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Et s’il fallait vous le dire, au nom de tous les miens…

Nous les enfants apatrides à la solitude tenace ; nous qui nous pensions illégitimes parce qu’amnésiques des abris, coupables d’avoir été épargnés ; nous, exilés d’une histoire et orphelins d’un destin, qui sommes plus jeunes que cette guerre qui nous a acculturés ; nous, les enfants perdus entre deux chaises, souffrant de l’éloignement du cœur et de l’incompréhension de l’esprit, qui n’a pas appris la langue de votre complexité – donc de votre richesse. Nous qui aurions pu y rester. Je suis revenue dans mon pays, parce que la Békaa est trop belle pour vivre loin d’elle, parce que j’aime ces gens qui portent très vite la main sur leur cœur, parce que je pleure devant la mer rose du plaisir d’offrir son crépuscule. Je suis revenue parce que mon pays ne cesse de m’émerveiller. Et que je ne laisserai plus personne m’en empêcher… Et s’il fallait vous le dire à vous Libanais, qui êtes les miens. Je vous offre ma conscience, mon intelligence, ma volonté, mon énergie, mes bras, je vous offre le cri de mon âme au nom des Libanais qui ont tant souffert et qui ont droit au bonheur. Les assassins ont éteint des vies, parce qu’elles avaient allumé des bougies. Ils ne savent pas encore à quel point seront nombreuses ces consciences désormais éveillées. Nous serons 1 000, 10 000 à prendre la relève, de cette exigence intellectuelle, de cette générosité de l’âme qui consiste à œuvrer pour le bien commun. Soyons fiers de cette révolution qui n’est pas téléguidée, soyons fiers de ces héros qui sont tombés pour notre dignité ; gardons-les vivants, en nous nourrissant de leur noblesse et de leur exemplarité tellement plus contagieuses que la corruption au visage figé. Soyons fiers de ces jeunes qui ont eu tous les courages, et en particulier celui de la persévérance. Réveillons avec eux notre capacité d’indignation, c’est désormais notre responsabilité, car nous sommes encore là. Et s’il fallait vous le dire, à vous déracinés du monde qui êtes les miens. Il y a tant de choses à construire, pour ce Liban qui montrera au monde ce que nous sommes capables de faire ensemble. Nous avons une cause, un rêve, en commençant par nous relever et ne plus jamais mettre un genou à terre. Alors, du dehors, du dedans, ne laissons pas aux autres le soin de décider du politique sous prétexte qu’ils le font mal, ne renonçons pas avant de continuer. Pas d’éloignement ni de découragement qui atténuent l’amour de la patrie, chaque voix compte, aucune qui n’ait voix au chapitre de la liberté. Car par ces voix qui s’élèveront dans le monde entier, c’est le plébiscite dont parle Ernest Renan, dont la définition reste universelle : « Une grande agrégation d’hommes, saine d’esprit et chaude de cœur, crée une conscience morale qui s’appelle une nation. » Nous sommes légendairement chauds de cœur, il est temps de montrer que nous sommes aussi sains d’esprit – il ne tient qu’à nous… Yasmine GEMAYEL 27 ans, Libanaise
Nous les enfants apatrides à la solitude tenace ; nous qui nous pensions illégitimes parce qu’amnésiques des abris, coupables d’avoir été épargnés ; nous, exilés d’une histoire et orphelins d’un destin, qui sommes plus jeunes que cette guerre qui nous a acculturés ; nous, les enfants perdus entre deux chaises, souffrant de l’éloignement du cœur et de l’incompréhension de...