Rechercher
Rechercher

Actualités

Environnement - Trois à quatre cents paires d’ailes volettent en silence dans la serre Profession: éleveur de papillons

Le geste est machinal mais toujours délicat: pincer un papillon par les ailes, le glisser dans une enveloppe triangulaire translucide puis le déposer, vivant, dans un carton postal. Jean-Pierre Vesco, seul éleveur professionnel de papillons en France, expédie, chaque année, par la Poste, plus de 20 000 chrysalides et adultes, produits dans ses serres de Visan (Vaucluse). « La chrysalide, inerte, voyage très bien dans du coton. Et le papillon, animal à sang froid, voyage aussi sans dommage pendant deux ou trois jours », explique cet homme svelte de 56 ans. À peine entré dans la serre climatisée qui encercle sa maison, on replace la moustiquaire derrière soi et on se prend à baisser la voix. Trois ou quatre cents paires d’ailes volettent en silence dans ce vestibule moite, baignant dans le parfum des pommes pourries que butinent les Caligo et Morpho. Entre deux plantes en pot gît la dépouille jaune et noire d’un Idea des Philippines. « Normalement, on évacue les morts, mais là, on est débordé », s’excuse M. Vesco, affairé « quatorze heures par jour » à tous les stades de la métamorphose: œuf, chenille, chrysalide, papillon. Ses beautés éphémères, il ne les vend qu’en gros (« deux euros en moyenne la chrysalide »). Ses principaux clients sont la société Emeraude, qui approvisionne une dizaine de « serres à papillons » ouvertes au public en France, et l’Office pour la protection des insectes et de leur environnement (OPIE). Au cinéma, des centaines de ses lépidoptères ont joué les figurants, entraperçus dans Microcosmos ou dans L’Ours. « Pour le tournage du Peuple migrateur (de Jacques Perrin), se souvient-il, on a vécu sept jours de tournage intense pour à peine une minute d’images... » Chaque papillon a sa plante Sur son terrain et dans les collines voisines pullulent les papillons français. « Les exotiques, je les achète aux Anglais qui chapeautent tout le commerce international, ou je vais les chercher dans leur pays d’origine, au Gabon, à Sao Tomé ou en Guyane où j’ai déjà séjourné vingt et une fois. » Diplômé en botanique, biochimie et entomologie, il a renoncé sans aucun mal à une carrière toute tracée de chercheur. Lui qui, enfant, « ramassait des centaines de têtards pour élever les crapauds », a préféré devenir horticulteur, « parce que chaque papillon a sa plante ». « S’il n’y a pas de plantes, il n’y a pas d’élevage », dit ce paysan savant, employant quatre personnes. Avec son collaborateur Pascal Bernard, il ne cesse d’aller et venir, entre serre de ponte et serre d’élevage, transportant les plantes sur lesquelles les papillons ont déposé leurs œufs, celles que les chenilles ont broutées, celles qu’il faut tailler, arroser. Les tâches minuscules se répètent: suspendre les chrysalides prêtes à éclore, saupoudrer des fleurs artificielles d’un mélange sucre-algues-sel. À la nuit tombée, « les papillons dorment, heureusement ». Restent alors « la corvée de paperasse » et « un peu de temps pour la recherche ». Sa serre à papillons ne s’ouvre qu’à de rares visiteurs. Sinon, assurément, le pédagogue mangerait tout le temps de l’éleveur. Il raconterait que « les papillons sont attirés par la sueur humaine » ou que « certains, tel l’Attacus Atlas, peuvent vivre une semaine sans boire ni manger, en puisant dans leur énorme corps plein de gras... ».
Le geste est machinal mais toujours délicat: pincer un papillon par les ailes, le glisser dans une enveloppe triangulaire translucide puis le déposer, vivant, dans un carton postal.
Jean-Pierre Vesco, seul éleveur professionnel de papillons en France, expédie, chaque année, par la Poste, plus de 20 000 chrysalides et adultes, produits dans ses serres de Visan (Vaucluse). « La...