. D’ailleurs il a tant de talent qu’il peut réussir tout ce qu’il entreprend. Il m’a précédée, avec six ans d’avance, dans les études. À cinq ans, je lui emboîtais les pas pour plus que des gammes… La révélation de la musique s’est faite très tôt pour moi, à un âge où les enfants, habituellement, restent aux portes du sanctuaire des notes… Et puis, à la mort de mon père, c’est le déplacement de Rio de Janeiro (je travaillais à l’époque avec Arnold Estrella) à Moscou. J’avais six ans. Prise en charge par Iacov Zak et Eliso Virsaladze, je devais rester avec mes nouveaux mentors, pour ma formation, jusqu’à l’âge de dix-huit ans. Mon premier concert, donné à cinq ans, était à Niteroï. Et le premier concert payant, avec au menu un concerto de Haydn, je l’ai donné à Rio quand j’avais dix ans! Combien de concerts j’ai donné de par le monde? Je ne m’en souviens pas tant ils sont nombreux. Pour moi, c’était naturel d’être pianiste. Qu’est-ce que c’est que d’être pianiste? Abstraction faite de l’aspect technique, c’est surtout avoir l’âme d’un artiste, avoir de la sensibilité, du tempérament.» Mais ce que Linda Bustani ne dit pas et que son CV atteste avec éclat, ce sont les nombreux prix qui auréolent sa prestigieuse carrière. «Meilleure pianiste de l’année» (2003) pour le prix Carlos Gomes est l’un de ses plus récents trophées. Et ce soir, pour les mordus du clavier, que va jouer en solo Linda Bustani? «Trois œuvres seulement. Une sonate de Mozart, bien entendu. Mais aussi La valse de la douleur de Villa-Lobos. La douleur de chacun dans la vie, car le monde souffre énormément. C’est ma manière de consoler les êtres, car la musique peut nous permettre de nous imaginer dans un monde meilleur. Et puis nous les musiciens, quand on est ensemble on n’a plus de pays… Et surtout je vais jouer la Phantasiesstûck et la Davidbundletanze de Schumann, mon compositeur préféré. Romantisme certes, mais bien différent de celui de Chopin. Ici, c’est la passion, le combat intérieur de deux éléments entre folie et mélancolie. Schumann est un compositeur très angoissé, je le sens très proche de moi. Ce qui est difficile ici, c’est non seulement l’aspect technique mais les changements d’humeur et d’émotion. Il faut être un bon passeur pour restituer tout cela au public.» Ses impressions sur le Liban? «Je sens que j’étais ici depuis longtemps. Je me sens si proche de la nature et des gens. Je me sens chez moi. Il y a de toute évidence un sang arabe qui coule dans mes veines. Et puis j’attends surtout le moment de rentrer en scène. De captiver le public. Je prie tous les anges du ciel pour avoir un bon moment sous la flaque de lumière. Ce qui compte, c’est la joie et l’émotion données. L’essentiel est de toucher les cœurs…» Qu’elle soit donc tranquille Linda Bustani, avec son franc-parler, sa sincérité, son incroyable modestie, son enthousiasme touchant, son élégance racée et son talent fou à évoquer la poésie d’Apollinaire qu’elle affectionne, ou le monde de Schumann qu’elle vénère. Rien que pour cela, elle nous a conquis d’avance. C’est avec ferveur et une profonde amitié que nous l’écouterons lâcher ses enchanteresses salves de notes chargées de lumière, de chaleur, de poésie et d’amour. Et nous l’applaudirons à tout rompre, car tous les messages adressés au cœur vont droit au but… Edgar DAVIDIAN
C’est un peu le retour aux sources et aux origines pour les Bustani (José Mauricio de Figueiredo et Linda), frère et sœur, remarquables pianistes nés à Rondonia (près de l’Amazonie), au nord du Brésil, et qui feront chanter les cordes du clavier en cette première semaine du festival à Beit-Méry.
Rencontre d’abord dans le hall de l’hôtel Bustan avec Linda Bustani,...