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Actualités - CHRONOLOGIE

RAPPORT - Une urgence : renforcer les filets sociaux « La rationalisation des dépenses doit être au cœur de l’agenda des réformes du Liban », estime la Banque mondiale

«Il est temps pour le Liban de rationaliser ses dépenses publiques », estime le dernier rapport trimestriel publié hier par le bureau de la Banque mondiale à Beyrouth. Appelant à la définition d’un « nouveau contrat social entre les citoyens et l’État », le rapport estime que l’objectif de ce contrat doit être « de redéfinir les fonctions essentielles de l’État et de fournir des services publics efficaces à tous les segments de la population, plutôt que de les faire dépendre d’intérêts politiques étroits ». La rationalisation des dépenses publiques doit être « au cœur de l’agenda de réformes du Liban », poursuit la Banque mondiale. Il s’agit d’une part de rééquilibrer le budget dont le déficit est « insoutenable ». À condition aussi d’augmenter les impôts, d’améliorer la gestion de la dette, de la restructurer et d’effectuer des privatisations, la rationalisation des dépenses publiques est « un élément crucial pour tout plan de stabilisation ». Mais il s’agit aussi, d’autre part, d’améliorer le climat des investissements, de renforcer la protection sociale et de fournir les services publics auxquels les citoyens ont droit. Parmi les priorités les plus urgentes, réformer le système des retraites et le secteur de l’énergie pourrait économiser l’équivalent de 2 à 4 % du PIB par an, souligne la Banque mondiale. Réduire le nombre des fonctionnaires et accroître leur productivité Bien que la facture salariale globale du secteur public libanais soit relativement faible selon les normes internationales, il existe des possibilités considérables d’économie, estime la Banque mondiale, qui signale une occasion importante à saisir : au cours des dix prochaines années, jusqu’à 45 % de la masse salariale (220 000 employés, y compris les fonctionnaires, les militaires et les contractuels) arrivent à l’âge de la retraite. Les auteurs du rapport y voient une chance d’opérer une transition en douceur, sans plans de licenciements massifs. L’objectif doit être de doter le Liban d’une Administration « mieux payée, plus compétente et plus réduite. » La Banque mondiale recommande plusieurs pistes à court terme : adapter les emplois aux besoins de l’État ; réaliser un recensement des fonctionnaires ; renoncer au gel des salaires et de l’embauche décidé en 1997 ; restaurer les pleins pouvoirs du Conseil de la fonction publique. Le rapport souligne en outre la nécessité de réformer les systèmes de retraites des fonctionnaires et des militaires, dont les déficits croissants sont entièrement assumés par le budget de l’État. Enfin, il estime que la continuité de l’Administration et son renforcement supposent de minimiser le recours à des structures d’emplois parallèles. « L’embauche de fonctionnaires a progressivement remplacé la création de filets sociaux au cours des années d’après-guerre. Cette stratégie doit changer pour une politique plus efficace qui bénéficiera du soutien populaire et satisfera les citoyens », note la Banque mondiale. Renforcer les filets sociaux À l’heure actuelle, les filets sociaux en place sont faibles et inadaptés, tandis que les systèmes de retraites ne sont pas viables financièrement, et donc incapables d’absorber un grand nombre de nouveaux retraités sans compromettre gravement l’objectif de rétablir les équilibres budgétaires, lit-on dans le rapport. La Banque mondiale suggère donc de réformer simultanément le système public d’indemnités de fin de service et le système de retraites du secteur public afin de les intégrer dans un système unique. Ceci éliminera la dette de l’État en termes de pensions qui représente aujourd’hui 50 % du PIB, réduira les inégalités entre les employés du public et du privé (en termes de couverture), et facilitera la mobilité de l’emploi entre le privé et le public. Revoir le rôle des entités extrabudgétaires Le budget du Liban est alourdi par des transferts très importants à des entités extrabudgétaires dont les activités doivent être auditées et consolidées dans le budget, estime la banque. « Ces entités représentaient 19 % des dépenses totales en 2004, alors qu’elles échappent au contrôle budgétaire du Parlement et que leurs activités ont d’importantes implications budgétaires. » Souvent, l’absence de toute contrainte budgétaire pousse ces entités à afficher de gros déficits que le gouvernement couvre sous forme de prêts. En 2004, 9 % des dépenses hors service de la dette ont servi à couvrir les pertes opérationnelles et les remboursements de dettes des entreprises d’électricité et d’eau, souligne le rapport. « Le gouvernement doit revoir le rôle de ces entités extrabudgétaires qui fournissent des services publics et décider ou non de les conserver dans le secteur public », recommande la banque. Le processus de privatisation a débuté, mais il reste à lever certains obstacles. Le rôle et les responsabilités de ces entités vouées à la privatisation doit être défini précisément afin qu’émerge un consensus à propos de leur sort. « D’autant que certaines d’entre elles jouent en effet un rôle important, soit en octroyant des subventions implicites, soit en fournissant des revenus additionnels à l’État sous forme de rente monopolistique. » L’objectif de la privatisation doit être la croissance Dans des pays aussi endettés que le Liban, il est primordial d’allouer les recettes des privatisations à une réduction du stock de la dette, écrivent les auteurs du rapport. Mais ceci ne doit être fait que dans le cadre d’un plan global de mesures financières destinées à réduire la dette. Dans le cas contraire, la réduction des taux d’intérêt ne durera pas longtemps et la dynamique perverse de la dette reprendra son cours dès que les recettes des privatisations seront épuisées. De plus, la privatisation doit avoir pour objectif de promouvoir des services efficaces et compétitifs. Il faut donc arbitrer entre la tentation de vendre cher, pour engranger des recettes immédiates, et celle de maximiser l’impact à long terme de la qualité et du prix du service demandé, leur contribution à la croissance étant déterminante, insiste la Banque mondiale. Améliorer la gestion des dépenses courantes et des dépenses d’investissement Selon le rapport, l’économie libanaise ne profite pas suffisamment des dépenses publiques, notamment des dépenses sociales ou d’investissement. Plusieurs raisons à cela : des politiques d’appel d’offre dépassées, l’absence de concurrence entre les fournisseurs de biens et services achetés par le gouvernement, l’absence de planification et de consolidation entre les dépenses courantes et les dépenses d’investissement, des risques importants liés à la corruption, et l’absence de contrôle et d’audit. Le gouvernement a préparé une loi révisant les règles d’attribution des marchés publics, mais elle n’a pas été adoptée par le Parlement. La réforme des pratiques entreprises pour l’achat des médicaments et de fuel-oil est pourtant un indicateur de l’importance des économies qui peuvent être réalisées en renforçant la concurrence entre les fournisseurs, note la Banque mondiale. L’adoption d’une loi sur la comptabilité publique est aussi nécessaire pour évaluer la performance des dépenses et limiter les risques de corruption liés à un processus de contrôle des dépenses long, complexe et non transparent. Enfin, il faut accorder davantage d’autonomie à la Cour des comptes, préconise le rapport. La Banque mondiale conseille en outre l’adoption d’un cadre de dépenses à moyen terme qui devrait notamment réduire le gaspillage des dépenses d’investissement. Par exemple, celles-ci sont engagées alors que les opérations de maintenance nécessaires ne sont pas inscrites au budget, ou alors simplement arrêtées avant terme en raison de l’absence de planification au ministère des Finances. Il faut redéfinir le rôle du CDR en tant qu’agence d’exécution pour les ministères qui devraient contrôler directement leurs budgets d’investissement. À court terme, limiter l’accumulation des arriérés Bien qu’il n’ait pas encore été audité précisément faute de comptabilité actuarielle, le montant des arriérés accumulés par l’État fin 2004 envers la CNSS, les fonctionnaires, les fournisseurs et les particuliers est considérable ; il est évalué à environ 10 % du PIB. « Il est donc urgent de cesser de les accumuler, souligne le rapport. Quant au remboursement du stock, il faudrait le transformer en dette formelle. » Mieux planifier les dépenses d’investissement Malgré l’importance des dépenses réalisées depuis 1992, les investissements publics ne produisent pas les bénéfices escomptés, comme en témoignent le nombre de projets inachevés, la qualité médiocre du réseau de transport ou les prix élevés des services publics, comme les communications ou l’électricité, sans compter la détérioration rapide de l’environnement. « Malgré ce verdict malheureux, il est impossible de justifier une réduction des dépenses d’investissement », souligne la Banque mondiale, car elles suffisent à peine à empêcher la dégradation des infrastructures en place. « Dans ces conditions, le coût marginal d’une réduction des dépenses d’investissement excède probablement le bénéfice marginal en termes d’impact sur le déficit budgétaire. » Par ailleurs, les projets d’investissement dépassent largement ce que le pays peut absorber sans miner son déficit budgétaire. La Banque mondiale recommande donc d’accorder la priorité à la maintenance des équipements déjà en place dans le cadre d’une enveloppe cohérente avec les objectifs budgétaires d’ajustement fiscal. Elle encourage aussi le gouvernement à mieux utiliser les fonds octroyés par les donateurs, ce qui suppose de réformer le CDR, les lois sur l’attribution des marchés publics, les procédures de ratification parlementaires, la planification des investissements, etc. Renforcer la protection sociale « Les dépenses sociales requièrent une attention toute particulière, car elles sont un élément-clé d’une transition réussie », estime la Banque mondiale. Les dépenses sociales sont élevées au Liban (plus de la moitié des dépenses courantes, hors service de la dette). Elles doivent faire l’objet d’une révision en profondeur en période de nécessaire réduction des dépenses. « Ceci ne doit pas empêcher d’accroître la protection sociale et de satisfaire une demande croissante d’équité », souligne toutefois le rapport. Améliorer la protection sociale ne suppose pas tant d’augmenter l’enveloppe des dépenses sociales que d’accroître leur productivité. La Banque mondiale préconise donc de réduire les bénéfices accordés aux fonctionnaires au profit d’une augmentation de leurs salaires. Les économies réalisées doivent servir à renforcer la protection sociale des nécessiteux. En la matière, la méthode la plus efficace consiste à réguler les tarifs et la qualité des services sociaux, qu’ils soient assurés par le public ou le privé. Ceci suppose que le gouvernement établisse une vision stratégique à long terme pour sa politique sociale. À court terme, l’État doit toutefois répondre à une urgence, celle de renforcer les filets sociaux. « L’objectif fondamental de toute politique sociale devrait être de protéger le capital humain de pertes irréversibles occasionnées par des crises (économiques, politiques, catastrophes naturelles, etc.). Si l’ajustement fiscal est nécessaire dans les prochaines années pour réduire le risque d’éclatement d’une crise financière, il ne justifie pas pour autant de continuer d’ignorer l’impact dévastateur de ces crises potentielles. Ceci est d’autant plus important que les quelques filets sociaux en place au Liban seraient gravement affaiblis en cas de troubles financiers. » Plus généralement, le niveau de protection sociale dont bénéficient les Libanais n’est pas adapté aux besoins d’une petite économie ouverte à revenus moyens. Cette insuffisance est même de nature à entraver la croissance, poursuivent les auteurs du rapport. Car il est désormais acquis que la promotion d’un développement économique et social durable suppose d’aider les ménages à faire face à divers risques. Le Liban doit donc renforcer les filets sociaux existants et en développer d’autres, recommande la banque. « S’ils sont en place avant que n’éclate une crise, des filets sociaux bien pensés fonctionnent comme des stabilisateurs budgétaires automatiques et contribuent à la stabilité macroéconomique. » Plusieurs possibilités sont envisageables au Liban, en partant du renforcement des structures existantes à l’introduction de certains mécanismes de redistribution. En tout état de cause, leur mise en place suppose de disposer de statistiques périodiques fiables sur l’incidence des dépenses sociales afin d’évaluer leur efficacité. « Ceci devrait être la principale priorité du Liban. » « Le renforcement des structures existantes suppose de renforcer le système d’indemnités de fin de service et de garantie des dépôts en réglant rapidement les arriérés accumulés envers ces systèmes, les autoriser à diversifier leur portefeuille pour une meilleure protection contre les risques financiers », lit-on dans le rapport. Forger un consensus national sur la réforme des dépenses publiques « Étant donné le caractère urgent de la situation et les difficultés à venir, le Liban doit forger un consensus sur la réforme budgétaire à travers un pacte national conclu entre tous les acteurs-clés », recommande la Banque mondiale. Le succès d’une politique de stabilisation dépend de la détermination des pouvoirs exécutifs, bénéficiant d’un soutien politique suffisamment important pour soutenir un effort d’ajustement de plusieurs années, ajoute-t-elle. Le soutien politique suppose de définir un plan d’ajustement équitable, crédible, transparent et complet. Au Liban, réformer le secteur public suppose de s’attaquer à quatre fronts : l’Administration publique, la gestion des finances publiques, la corruption et la fonction publique. « Le problème réside à la fois dans l’absence de débat sur les options politiques possibles et dans la difficulté à sortir de l’équilibre politique actuel, bien qu’il soit insatisfaisant. » Chaque segment de la société cherche à ce que l’autre paie le coût de l’ajustement, souligne la Banque mondiale. C’est le « dilemme du prisonnier » : soit tous gagnent d’une coopération, soit tous perdent si chacun cherche à éviter de payer un prix. S. R.
«Il est temps pour le Liban de rationaliser ses dépenses publiques », estime le dernier rapport trimestriel publié hier par le bureau de la Banque mondiale à Beyrouth. Appelant à la définition d’un « nouveau contrat social entre les citoyens et l’État », le rapport estime que l’objectif de ce contrat doit être « de redéfinir les fonctions essentielles de l’État et de fournir...