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Nabil Rawdah brosse un tableau presque complet des violations des droits de l’homme L’ONU appelle à la réhabilitation des victimes

Les violations des droits de l’homme relatives aux cas de tortures sont extrêmement nombreuses dans le monde. Elles ne concernent pas uniquement les supplices physiques infligés aux victimes, mais notamment aussi les pressions morales, les législations iniques et les arrestations arbitraires. Pour «L’Orient-Le Jour», Nabil Rawdah, responsable du bureau régional du Haut-Commissariat des droits de l’homme de l’ONU à Beyrouth, brosse un tableau presque complet des différentes transgressions directes et indirectes liées à la torture. La première étape est l’arrestation, affirme M. Rawdah. Il s’agit le plus souvent de séquestrations arbitraires, opérées illégalement, par les forces de l’ordre ou par des éléments paramilitaires sans mandat d’arrêt, ou bien sur une simple dénonciation des voisins ou des services de renseignements. «Ces arrestations discrétionnaires ont parfois un caractère politique et concernent souvent des opposants ou des militants des droits de l’homme, comme c’est le cas en Syrie ou en Égypte», explique-t-il. Elles peuvent être toutefois effectuées dans un cadre légal répressif. «C’est le cas de plusieurs pays arabes où l’état d’urgence, décidé par les régimes en place, instaure des restrictions draconiennes violant sérieusement certaines libertés individuelles», ajoute M. Rawdah. «C’est également le cas dans le cadre de l’application de certaines législations antiterroristes» qui imposent des procédures exceptionnelles, augmentant considérablement la période de détention préventive. Certains prisonniers peuvent ainsi passer plusieurs années en taule sans procès. Ces atteintes sont le résultat, explique M. Rawdah, de législations pénales biaisées ainsi qu’à des mauvaises procédures relatives aux tribunaux chargés de l’application de ces lois. C’est le cas du Liban par exemple, où les tribunaux militaires ont des prérogatives assez vastes. Vient ensuite la torture proprement dite. Elle peut être subie lors d’interrogatoires musclés accomplis par les forces de sécurité, ou bien au cours de la détention des prisonniers effectuant leurs peines dans des conditions humiliantes et dégradantes. «Toutes les plaintes concernant les cas de torture dans les pays arabes, et transmises à l’ONU, ont eu lieu dans des centres de détentions étatiques», assure le responsable onusien. Les supplices physiques sont nombreux. M. Rawdah en énumère certains: «Briser les os des détenus; appliquer des décharges électriques; obliger le prisonnier à rester debout sans dormir pendant des jours dans une minuscule cellule, le harceler avec du bruit perturbant; séquestrer les prévenus dans une chambre isolée en sous-sol; éteindre des cigarettes sur son corps, lui infliger des blessures graves; nourrir le captif d’aliments exécrables ou d’insectes. Sans oublier le harcèlement sexuel et le viol.» La torture peut être également d’ordre psychologique. «Les geôliers procèdent ainsi à des pressions morales, menaçant des membres de la famille des prisonniers. Ils portent par ailleurs atteinte aux croyances religieuses des détenus, en offensant leur livre sacré, que ce soit le Coran ou les Évangiles», précise M. Rawdah. Le responsable onusien mentionne enfin «les insultes dégradantes et humiliantes que subissent les victimes durant leurs interrogatoires ou leur séjour en prison», estimant par ailleurs, que «dans le monde arabe, la prison est considérée comme un lieu de punition et non de réhabilitation». Nabil Rawdah aborde d’autre part un sujet assez sensible, celui de l’indemnisation et de la réhabilitation des victimes. Les personnes – qu’elles soient innocentes ou criminelles – ayant subi des tortures ont inévitablement des séquelles physiques et morales suite à leur expérience traumatisante, qui se répercute plus tard sur leur vie personnelle ou familiale. En effet, explique M. Rawdah, «certaines personnes torturées auront des cauchemars ou des phobies. Elles pourront même se défouler sur leur conjoint et leurs enfants». Sans omettre les handicaps physiques permanents dont elles souffrent. Il cite également le cas au Liban «d’un condamné ayant avoué sous la pression un crime qu’il n’a pas commis. Quelques années plus tard, le véritable criminel est retrouvé». Outre la réouverture du procès, se pose aussi le problème de l’indemnisation de cette personne innocente qui a été séquestrée injustement. Cet exemple, considéré par ailleurs comme «une forme de torture morale», nécessite non seulement une réparation matérielle de la part des autorités compétentes, mais également un dédommagement moral. En effet, dans beaucoup de cas, «les victimes d’arrestations arbitraires et de tortures sont capturées d’une manière humiliante. Elles sont emmenées de leur maison sous le regard de leurs parents et de leurs voisins», affirme M. Rawdah. Or, «de telles situations entraînent le rejet par la société de la personne arrêtée même si celle-ci est innocente», ajoute-t-il. Sans oublier «la discrimination dont souffrent les anciens bagnards qui peinent à retrouver la confiance des gens et à reprendre leur carrière professionnelle». M. Rawdah réaffirme enfin «l’indivisibilité des droits de l’homme», en précisant que «les violations concernant la torture révèlent toute une série d’autres violations» relatives à la liberté d’expression, aux droits sociaux et politiques, aux droits de la défense et aux principes fondamentaux du droit pénal qui considèrent qu’une personne est innocente jusqu’à preuve du contraire. Propos recueillis par A. A.
Les violations des droits de l’homme relatives aux cas de tortures sont extrêmement nombreuses dans le monde. Elles ne concernent pas uniquement les supplices physiques infligés aux victimes, mais notamment aussi les pressions morales, les législations iniques et les arrestations arbitraires. Pour «L’Orient-Le Jour», Nabil Rawdah, responsable du bureau régional du...