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Actualités - OPINION

Le laxisme surréaliste des responsables tue le pays économique

Les municipales sont certes un divertissement de premier choix. Mais les Libanais sont aux antipodes, aujourd’hui plus que jamais, de cet esprit « Festival de Cannes » qui fleurit aujourd’hui sur leurs chaînes câblées comme sur la Croisette. Ils n’ont pas le cœur à s’amuser quand ils comptent les coups durs. La résurgence de la crise de l’électricité d’abord. Ensuite, et surtout, la flambée des carburants, essence en tête. Qui menace de pomper, c’est le mot, le peu qu’ils gardent encore en poche. Car, on le sait, l’indice pétrolier est l’un des tout premiers marqueurs du panier général des prix. S’il monte, s’il bondit, l’inflation est aux portes. Avec le surcroît de misère que cela implique dans un pays déjà exsangue depuis des années. Économiquement et financièrement. Or, force est de constater que même en état d’urgence, les responsables ne se préoccupent pratiquement que de leurs petits calculs d’intérêts, politiques ou autres. Couverts par un système d’ombrelle, ils n’accordent qu’une attention distraite aux vraies préoccupations de la population. Et ne se donnent même pas la peine de jouer le jeu des surenchères démagogiques. Ni, d’ailleurs, de se poser en vertueux défenseurs du bien public peu soucieux de popularité. Bref, ils se contentent de prestations minimales sans se presser. En se disant, sans doute, que les syndicats ou les corporations, savamment affaiblis ces dernières années, ne pourront pas mobiliser vraiment la rue. À preuve que les manifs de ces derniers mois n’ont jamais pu grouper plus de 5 000 marcheurs. Et encore, uniquement grâce à l’apport diligent de partis politiques. Mais une révolte populaire, les responsables l’oublient, peut être sui generis. Comme ce fut le cas pour la toute dernière dans ce pays, la révolution des pneus en 1992. Et il est certain qu’à force de laisser la vapeur monter dans la marmite, le couvercle risque de sauter rapidement. Dépassant tous les records d’inconscience, les gens du pouvoir local non seulement ne constituent pas une cellule de crise, comme ils devraient le faire, mais encore aggravent leur relâchement. En passant leur temps à se tirer dans les pattes. Pour se rejeter les uns sur les autres la responsabilité de la récession, comme si le temps était aux procès. Une attitude qui découle directement, il faut le souligner, de leur vraie, de leur seule priorité : la lutte endémique d’influence qui les oppose depuis des années. Et qui a déjà tant coûté au pays. Économiquement et financièrement. Pour le moment, ce personnel dirigeant n’est obsédé que par la présidentielle, tournant majeur dans la susdite lutte. Un opposant souligne combien le comportement des officiels a déjà été préjudiciable à un pays privé de redressement économique et d’indispensable réforme par les querelles de chefs ou de sous-fifres. Et combien cette cécité prolongée risque de plonger le Liban dans le noir, côté électricité. Et dans le rouge, côté prix. État des lieux d’autant plus redoutable, ou regrettable, que les intéressés s’en disent eux-mêmes conscients. Ainsi, s’adressant à un colloque (ironiquement) consacré à la réforme financière dans les pays arabes, Hariri a reconnu que l’État libanais, pour des raisons politiques soi-disant indépendantes de sa volonté, n’a pas appliqué son plan (de redressement) économique. Ni engagé les réformes structurelles ou financières promises (devant Paris II). Ce qui a abouti à l’extension de la dette publique, au ralentissement des taux de réduction des intérêts pour le privé comme pour le public. Avec, au bout de la ligne, des effets négatifs sur la croissance comme sur le service de la dette. Dans sa sombre intervention, Hariri a fini par avouer le poids déterminant des querelles politiciennes, dont il reste l’un des acteurs, dans la crise. Mais se rappelant sans doute qu’il ne faut pas « désespérer Billancourt », selon le mot de Sartre, il s’est voulu relativement rassurant. En affirmant que tout n’est pas perdu, qu’il reste encore des chances de régler le problème des finances publiques, pour grave qu’il soit. De renforcer la situation économique nationale. À travers une série de réformes, « nécessité dont nous sommes parfaitement conscients. Et que nous n’avons pas exécutée jusqu’à présent, à cause de circonstances politiques internes déterminées ». Mais encore ? Il faut, répond-il « une remise en chantier d’un consensus national autour d’un programme de réformes. Pour que nous puissions amorcer le traitement de nos difficultés financières et le redressement économique. À partir du début de l’an 2005 ». Soit juste après la présidentielle. Le message est on ne peut plus clair; d’ici là, il n’y a pratiquement rien à faire. Ou, au mieux, des mesures palliatives provisoires. Comme toujours. C’est cela même qui est inquiétant, car il y a urgence. Sur ce point, les haririens affirment que leur leader en est conscient. Et qu’en marge des grandes lignes générales évoquées dans son intervention concernant le long terme, il entend d’une part multiplier les SOS. D’autre part, enclencher des études pour le sauvetage. Une façon de laisser entendre que d’autres ne font rien. Sinon de l’obstruction. En tout cas, indépendamment et en sus des problèmes aigus du moment, le département des Finances tire de son côté la sonnette d’alarme: en 2005, il y aura de lourdes échéances financières à honorer. Les caisses sont vides, et il faut de nouvelles ressources. C’est la question. À 35 milliards de dollars. Philippe ABI-AKL
Les municipales sont certes un divertissement de premier choix. Mais les Libanais sont aux antipodes, aujourd’hui plus que jamais, de cet esprit « Festival de Cannes » qui fleurit aujourd’hui sur leurs chaînes câblées comme sur la Croisette. Ils n’ont pas le cœur à s’amuser quand ils comptent les coups durs. La résurgence de la crise de l’électricité d’abord....