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BD Tour des planches avant Angoulême

À l’occasion du 33e Festival d’Angoulême, antre de la BD internationale, qui se déroulera du 26 au 29 janvier, il est intéressant de se pencher sur l’état de la BD dans le monde, le 9e art s’appropriant, au fur et à mesure, ses lettres de noblesse parmi ses confrères. Si la BD a longtemps été réduite à un genre mineur pour mineurs, la BD d’auteur s’affirme comme l’une des formes d’expression les plus inventives et les plus riches du moment. Au-delà de la nouvelle génération apparue au début des années 1990 et des figures historiques de Moebius, Crumb ou Spiegelman, voici que les auteurs se multiplient, de Blutch à Chris Ware, la BD explose les frontières géographiques et artistiques. Elle se fait notamment de plus en plus expérimentale, politique et sociale. Et si les théoriciens de la BD sont loin d’être aussi nombreux que dans les autres formes d’art, une certaine conception a cependant fait place, traduisant l’essence même de son expression : celle de «l’art invisible». Car la BD est aussi l’art de la rupture, de l’espace vide qui se crée entre les cases, permettant au lecteur de s’immiscer au sein du récit et d’y insuffler toute sa subjectivité. Le génie de la BD réside ainsi dans ce rôle unique que tient le lecteur au sein du processus créatif, puisqu’il y participe intimement. Cette année encore, le Festival d’Angoulême s’annonce comme le grand forum mondial de toute la création de la bande dessinée: près de 1000 dessinateurs et scénaristes de toutes origines s’y pressent : de Bilal à Loustal, de Baudoin à Goossens, de Mattotti à Satrapi, sans oublier le président de cette présente édition: Georges Wolinski! Il est certainement très difficile de faire honneur à tout ce beau monde tant il foisonne d’auteurs confirmés ou en devenir. C’est paradoxalement de cette richesse que commence à souffrir la bande dessinée. En effet, depuis quelques années, sur le marché, on frise la surproduction et les éditeurs sont de plus en plus nombreux. En plus de 100 ans d’histoire, la BD s’est développée sur tous les continents et plus particulièrement aux États-Unis (comics), en Europe et au Japon (manga). De ces trois traditions parallèles ont surgi des univers aussi riches que différents. Si, depuis l’impact d’Akira, la plupart des éditeurs franco-belges se sont mis à traduire du manga, encore faut-il savoir dénicher les grands classiques du genre, ce qui demeure un des derniers terrains de recherche de la BD mondiale. Un modèle tout récent du genre, sélectionné d’ailleurs au festival dans la catégorie meilleur scénario, est Dans la prison de Kazuichi Hanawa. Chez les Anglo-Saxons, l’innovation est de mise : la plupart de leurs parutions sont des œuvres graphiques aux propos crus et modernes, à l’opposé du comic «mainstream» américain qui continue d’explorer l’univers des superhéros. D’une manière générale, de nouvelles approches ont émergé et l’on peut lire des reportages, des documentaires et même des essais écrits et dessinés sous forme de BD. Son évolution la plus poussée semble être son passage sur le Web avec la mode des blogs dessinés, comme Le blog de Frantico (sélectionné prix du premier album). Une multitude d’informations sur les albums circulent dans de nombreux forums (www.actuabd.com) et sur les réseaux peer to peer, des BD s’échangent sous format PDF. C’est une drôle de réponse à la multiplication des parutions qui rendent le tri quasi impossible pour le lecteur néophyte et qui encombrent parfois inutilement les rayons des libraires. Il faut croire que l’évolution (technologique) fait bien les choses ! Trouver de nouvelles formes narratives et graphiques, tel est le bilan de l’année 2005. En réalité, les plus beaux livres de cette année ont tous succombé à l’abîme de la déconstruction pour en faire émerger de nouvelles formes de narration. Cela fait un petit moment que la BD intimiste est venue tout chambouler en mettant toujours plus en avant l’auteur et en manipulant le héros, le précipitant parfois vers sa propre mort. À l’image de la littérature qui avait tué tous ses héros pour s’autoalimenter, la bande dessinée en est à cette maturation qui pousse toute forme d’expression artistique, à un point nommé, à se questionner elle-même. Mais ce qu’il y a de plus fascinant avec la BD, c’est qu’elle a tant d’éléments à manipuler que les possibilités semblent infinies : lignes, blancs, cases, bulles, pages, etc. La manifestation la plus actuelle n’est autre que l’Oubapo (créée en 1992), réponse bédéphile à l’Oulipo (ouvroir de littérature potentielle) qui réinvente les types d’écriture et autres voies narratives (pliages, structures «palindromiques»...). Disons que le processus, déjà bel et bien entamé, n’a de cesse d’ouvrir des champs toujours plus vastes à cet art qui serait le 9e et qu’intronise la sélection d’Angoulême, festival étendard de toutes ces dérives qui se forment entre les bulles, les cases et les lignes, dans ce vide que l’on peut qualifier d’imaginaire. Petit tour d’horizon Parmi les sélections, il faut noter : Pour le prix du dessin : la présence de Chris Ware et de son psychédélique et illuminé Quimby The Mouse (L’Association) qui tranche avec les lignes pures et classiques que Gibrat déploie dans Le vol du corbeau-Tome 2 (Dupuis). Pour le prix du patrimoine : Locas de Jaime Hernandez (Seuil), sur les déboires des adolescents américains, une bande dessinée d’une élégance claire, enfin éditée intégralement , et Snoopy – cette œuvre géniale, drôle et visionnaire que l’on peut enfin redécouvrir avec le 1er volume de Snoopy et les Peanuts (Dargaud). Pour le prix de la série : Blackhole de Charles Burns (Delcourt), monument intimiste, fictionnel, historique, mais aussi Pascin : La Java Bleue de Joan Sfar (L’Association), ou encore Bouncer de Boucq et Jodorowsky (Les Humanoïdes associés) – il y en a pour tous les goûts ! Pour le meilleur album : Hanté, de Philippe Dupuy (Cornélius), qui se distingue avec cette œuvre forte et personnelle ainsi que le très british Olivia Sturgess par Floc’h et Rivière (Dargaud), sans oublier Le Petit Bleu de la côte Ouest du grand Jacques Tardi, adaptation subtile du polar de Jean-Patrick Manchette (Humanoïdes associés). Alia EL-KAISSI

À l’occasion du 33e Festival d’Angoulême, antre de la BD internationale, qui se déroulera du 26 au 29 janvier, il est intéressant de se pencher sur l’état de la BD dans le monde, le 9e art s’appropriant, au fur et à mesure, ses lettres de noblesse parmi ses confrères.
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