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EXPOSITION - Jusqu’au 3 mars, au Goethe Institut «Parties tombantes», de Taghrid Darghouth: de l’expressionnisme libanais…

«Je suis une chose perdue, comme un animal qui n’appartient à personne, comme un drapeau sur une maison inhabitée: c’est moi. Isolé, pauvre, sans chemin de retour… » (Rainer Maria Rilke) En exergue de l’exposition des toiles de Taghrid Darghouth*, ce mot du poète autrichien annonce, si l’on peut dire, la couleur! Plutôt sombre et désenchantée. Car, malgré un thème en apparence naïf et enfantin, celui des poupées, les peintures, à l’huile ou à l’acrylique, de l’artiste dégagent un effet dramatique intense. Il y a quelque chose de fascinant dans les cinquante-cinq effigies de poupées et de baigneurs qui occupent, jusqu’au 3 mars, les cimaises de la salle d’exposition du Goethe Institut (rue Bliss, Manara). Quelque chose qui vous prend aux tripes, qui vous inspire parfois – cela dépend des œuvres – une sorte d’attirance-répulsion, de curiosité presque morbide. En effet, peintes le plus souvent en pièces détachées ou avec des membres manquants (d’où le titre «Parties tombantes»), ces figures silencieuses et immobiles suggèrent des sentiments de perte, de mutilation, de néant. Des sentiments ô combien humains! Et que l’on expérimente sans doute dans ce pays plus qu’ailleurs. C’est cette incapacité, cette angoisse, cette détresse communes à tout un peuple que cherche à représenter Taghrid Darghouth. «Nous vivons dans un pays où beaucoup de gens se sentent délaissés, bâillonnés, amputés de leurs droits les plus élémentaires et dans l’incapacité de prendre réellement leur destin en main», affirme cette artiste, née en 1979, et qui n’a donc connu le Liban que dans un état de chaos et de précarité. «C’est ce vécu que j’ai voulu exprimer à travers ces figures souvent sans bras et aux yeux fermés», dit Taghrid Darghouth, pour qui la pratique de l’art ne peut pas être éloignée de la vie. Sauf qu’en prenant pour modèle la poupée, cette copie inerte de la créature humaine, elle a voulu juste atténuer la dureté de son propos. Qui reste cependant d’une évidence flagrante! Sans doute est-ce cette troublante ambiguïté du sujet portraituré: mi-figurine, mi-figure humaine à la chaire palpitante et rosée et aux regards expressifs, même clos... Ou alors les couleurs, traitées en superposition de touches, tantôt vives et violentes, tantôt sombres et graves… Les peintures de cette jeune femme, nourrie d’expressionnisme allemand, vous sautent aux yeux, vous troublent, vous émeuvent parfois, vous dérangent d’autres fois, ou encore interpellent des appréhensions profondément enfouies! Il s’agit là tout simplement de la force d’un pinceau de talent. Habité par la sensibilité et l’empathie. Z.Z. * Diplômée de l’institut des beaux-arts de l’UL, elle a par la suite complété sa formation à l’École nationale supérieure des arts décoratifs à Paris (Ensad).
«Je suis une chose perdue, comme un animal qui n’appartient à personne, comme un drapeau sur une maison inhabitée: c’est moi. Isolé, pauvre, sans chemin de retour… »
(Rainer Maria Rilke)
En exergue de l’exposition des toiles de Taghrid Darghouth*, ce mot du poète autrichien annonce, si l’on peut dire, la couleur!
Plutôt sombre et désenchantée. Car, malgré un...