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Actualités - CHRONOLOGIE

Historienne, Hoda Liliane Nasser prépare une thèse sur la diaspora établie dans ce port de la Méditerranée La communauté libanaise de Marseille, une implantation qui remonte au début du siècle dernier

Hoda Liliane Nasser est libanaise, mais elle ne parle pas la langue du pays. Née au Sénégal, elle vit actuellement à Marseille. La cinquantaine, elle a grandi entre l’Afrique et la France sans jamais mettre les pieds au Liban… jusqu’en 1991. Historienne et orthophoniste, elle prépare une thèse en histoire sur les Libanais de Marseille, un port de passage pour les émigrés qui voulaient surtout partir, à la fin du XIXe siècle et au début du siècle dernier, pour l’Amérique. Beaucoup sont arrivés à destination, d’autres ont été en Afrique. Certains se sont installés à Marseille. «Pour les Libanais, Marseille est le point-clé de l’émigration », indique Hoda Liliane Nasser, dont les parents, tous les deux libanais, se sont rencontrés « après l’émigration et se sont mariés au Sénégal en 1934 », raconte-t-elle. Son père, Boutros Nasser, originaire de Kalhat, au Liban-Nord, et sa mère, Victoria Achkar, originaire de Beit Chabab au Mont-Liban, étaient passés par le port marseillais pour quitter le Liban et s’établir ailleurs. Quand les avions n’existaient pas, Marseille et son port constituaient un point de passage obligé des émigrants du Levant. À l’époque, il y avait une concurrence entre deux ports européens situés sur la Méditerranée : Gênes et Marseille, des villes où l’escale pouvait durer des jours, des semaines et des mois. Mme Nasser indique que « les premiers émigrants de la région qui avaient décidé de s’établir à Marseille, en 1840, appartenaient à la famille Hava, originaire d’Alep ». Elle souligne que « le premier émigrant libanais qui a choisi de rester à Marseille s’appelait Rachid Jabre, originaire de Hammana. Il est arrivé dans ce port de la Méditerranée en 1898 ». Mme Nasser rappelle que « pour les Libanais, la ruée migratoire avait commencé en 1860 ». Elle cite également « la famille Tarazi, avec ses trois branches, dont l’une s’était établie à Manchester, au Royaume-Uni, pour revenir, ensuite, à Marseille ». L’historienne parle aussi de « la famille Antoun de Salima (Mont-Liban), qui est arrivée en 1902 à Marseille et qui a tout de suite travaillé dans l’hôtellerie ». D’autres familles suivront plus tard, notamment les Séman, qui mettent en place une entreprise spécialisée dans les fruits secs en provenance du Liban. En ce qui concerne les diverses étapes de l’émigration, l’historienne indique que « depuis le début de la deuxième moitié du XIXe siècle, des auberges syriennes ont vu le jour à Marseille. Elles étaient destinées à abriter des émigrants venus du Levant qui attendaient dans la ville française le départ pour l’Amérique ». Ouverture d’un consulat en 1947 « Au début du siècle dernier, notamment durant les années vingt et trente, beaucoup d’émigrants venus du Liban arrivent à Marseille pour partir en Afrique », raconte Mme Nasser. Certains d’entre eux étaient tout simplement « détournés » vers ce continent, et ils croyaient partir pour les États-Unis ou le Mexique. D’autres, venus du port de Beyrouth, changeaient d’avis à Marseille. Et au lieu d’attendre le bateau qui devait les amener vers un port américain, ils décidaient de plein gré de partir pour un nouvel eldorado, où tout était encore à construire. Ils quittaient donc Marseille pour des ports de l’Afrique et travaillaient notamment dans le colportage, la construction de voies ferrées, et les plantations d’arachides, note l’historienne. En 1947, un consulat du Liban ouvre ses portes à Marseille. Il sera suivi par la construction, en 1949, de l’église Notre-Dame du Liban. Se penchant sur les communautés chrétiennes d’Orient, Mme Nasser souligne que « les maronites avaient appelé à la construction d’une église à Marseille en 1902 et qu’à cette époque, des liens très puissants existaient entre les épiscopats libanais et français ». Les melkites avaient déjà leur première église Saint-Nicolas de Myr dès 1830. Les grecs-orthodoxes, eux, avaient inauguré leur première église, Notre-Dame de la Dormition, en 1845. Mme Nasser souligne également la nécessité de prendre en considération une autre forme d’émigration : celle de jeunes Libanais venus à Marseille pour suivre des études universitaires entre 1965 et 1975. À cette époque, la livre était assez forte, rappelle Mme Nasser, et les jeunes Libanais qui ont vécu la révolution de mai 1968 étaient préoccupés par les questions du monde arabe. Avec la guerre qui a éclaté au Liban, beaucoup d’entre eux se sont établis sur place. L’historienne précise qu’un recensement effectué en 1990 a dénombré 2 870 Libanais vivant dans les Bouches-du-Rhône. Ce chiffre est minime si on le compare au nombre des habitants de Marseille, une ville qui compte 800 000 âmes. Une diaspora unie Mme Nasser évoque « le réseau libanais de Marseille », une diaspora qui a acquis la nationalité française mais qui a préservé, même si elle ne parle pas la langue, les traditions du Liban, notamment « la générosité, l’accueil chaleureux, la musique et la cuisine ». Et de préciser que « ce sont les Arméniens de Marseille qui étaient les premiers fournisseurs d’ingrédients culinaires utilisés pour la confection de plats libanais ». L’historienne met aussi l’accent sur l’unité de cette diaspora libanaise, représentée à Marseille par la plupart des communautés religieuses reconnues au Liban. « Durant la guerre, les Libanais n’ont pas transposé ailleurs leurs problèmes intercommunautaires et la diaspora ne s’est pas émiettée. » « De plus, raconte-t-elle, un mouvement de soutien aux Libanais restés dans le pays durant la guerre a vu le jour. » Dans ce cadre, des blessés de guerre ont été hospitalisés à Marseille. Mme Nasser, qui devrait présenter prochainement sa thèse de doctorat, a déjà effectué une quinzaine de séjours au Liban. C’est durant l’été 1991 qu’elle était rentrée pour la première fois au pays, après la mort de son père pour des raisons d’héritage… Il fallait faire preuve de ténacité et de patience. « Ce n’est pas facile, surtout quand on vit à l’étranger et qu’on est obligé à chaque fois de rentrer au Liban », dit-elle, un brin d’amertume dans la voix. Hoda Liliane Nasser a découvert le Liban « comme on découvre une terre promise », dit-elle. Et il semble, malgré ses quelques ennuis relatifs à ses questions d’héritage, qu’elle n’a pas été déçue.
Hoda Liliane Nasser est libanaise, mais elle ne parle pas la langue du pays. Née au Sénégal, elle vit actuellement à Marseille. La cinquantaine, elle a grandi entre l’Afrique et la France sans jamais mettre les pieds au Liban… jusqu’en 1991. Historienne et orthophoniste, elle prépare une thèse en histoire sur les Libanais de Marseille, un port de passage pour les émigrés...