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Actualités - CHRONOLOGIE

TRIBUNE Le vrai défi : accroître la productvité

La réunion des pays donateurs est supposée se tenir à Beyrouth au premier trimestre 2006, dans des conditions nettement plus favorables que celles de Paris I et Paris II. D’abord, le regain de l’indépendance politique et militaire signifie forcément pour le Liban qu’il retrouve aussi une grande partie de sa souveraineté dans la formulation de sa politique économique. Ensuite, les pays donateurs sont plus enclins à fournir une assistance financière et technique au Liban. Dans cet environnement, les autorités libanaises se sont attelées à la formulation d’un plan d’action. Ses grandes lignes seront très probablement centrées sur deux axes de réforme : la réduction du déficit et de la dette du gouvernement (qui est différente de la dette publique totale, celle-ci comprenant la dette de la BDL, cf L’Orient Le Jour du 1er août 2005), et la privatisation d’entreprises publiques. L’exécution de ces réformes ne se passera pas sans problèmes. Pour la réduction du déficit fiscal, le taux de la TVA sera probablement augmenté, ainsi que d’autres impôts. Malheureusement, une telle option, en temps de récession ou de faible activité, n’est pas très judicieuse économiquement ou même politiquement. Mais elle témoigne de l’absence de marge de manœuvre du gouvernement, à moins que ce ne soit une absence de courage politique et d’imagination économique. Quant à la privatisation de plusieurs entreprises publiques, elle est devenue nécessaire non seulement pour des raisons d’efficacité pure, mais surtout pour arrêter l’hémorragie continue que provoque ces entreprises, leur fonction principale étant de servir de débouché pour des nominations politiques à tous les niveaux. L’augmentation des impôts réduira la demande globale et renforcera l’iniquité du système d’imposition fiscale qui fait supporter le poids de l’ajustement fiscal aux moins nantis, ces derniers ayant d’ailleurs peu bénéficié des dépenses à l’origine de la dette. Les recettes de privatisation ne seront que de quelques milliards de dollars dans le meilleur des cas, soit bien moins que la dette. Il y aura bien sûr une aide économique, surtout sous forme de rééchelonnement de la dette sur une plus grande période et à des taux relativement réduits, comme lors de Paris II. Mais ce ne sera qu’un répit, un délai de grâce. Et les taux d’intérêt internationaux sont à la hausse, ce qui rendra le refinancement de la dette plus onéreux. Donc, toute baisse du déficit sera marginale, et il est peu probable que la dette baissera. En revanche, le renforcement du consensus libanais, malgré les faux pas et les assassinats, continuera et consolidera la nouvelle ère politique favorable à un nouvel essor économique. Déjà, des investissements arabes provenant des pays du Golfe affluent au Liban, renforcés par des rentrées pétrolières records. Mais comme dans le passé, la plupart de ces fonds se portent sur l’immobilier. L’année 2006 se distinguera donc par une flambée de l’immobilier associée à une activité économique faible dans la plupart des autres secteurs. Que faut-il faire pour entamer un redressement économique fort et soutenu ? En fait, les problèmes fondamentaux de l’économie libanaise n’ont pas changé depuis l’établissement du système politique et économique libanais quelques années après l’indépendance, vers la fin des années 1940. Ces problèmes ont souvent changé de degré ou d’intensité, mais pas de nature. Le problème fondamental de l’économie libanaise est sa faible productivité. Le PIB actuel du Liban est à peu près au même niveau qu’en 1974, tandis que la main-d’œuvre a doublé entre-temps, ce qui signifie que la productivité moyenne du travailleur libanais est approximativement la moitié de ce qu’elle était il y a 30 ans. Quelles que soient les erreurs statistiques associées à ces estimations, le fait est évident que la productivité de l’économie libanaise reste faible, et cela malgré la soi-disant reconstruction et l’accroissement des dépenses du gouvernement. La faible productivité est un constat simple, mais qui cache (ou est la résultante de) beaucoup de failles sérieuses dans le système politique et économique libanais. Le redressement soutenu ne peut se faire sans un gouvernement efficace qui place une politique économique de redressement et de développement en tête de son agenda politique. Or le dilemme est que les gouvernements du Liban n’ont pas cette orientation ; ils ne sont pas contre le développement économique, mais leur priorité est tout autre. Le problème économique principal n’est pas la dette, qui est plutôt un problème corollaire. Le vrai défi est de formuler un plan d’action cohérent qui sortirait l’économie de son marasme et dynamiserait la productivité. Toufic GASPARD, économiste
La réunion des pays donateurs est supposée se tenir à Beyrouth au premier trimestre 2006, dans des conditions nettement plus favorables que celles de Paris I et Paris II. D’abord, le regain de l’indépendance politique et militaire signifie forcément pour le Liban qu’il retrouve aussi une grande partie de sa souveraineté dans la formulation de sa politique économique....