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Actualités - OPINION

Alors ? Merci Bachar ?

Je me souviens de l’immense tristesse qui m’avait envahi ce jour (noir) de 1977 où des forces, dites arabes, avaient pris en charge la sécurité du pays… Parce que le contingent syrien s’y retrouvait prédominant. Parce que je connaissais la mentalité de ces prétendus frères, vu que ma propre famille avait, dans ce pays-là, quelques racines. Parce que mon flair, également, ne pouvait pas s’y tromper. Et nous avons vu se dérouler, pendant trois décennies, le scénario satanique concocté par l’une des intelligences les plus aiguës que l’Orient ait jamais produites. Je me doutais déjà que nous n’en sortirions plus. Je savais aussi que la soif de puissance d’un individu peut transformer l’intelligence de base en ruse et que le manque de culture humaniste empêche à tout jamais quiconque d’avoir accès à cette « intelligence du cœur » souhaitée chez les êtres pensants. La froide cruauté subie par notre pays, depuis lors, n’aura eu d’égale que la conjugaison des intérêts de certaines nations avec ceux du chef d’orchestre moyen-oriental. Cela, tout le monde en est certain à présent. Et c’est bien pourquoi j’arrête ici ma description afin de ne plus paraître débiter des lieux communs. Or vint un jour où, la nature reprenant ses droits, le ciel mit fin à l’existence d’un personnage aussi idolâtré qu’exécré. Et nous avons vu pointer la pousse juvénile. On se mit à espérer en des jours meilleurs. La jeunesse, de tout temps et sous tous les cieux, inspire confiance et sympathie. Chacun aime bien mêler nouveauté et enthousiasme, ouverture et intentions pures. Nous avons revêtu l’héritier de plus de qualités qu’il n’en pouvait porter et cru un moment prendre nos rêves pour des réalités. Hélas ! C’était compter sans la vieille garde. Et omettre de voir que le fondateur de la dynastie avait fait entre-temps école. Qu’il avait su magistralement combiner son sens aigu de la roublardise avec l’extrémisme d’un parti monolithique et obtus qui servait de couverture à tous les excès. Et petit poisson, devenu grand, devenu chef, devenu président, renoua sans difficulté avec une filière transformée par ses propres succès en toile d’araignée. La proie facile que nous n’avons pas cessé d’être devint victime consentante. Responsables, aventuriers, profiteurs cupides s’y sont volontiers complu, s’asseyant sur notre dignité et la leur propre comme dans les fauteuils moelleux des palaces que leurs magouilles juteuses avaient fait surgir. Le petit frère d’à côté n’aurait pu en espérer autant. À voir, chez nous, certains comportements, un saint s’y serait damné. Alors, Liban-jardin, Liban-poubelle, Liban-courtier, Liban-paradis, Liban-blanchisserie… tout ce monde y plongea jusqu’au cou, entraînant dans la vase une population meurtrie par vingt ans de guerres et un siècle de désillusions. Jusqu’au jour où les impondérables de la vie se manifestant enfin, un pépin fit grincer les rouages. Un pépin grossi démesurément et que les appétits des uns et des autres ne pouvaient plus digérer. Il fut décidé de s’en débarrasser de la façon la plus rapide, la plus radicale, la plus spectaculaire qui soit. Mais le sordide et criminel cerveau, étourdi par ses fulgurants succès en la matière, n’avait pas prédit les possibilités de réaction dans un milieu où l’on croyait avoir tout pourri. On avait perdu de vue ce fond têtu de la personnalité chez le plus infime des vivants. Personne ne croyait à une révolte encore imaginable. Seul le « vieux renard » eut pu, éventuellement, le flairer. Mais pas petit poisson ! Alors il advint ce qu’il est advenu. Depuis ce jour, pleurs mêlés aux rires, craintes mêlées aux espoirs, déceptions mêlées aux reprises, le peuple libanais n’aura cessé de remonter son courant de la honte. Malgré les rechutes, les assassinats, les complots en tout genre, l’avortement de tentatives, dix, quinze fois renouvelées, s’affiche finalement au grand jour. Aujourd’hui, lancinant comme un vieux refrain, le dicton « Est bien pris qui croyait prendre » atteste sa vérification à tous les coups. Celui d’Achrafieh, hier, n’en est pas la moindre des illustrations. Car jamais le Liban n’avait vu ses fils, musulmans et chrétiens, se retrouver sur une telle longueur d’onde. Jamais, en soixante-trois ans d’existence, cette frêle république n’avait vibré comme elle le fait en ce moment aux appels à la concorde, à la compréhension, à l’union des cœurs ainsi qu’à la fermeté des intentions. C’est que la (fausse) prospérité nous avait aveuglés. Le malheur, le chômage, la peur et la faim ont soudé entre elles les diverses fractions qui nous composent. Pour voir venir le phénomène, il eut fallu, outre-frontières, une bonne dose de psychologie, denrée plutôt rare par là-bas. Cependant, s’il n’a pas encore compris, s’il espère toujours pouvoir jubiler dans son enfermement, s’il s’est bouché les oreilles et fermé son œil en rêvant encore à sa bonne étoile, moi, le Libanais meurtri et fier, moi, le Libanais cent fois humilié mais resté lucide, moi, le prétendu perdant, le prétendu méprisé, je vais clamer tout haut (bien qu’il me soit égal d’être entendu ou pas) la seule politesse que l’on puisse servir à un tortionnaire aussi maladroit. Elle consiste à lui dire un mot, un petit mot, mais un mot qui en dira long : « Pourvou que ça doure… » Merci Bachar ! » Louis INGEA
Je me souviens de l’immense tristesse qui m’avait envahi ce jour (noir) de 1977 où des forces, dites arabes, avaient pris en charge la sécurité du pays…
Parce que le contingent syrien s’y retrouvait prédominant.
Parce que je connaissais la mentalité de ces prétendus frères, vu que ma propre famille avait, dans ce pays-là, quelques racines.
Parce que mon flair,...