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TPI, CPI, tribunaux nationaux et compétence universelle La justice internationale, bête noire des tyrans (photos)

Les structures juridiques pour juger les chefs d’État et leurs lieutenants auteurs de crimes à caractère international existent. Ainsi, aux cotés des tribunaux nationaux, les tribunaux pénaux internationaux et la Cour pénale internationale ont la capacité de juger les dictateurs. La compétence universelle permet de poursuivre les personnalités concernées devant les tribunaux des pays où ils ont trouvé refuge. Les dictateurs ne sont pas à l’abri des poursuites judiciaires, même si la plupart d’entre eux n’ont jamais été inquiétés. De plus en plus aujourd’hui, l’impunité des auteurs de crimes internationaux n’est plus de mise. Quatre moyens sont désormais possibles pour poursuivre un politicien auteur de crime de guerre, de crime contre l’humanité, de génocide et de torture. Outre les instances nationales qui, il va sans dire, ne pourraient agir qu’avec un changement de régime, il est possible de faire valoir la compétence universelle. De même, des tribunaux spéciaux internationaux ad hoc sont parfois mis sur pied dans des cas bien déterminés pour enquêter sur une situation précise. Enfin, la Cour pénale internationale peut jouer un rôle important dans les poursuites engagées contre des criminels de guerre. De quoi rendre la vie difficile à Saddam Hussein, Slobodan Milosevic, Hisséne Habré, Augusto Pinochet et leurs homologues toujours en place. Les tribunaux nationaux Envisager ne serait-ce qu’un instant qu’un système judiciaire puisse entreprendre des actions contre le chef de l’État bien installé au pouvoir, dans un pays totalitaire, relève de la pure fiction politicienne. Il est donc clair qu’on ne peut aboutir à des résultats concrets que dans le cadre d’un changement de régime, qui ne garantit d’ailleurs en rien que le procès va bien avoir lieu. En Irak, un tribunal spécial irakien (TSI), une juridiction nationale, a été mis en place pour juger les anciens du régime baassiste déchu. Saddam Hussein a déjà comparu devant ce tribunal au cours de l’année dernière. Son procès devrait reprendre prochainement. Actuellement, l’ancien dictateur est derrière les barreaux. Il risque gros avec de nombreuses accusations, comme les attaques contre les Kurdes, des cas de torture, la découverte de fosses communes, ou encore la corruption. La compétence universelle En général, pour poursuivre une personne en justice dans un pays déterminé, il faut qu’il y ait un lien qui relie le procès au pays. Ainsi, le crime doit être soit commis sur son territoire, soit effectué par un de ses ressortissants, soit dirigé contre un de ses citoyens. Pour les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, la torture et le génocide, ces conditions sont assouplies par le principe de compétence universelle. Grâce à ce principe, la victime de ces abus pourrait intenter un procès contre un dictateur dans n’importe quel pays reconnaissant dans sa législation interne le principe de compétence universelle. C’est en vertu de ce principe que des poursuites ont pu être initiées au Sénégal contre l’ancien chef d’État tchadien Hissène Habré. De plus, les familles des victimes du massacre de Sabra et Chatila, en 1982, dans lequel Ariel Sharon était impliqué, ont intenté un procès devant les tribunaux belges. Enfin, le général chilien Augusto Pinochet s’est vu poursuivi par la justice espagnole pour tortures, alors qu’il se trouvait à Londres. Ces poursuites se sont heurtées à l’immunité des responsables en question. La compétence universelle s’applique-t-elle à un politicien toujours au pouvoir ? Pinochet avait fait valoir son statut de sénateur qui lui procurait une immunité à vie. Il a échappé un moment au procès pour sénilité précoce présumée. Mais son dossier connaît actuellement de nouveaux rebondissements. Chibli Mallat, professeur de droit à l’USJ, explique que de plus en plus, les problèmes d’immunité sont rejetés. Dans le cadre du cas Sharon, M. Mallat, qui s’occupe de ce dossier présenté en vertu du principe de compétence universelle devant les instances belges, montre de manière pragmatique l’impact de l’immunité pour les dictateurs qui sont toujours en place. « En février 2003, la Cour de cassation belge a rendu un verdict, considérant que les tribunaux belges sont compétents pour effectuer un suivi de ce dossier. Mais il existe une petite exception concernant Ariel Sharon dans la mesure où il est encore au pouvoir. » Ces problèmes d’immunité sont en grande partie liés à des pressions d’ordre politique concernant les relations d’État à État. En effet, on imagine bien les répercussions sur les relations bilatérales que peuvent avoir des condamnations prononcées contre un dirigeant toujours au pouvoir par les tribunaux d’un pays étranger. La dimension politique dans ce genre d’affaires peut difficilement être occultée. Ainsi, toujours dans le cadre de l’affaire Sharon, M. Mallat affirme que « le Parlement belge a changé la loi de manière rétroactive » pour que M. Sharon puisse en bénéficier. « On n’a jamais vu dans l’histoire moderne de l’Europe une décision judiciaire remise en cause par une loi rétroactive », s’indigne-t-il. Un recours est actuellement présenté devant la Cour européenne des droits de l’homme. « Sharon n’est pas au bout de ses peines », conclut-il. Les tribunaux pénaux internationaux Vu la dimension internationale du crime contre l’humanité et des crimes de guerre, et du moment où les tribunaux nationaux ne sont pas toujours prêts à initier des poursuites contre leurs anciens ou actuels dirigeants, des tribunaux sont parfois mis en place à la suite de grands conflits armés entachés d’abus afin de poursuivre les auteurs d’exactions. Ces tribunaux ne sont pas permanents. Leur mission s’achève avec la fin du procès. Le premier Tribunal pénal international, celui de Nuremberg, a été instauré à la fin de la Deuxième Guerre mondiale et a condamné les responsables d’exactions de l’Allemagne nazie. Plus récemment, deux tribunaux pénaux internationaux ont été mis en place. Le Tribunal pénal international pour le Rwanda et celui de l’ex-Yougoslavie. C’est devant ce tribunal que Slobodan Milosevic et ses lieutenants sont actuellement jugés pour les crimes commis contre les populations musulmanes en Serbie, en Bosnie et en Croatie. La Cour pénale internationale La communauté internationale a jugé bon instaurer une juridiction pénale internationale permanente. En 1998, suite à une conférence organisée par l’Onu, un statut d’une Cour pénale internationale a été adopté à Rome. En juillet 2002, la Cour est mise en place, après la récolte des soixante ratifications nécessaires. Actuellement, 97 pays y ont adhéré. La CPI est compétente pour juger les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, et les génocides, selon le principe de subsidiarité. La CPI peut être saisie par les États membres, par le procureur et par le Conseil de sécurité. C’est à ce titre que le Conseil de sécurité, dans une résolution qui date du 31 mars 2005, a déféré devant la CPI le dossier sur la situation au Darfour pour enquêter sur les abus qui se sont produits durant les années précédentes. Par ailleurs, la République démocratique du Congo, l’Ouganda et la République centrafricaine ont eux aussi saisi la Cour. Les tribunaux mixtes Un autre type de tribunal est en train de se mettre en place. Ce sont des tribunaux nationaux qui sont soumis à un contrôle de l’Onu. La Sierra Leone et le Cambodge devraient adopter ce type de juridiction. L’Onu a néanmoins considéré que le gouvernement cambodgien n’était pas capable de présenter les garanties nécessaires pour mettre sur pied le tribunal. En voie de conséquence, les Nations unies ont déclaré leur retrait de ce processus. Quelle juridiction choisir ? Quelle juridiction choisir ? Chibli Mallat explique que la convention de Rome établit un principe de subsidiarité qui régit ce genre de situation. Ainsi, c’est seulement après avoir eu recours à toutes les juridictions nationales, ou après avoir montré que les juridictions internes ne sont pas capables de faire justice, qu’on peut opter pour les juridictions internationales. Quant aux tribunaux pénaux internationaux (TPI), ils ont la primauté sur les tribunaux nationaux. Rien n’empêche que les juridictions nationales et internationales travaillent sur un même délit. Mais les TPI peuvent demander aux tribunaux nationaux de se dessaisir d’un dossier en leur faveur. M. Mallat espère que le XXIe siècle rendra la justice internationale aussi efficace que la justice interne. Et que l’impunité, qui a disparu dans le cadre de la justice interne, disparaîtra aussi au niveau international. B. B.
Les structures juridiques pour juger les chefs d’État et leurs lieutenants auteurs de crimes à caractère international existent. Ainsi, aux cotés des tribunaux nationaux, les tribunaux pénaux internationaux et la Cour pénale internationale ont la capacité de juger les dictateurs. La compétence universelle permet de poursuivre les personnalités concernées devant les tribunaux des pays...