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Débat - Le chef du PSP invité aux rencontres HEC-« L’Orient-Le Jour » Walid Joumblatt « dénonce les pirates du Golfe » et fait l’apologie des « attentats-martyrs » (Photo)

C’est un Walid Joumblatt tranchant, parfois furieux et on ne peut plus provocateur qu’ont (re) découvert jeudi les membres de l’Association des diplômés d’HEC (Liban) et des intellectuels libanais lors d’un dîner-débat organisé par l’association en collaboration avec L’Orient-Le Jour, et sponsorisé par la Banque Audi. Invité à se prononcer sur le thème du « Choc des civilisations » – « thème qui inquiète toute la planète », dira l’éditorialiste de L’Orient-Le Jour, Issa Goraieb, qui a animé cette rencontre –, M. Joumblatt choisira d’occulter le sujet dès les premiers instants, préférant parler de la Palestine, de l’Irak, de son « refus d’être libanais avant d’être arabe », mais surtout de son choix clair et quasi définitif en faveur de la résistance, rien que la résistance, la résistance « sous toutes ses formes », seul moyen, selon lui, de faire face à toutes les injustices et abus que fait subir au monde arabe l’Occident, colonialiste auparavant, impérialiste et dominateur aujourd’hui. Contre tout cela, M. Joumblatt, « en bon féodal et néanmoins socialiste », dit-il en reprenant les qualificatifs que lui a attribués M. Goraieb, s’élève et dénonce la realpolitik du XXIe siècle qui n’est autre, dira-t-il, qu’une « réédition » aggravée de ce qui s’est passé dans la région depuis pratiquement 100 ans, depuis la consécration des mandats au Proche-Orient et la création de l’État d’Israël. Une « hérésie » concomitante à la « malheureuse » découverte du pétrole dans la région. Face à cet état de fait, « le fusil, celui de la résistance, décide », clame l’éternel défenseur de l’arabisme devant « une élite libanaise, commerciale et bancaire » outrée, voire par moments scandalisée, par l’éloge qu’il fait des attentats-suicide qui ciblent notamment les civils, et par la nécessité de répondre aux guerres contemporaines en usant des mêmes moyens. Jonglant parfois avec habileté, à d’autres moments moins subtilement, entre ses différentes identités – l’intellectuel, le socialiste, le leader féodal, l’Arabe acharné, mais aussi le bourgeois qu’il reste en définitive –, Walid Joumblatt a en même temps séduit, par ses effets de style, et déçu, par son négativisme, un auditoire qui attendait de lui une réflexion en profondeur et une note d’espoir dans une monde livré au barbarisme. Fort à propos, Issa Goraieb présente le personnage au pluriel : « Avec Walid Joumblatt, tous ces Walid Joumblatt, vous êtes aujourd’hui invités à dialoguer », lance l’éditorialiste, en sollicitant l’apport intellectuel du « seigneur de la guerre », mais aussi celui de « l’artisan de la réconciliation druzo-chrétienne ». Or, c’est à un dialogue de sourds, pour ne pas dire à un monologue, que le public – assoiffé de réponses tangibles et convaincantes – aura droit, malgré la persistance et la pertinence de certaines questions sur la « nécessité du dialogue », « des réformes » et « de la paix ». La Syrie épargnée Certes, le militant que l’on connaît, l’homme politique, « volontiers provocateur », que l’on admire pour sa témérité, a rappelé tour à tour les épisodes douloureux vécus par un monde arabe en proie aux convoitises étrangères, les politiques biaisées et flagrantes en terre palestinienne et l’absurdité de la situation irakienne. Et c’est avec beaucoup d’humour que le chef du PSP pointera un doigt accusateur vers les « roitelets et les pirates du Golfe » et vers « les régimes de tyrannie et de dictature, qui sont à la solde des Américains », épargnant au passage la Syrie dont il dit avoir « profité », notamment en « hommes, en armes et en munitions, lors de la bataille de la montagne ». Fidèle à sa culture et à ses convictions socialistes, – même s’il reste organiquement lié à la bourgeoisie –, Walid Joumblatt n’omettra pas non plus de dénoncer la corruption qui ronge la République libanaise, une corruption « dont le Hezbollah n’est nullement responsable », ainsi que « la mauvaise répartition des richesses». « Nous sommes en train de théoriser sur la démocratie et la croissance. Allez donc voir ce qui se passe du côté de certains quartiers de Tripoli, dans la région du Liban-Sud et même dans certaines zones dites chrétiennes», s’indigne M. Joumblatt. Ce n’est toutefois pas ce discours qui a secoué un auditoire qui l’écoutait religieusement, ni même le brillant réquisitoire contre le « bushisme » et le « sharonisme », mais plutôt l’apologie qu’il a faite des attentats-suicide qu’il insiste à qualifier d’« attentats-martyrs ». M. Joumblatt s’est également amusé à irriter les participants, qui ont souvent réagi bruyamment à ses déclarations, en déclarant sans ambages son renoncement à vouloir se battre pour le Liban, la priorité étant pour lui la libération de la Palestine et de l’Irak. « Je me place dans un contexte qui dépasse le Liban. Je suis arabe avant d’être libanais, avant d’être druze. Ce qui m’importe, c’est la lutte de base », martèle M. Joumblatt devant l’insistance du modérateur et des participants qui cherchaient à comprendre ce qui empêche le monde arabe d’enclencher les réformes voulues au lieu d’attendre d’avoir vaincu Israël. « Je pars d’un seul fait, nous sommes une région occupée », répète inlassablement l’intervenant en remontant le cours de l’histoire qui commence pour lui en 1897 – date du premier congrès sioniste – pour expliquer ce qui passe aujourd’hui et justifier le recours à la seule résistance. « Cent dix-sept ans plus tard, on se retrouve presque dans le même scénario. Au lieu de la promesse Balfour, nous avons le grand Israël auquel Bush vient de donner sa bénédiction », indique le chef du PSP, soulignant que le projet de Lakhdar Brahimi, représentant personnel du secrétaire général de l’Onu, risque également de « légaliser l’occupation en Irak ». Pourquoi Walid Joumblatt ne mettrait-il pas plutôt sa culture, son savoir-faire et son énergie au service de son pays, qui pourrait être un modèle de démocratie et de coexistence «à moindres frais que la politique prêchée par les Américains dans la région ? » lui demande alors M. Goraieb. Préférant retourner la question en lançant des accusations contre la bourgeoisie libanaise et ensuite contre les leaders religieux, M. Joumblatt conclut par une autre interrogation : « Comment voulez-vous édifier une démocratie dans un État confessionnel ? » Mais encore, pourquoi ne pas privilégier « le dialogue, le développement, les industries de l’intelligence», comme l’ont fait notamment certains pays qui ont réussi cette expérience, plutôt que le choix de la résistance et celui de l’action des kamikazes ? Pourquoi cette insistance à vouloir « retourner cinquante ans en arrière au lieu de se projeter deux semaines en avant ? » se demandent les participants. « Parce qu’il faut distinguer entre occupants et occupés », « parce que ni les Allemands, ni les Britanniques, ni les Américains n’ont fait la différence entre civils et militaires lors de la Seconde Guerre mondiale » et parce que « à la guerre, c’est à la guerre », tranche M. Joumblatt. Une constatation désolante, certes, et qui risque probablement de ternir le charisme d’un Joumblatt qui n’a jamais paru aussi radical. Il reste toutefois, comme l’a souligné un des responsables de l’association des anciens diplômés de l’HEC, que seul le Liban peut accueillir de tels débats. Jeanine JALKh
C’est un Walid Joumblatt tranchant, parfois furieux et on ne peut plus provocateur qu’ont (re) découvert jeudi les membres de l’Association des diplômés d’HEC (Liban) et des intellectuels libanais lors d’un dîner-débat organisé par l’association en collaboration avec L’Orient-Le Jour, et sponsorisé par la Banque Audi. Invité à se prononcer sur le thème du «...