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DISPARITION L’artiste est mort hier matin Aref Rayess, le peintre polémiste, n’est plus (photos)

Aref Rayess est mort. L’un des peintres de la seconde génération, celui que tout le monde appelle le visionnaire, Rayess, l’homme ouvert, simple, plein d’humour n’est plus. Autodidacte, Aref Rayess a organisé sa première exposition à l’Unesco en 1946, avant de rouler sa bosse dans plus d’un pays. Vivant d’abord longtemps en Afrique, il a peint sa brousse et montré ce continent dans des œuvres magnifiques. Par la suite, c’était la France où il s’est même essayé à l’art du mime, puis l’Italie et les États-Unis, avant de revenir s’installer dans sa montagne natale, Aley, où il a été l’une des chevilles ouvrières du Symposium de sculptures, manifestation annuelle qui a pris une vitesse de croisière surprenante. Dès le début, ce peintre engagé, sensible, à l’écoute du monde s’est lancé dans une peinture polémique axée sur la réalité sociale, culturelle, politique ou économique du pays comme du reste du monde. Rien ne lui échappait. La double série sur les prostituées de la rue al-Moutanabbi, par exemple, était l’une pleine d’humour et l’autre tragique, traduisant sa façon de voir cette réalité. Et, chose troublante, bien avant que la guerre du Liban n’éclate, il l’a reproduite avec une clairvoyance surprenante. Cet homme nature, cet artiste authentique a toujours eu une attention très forte au monde, celle à la fois de l’humaniste déchiré par les contradictions qu’il percevait et celle, autre, du moraliste qui s’appliquait à surmonter la douleur par la dérision et l’humour. « Il était si attentif à la réalité, dit de lui un ami, qu’il ne se concentrait pas sur un seul sujet, passant constamment d’un style à l’autre et d’un sujet à l’autre. C’était, en quelque sorte, sa façon d’être fidèle à lui-même. Et pas à une étiquette. » D’ailleurs, Rayess avait un triple regard sur cette réalité qu’il scrutait : le premier amusé, qui savait débusquer le côté dérisoire et ironique ; le second polémiste, et enfin celui du poète, car poète aussi il l’était. Trois filtres à travers lesquels il décortiquait cette réalité, le faisant, souvent même, avec les trois à la fois. Témoignages « La nouvelle tombe, et c’est le choc, nous écrit Nadine Bekdache (galerie Janine Rubeiz). Aref et moi étions régulièrement en contact ces derniers temps. Il avait beaucoup aimé l’exposition d’ Etel Adnan, et venait s’asseoir sur la véranda, avec un café, à regarder la mer. Il m’avait promis une œuvre pour l’exposition que l’on organise pour la fondation de la Bibliothèque nationale. Tout comme Chafic Abboud, ces nouvelles d’un départ créent rapidement le vide... Aref représente pour moi beaucoup plus qu’un grand artiste. Il a fait partie de ma plus petite enfance, il a d’abord été l’ami de mon père, et ensemble ils ont collaboré à plusieurs projets. Puis il a été le cofondateur, le principal soutien de Dar el-Fan, et surtout le grand ami de ma mère, Janine. Plus qu’un pilier de l’art contemporain libanais, c’est un génie, un innovateur qui a fait preuve de grande créativité, authentique et courageuse. Chaque étape de son parcours artistique porte en elle les messages et les pensées de grande liberté. L’un après l’autre Saïd Akl, Chafic Abboud et maintenant Aref Rayess nous mettent face à un défi : saurons-nous aujourd’hui, avant demain, préserver les œuvres de ces créateurs libres et les remettre fidèlement à l’avenir. Il nous reste à espérer que les générations actuelles et futures puissent reconnaître l’importance de ces artistes et les honorer à leur juste valeur. « Avoir peint l’horreur avant même qu’elle n’arrive m’a beaucoup frappée, dit Amale Traboulsi (galerie Épreuve d’artiste). Et lorsque cette guerre est arrivée, il s’est mis à peindre le désert d’Arabie. Pour moi, il avait déjà fait sa guerre. C’est l’être le plus vrai, le plus authentique et le plus sensible que j’aie connu. Il s’est toujours moqué de tout vivant en parallèle. Il disait : je fais ma comédie, puis je m’en vais... » Pour Farid Andraos, amateur d’art, Rayess est le plus grand peintre que le Liban ait connu. Le seul dont on pouvait dire qu’il était un visionnaire. « Au-delà de la peinture représentative, même abstraite, Rayess avait cette faculté que nul autre n’avait atteinte, la prémonition : il voyait toujours plus loin, toujours plus profondément les choses que les autres, réussissant à les montrer dans quelques-uns de ses chefs-d’œuvre. Je perds un ami de jeunesse qui a approché la mort par le rire. C’est formidable et c’est quelque chose de très spécial. » M. C.

Aref Rayess est mort. L’un des peintres de la seconde génération, celui que tout le monde appelle le visionnaire, Rayess, l’homme ouvert, simple, plein d’humour n’est plus.
Autodidacte, Aref Rayess a organisé sa première exposition à l’Unesco en 1946, avant de rouler sa bosse dans plus d’un pays. Vivant d’abord longtemps en Afrique, il a peint sa brousse et montré ce...