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La capitale du Liban-Sud a connu « une guerre d’élimination » par excellence À Saïda, un duel politique et des charters venus du Golfe

« Le 24 mai sera la journée de la libération de Saïda ; le 25, celle du Liban-Sud ». Cette affirmation, qui est celle d’un partisan du docteur Abdel Rahman Bizri qui préside la liste de la « Décision de Saïda » soutenue par Oussama Saad, en dit long sur l’enjeu du scrutin qui s’est déroulé hier dans la ville natale du Premier ministre. Ce dernier, qui parraine la liste opposée que préside son ami d’enfance, Mahmoud Zibawi, aura prôné « l’entente jusqu’à la dernière minute », sans jamais « joindre les paroles à l’acte », accusent unanimement ses détracteurs. Déclarée dès le départ, «politique par excellence », la bataille dans cette ville l’est restée jusqu’aux dernières heures de la journée, emportant dans son sillage les promesses de développement et de progrès. Le scrutin de Saïda s’est ainsi cristallisé autour de deux alliances antihistoriques les Bizri contre les Hariri. Traditionnel allié du Premier ministre, Abdel Rahman Bizri s’est vu contraint de s’allier avec Oussama Saad, chef de l’Organisation populaire nassérienne, devant l’insistance de M. Hariri de nommer son poulain et fidèle compagnon de route, M. Zibawi, dont les origines communistes n’ont pas pour autant embarrassé le chef du gouvernement, ni, semble-t-il, le commandement de la Jamaa islamiya. Après de rudes négociations, le mouvement islamiste a fini par rejoindre la liste haririenne avec sept candidats au lieu des cinq octroyés au départ avec la sœur du chef du gouvernement, Bahia, qui pilote la campagne de son frère. Alors que certains observateurs ont tenu à qualifier ce scrutin de « guerre d’élimination», un habitant de Saïda, qui ne cache pas sa sympathie pour M. Bizri, reconnaît que l’enjeu n’est pas tant de détrôner un Rafic Hariri qui « après tout, a contribué à faire prospérer la ville » mais plutôt de dénoncer « son approche, ainsi que celle de sa sœur qui se conduisent comme si la ville leur appartenait ». Il n’en reste pas moins que ces élections ont mis en scène un duel politique personnifié à outrance que des centaines de banderoles et slogans ont bien reflétés. Place de l’Étoile, les calicots signés par l’un et l’autre camp annonçaient, dès l’accès à cette ville historique, le bras de fer attendu : « Ceux qui ne font pas confiance à leur peuple ne sauraient compter sur les chiens policiers pour les protéger » ; « Ne vous laissez pas humilier par l’argent. Laissez-vous guider par votre conscience », autant de conseils électoraux prodigués par les partisans de M. Saad. Plus avare en slogans, mais prodigue en photos géantes trônant sur les murs des immeubles – malgré sa demande expresse sommant les habitants de s’en débarrasser – M. Hariri a invité ses amis à « dire oui » à la liste de la « Fidélité à Saïda », ne lésinant pas sur les outils de communication les plus sophistiqués : une campagne d’affichage montrant les enfants, les jeunes et, fait nouveau, les pauvres de Saïda – devenus le temps des élections les « vedettes » de la campagne – bordait les deux côtés de l’autoroute menant au cœur de la ville. Ayant appuyé pendant longtemps Maarouf Saad, le père d’Oussama, qu’on appelait à l’époque « le père de pauvres » – slogan emprunté par l’ancien ministre Nazih Bizri, devenu à son tour « le médecin des pauvres » – la catégorie des déshérités a contribué de part et d’autre à « faire monter les enchères ». Ceci ne suffit pas toutefois à expliquer la tension qui a régné tout au long de l’échéance municipale. Avec une participation de près de 60 % en fin de journée, 30 000 électeurs sur un total de 48 000 se sont dirigés vers les urnes pour choisir entre deux camps : celui du Premier ministre, avec toute la symbolique qu’il incarne – le pouvoir, le capital et pour quelques-uns « l’homme providence » – et celui de ses adversaires de tout temps, les Saad, exceptionnellement alliés aux Bizri, autre grande famille traditionnelle dont le poids électoral n’est pas négligeable. Un affrontement qui n’a pas tardé à récupérer un autre divorce, interchiite cette fois-ci, celui qui oppose, un peu partout au Liban-Sud, Amal et le Hezbollah, le premier ayant choisi de soutenir la liste haririenne, le second, celle de M. Saad. Sur place, plusieurs incidents, rapidement circonscrits par les agents de l’ordre, ont reflété la tension qui a prévalu dans certains bureaux de vote où l’opération électorale a été suspendue pendant quelque temps, notamment à la suite de protestations formulées par la députée Bahia Hariri au sujet des cartes électorales « frauduleuses » présentées par les naturalisés, venus en force pour soutenir la liste de M. Bizri. Pour sa part, le député Oussama Saad a déploré à plusieurs reprises « les pressions exercées sur les votants », plus particulièrement « ceux qui travaillent pour le compte de sociétés appartenant à M. Hariri ». Des voix opposées au chef du gouvernement ont également dénoncé l’emploi de l’argent politique qui aurait été versé à des personnes afin de voter pour la liste appuyée par le Premier ministre. Autre critique adressée par les partisans de M. Saad, l’afflux des électeurs résidant dans le Golfe qui ont été dépêchés dans des avions affrétés par le Premier ministre, un fait que son fils, Saad, venu d’Arabie saoudite pour soutenir sa famille n’a pas démenti : « Je viens simplement pour voter et je retourne ce soir, avec tous ceux qui sont venus de là-bas », dit-il en riant. Un appui dont l’autre camp aurait également profité, grâce à un autre avion rempli d’émigrés mis à la disposition des partisans de la liste de M. Bizri, par un homme d’affaires de la ville. En attendant les résultats, difficilement prévisibles malgré les pronostics donnant, en fin de soirée, Hariri vainqueur, une seule leçon peut être tirée de ce scrutin : la bataille de Saïda aura une portée qui dépasse les seules frontières de la ville, surtout si l’on croit les affirmations faisant état d’une intervention non moins importante, du prince Walid ben Talal en faveur du tandem Saad-Bizri. Jeanine JALKH
« Le 24 mai sera la journée de la libération de Saïda ; le 25, celle du Liban-Sud ». Cette affirmation, qui est celle d’un partisan du docteur Abdel Rahman Bizri qui préside la liste de la « Décision de Saïda » soutenue par Oussama Saad, en dit long sur l’enjeu du scrutin qui s’est déroulé hier dans la ville natale du Premier ministre. Ce dernier, qui parraine la...