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Actualités - OPINION

Aoun et Geagea tiennent bon face aux sirènes du pouvoir Les tentatives de désunir l’opposition font long feu

C’est en vain que le pouvoir tente de fractionner l’opposition. En faisant les doux yeux à Michel Aoun, qui en a rejeté les avances. Et en laissant entendre aux FL, que la libération de Geagea est en vue. Ou encore en laissant entendre que Bkerké se démarque de Kornet Chehwane et refuse de s’associer aux thèses qui, selon les loyalistes, mettent en péril la coexistence. Aoun a donc riposté en réitérant son attachement à des constantes qui par elles-mêmes lui interdisent de se laisser séduire par les sirènes prosyriennes. La carotte qu’on lui tend, en laissant entendre qu’on refermerait son dossier judiciaire, le fait en quelque sorte sourire, tant elle est indigne. De même, il ne prête aucune attention aux soudaines louanges de ministres, qui applaudissent sa franchise, sa clarté, sa transparence, en appelant à son retour. De son côté, Samir Geagea fait savoir qu’il n’est pas question pour lui de monnayer ses convictions, sa ligne politique par sa libération. En rappelant que s’il avait voulu trahir les principes nationaux, il ne serait pas en prison mais au gouvernement, ou à la Chambre. Pour sa part, l’opposition fait circuler une pétition en faveur de sa libération. Pour aider le pouvoir à la décréter sans perdre la face, s’il en a vraiment l’intention. Mais aussi pour démasquer son jeu, s’il cherche à commercialiser politiquement un geste de droit bien compris. Quant au patriarche Sfeir, dont le pouvoir et ses tuteurs ne se souviennent qu’aux échéances électorales, il évite certes de jeter de l’huile sur le feu. Mais il n’est pas disposé à faire confiance, encore une fois, à des promesses en l’air. Il ne veut prendre en considération que les actes. Il attend donc de voir comment vont se présenter la loi électorale, l’impartialité du pouvoir et le découpage des circonscriptions. Pour vérifier si l’on va laisser libre cours à l’expression de la volonté populaire, dans le respect de Taëf. Pour ce qui est du retrait syrien, le patriarche souhaite que l’on fixe un délai raisonnable. Et, surtout, qu’il n’y ait plus d’immixtion syrienne dans les affaires intérieures de ce pays. Surtout pas au niveau des législatives. Les 80 strapontins En pratique, c’est le découpage des circonscriptions qui tient la vedette. Le gouvernement s’en préoccupe, avant de s’en occuper. Mais, évidemment, il n’est pas seul à l’ouvrage. En effet, la Syrie reste présente. Et souhaite, naturellement, pouvoir toujours contrôler la majorité parlementaire. Tout en révisant à la baisse ses prétentions : 80 strapontins feraient son affaire, alors qu’auparavant elle décrochait facilement les 90. Pour atteindre son but, le pouvoir fait appel actuellement à des spécialistes, des chercheurs, des sondeurs, des statisticiens. Qui doivent lui indiquer, chiffres à l’appui, quelle formule de découpage peut lui rapporter le plus de sièges à la Chambre. Les dirigeants attendent dès lors, avant de se prononcer définitivement, les résultats de l’enquête discrète qu’ils ont ordonnée. Ensuite, ils verront que faire, en coordination avec Damas. Et, selon toute probabilité, ils retiendront la formule qui leur conviendrait le mieux. Même si elle devait, cette fois encore, trahir Taëf. En espérant qu’il n’y aurait pas d’effet boomerang comme en l’an 2000, lorsque l’astuce consistant à couper Beyrouth en trois n’a pas pu empêcher Hariri de rafler toute la mise. En outre, la France entre en ligne. En exigeant une loi électorale qui soit le fruit d’un large consensus libanais. Ce qui implique, tacitement, qu’il ne devrait plus s’agir d’un texte dicté à la dernière minute par les décideurs syriens, comme lors des éditions précédentes. Cependant, le pouvoir garde un avantage : les opposants, aussi bien que les loyalistes, ne partagent pas des vues identiques sur le système électoral à adopter. Certains responsables s’efforcent, parallèlement, de mettre Bkerké sur la touche. En laissant entendre que le dossier est purement politique et ne devrait pas concerner une instance religieuse. On a pu ainsi entendre le président Karamé, interrogé sur les appréhensions du patriarche, prendre la tangente en relevant que tous les Libanais en éprouvent de semblables. Et en précisant qu’on ne saurait donner satisfaction à tout le monde. Le chef du gouvernement, on le sait, est opposé pour sa part au caza ou à la petite circonscription que Bkerké prône au nom d’une saine représentation de proximité. Balance Quant au contre-argument fondé sur la marginalisation des minorités communautaires, il y est répondu que la balance s’équilibre. S’il est vrai qu’en cas de caza, les chiites n’auraient pas vraiment le choix de leur représentant à Jbeil, il est encore plus exact que les chrétiens seraient dans la même situation à Tripoli, à Baalbeck ou au Sud. Il reste que le découpage n’est pas tout dans les élections. Il ne suffit évidemment pas par lui-même pour garantir la régularité du scrutin et la libre expression de la volonté réelle des électeurs. Au départ, il ne peut y avoir de base solide d’intégrité sans la mise en place d’un gouvernement des élections parfaitement neutre, impartial, ne comptant aucun candidat dans ses rangs. Or le cabinet actuel est monochrome, donc de parti pris ouvert, et les deux tiers de ses membres postulent un strapontin. Même s’ils ne donnaient pas de directives dans ce sens, leurs services voleraient naturellement à leur secours électoral. Le pouvoir est juge et partie, et c’est inadmissible en démocratie. Il n’est pas en droit de soutenir, comme il le fait, que les urnes seules parleront, parce que sa composition même fausse totalement le jeu. D’autant plus qu’il est soutenu politiquement par les Syriens, dont l’influence se trouve confortée par la présence de troupes, et de services actifs, sur le terrain. L’opposition met donc en doute, d’ores et déjà, la régularité effective de l’opération électorale. Elle réclame un gouvernement formé de personnalités capables, fiables, parfaitement neutres et impartiales. Et elle préfère, de loin, que les Syriens se retirent avant les élections plutôt qu’après. Le ministre de l’Intérieur, Sleiman Frangié, indique que les élections vont tracer le tableau du paysage politique libanais dans la phase prochaine. C’est juste, mais l’opposition souligne que, dans les conditions mises en place, la toile risque de traduire la volonté du pouvoir, et des décideurs, bien plus que celle du peuple libanais. Émile KHOURY
C’est en vain que le pouvoir tente de fractionner l’opposition. En faisant les doux yeux à Michel Aoun, qui en a rejeté les avances. Et en laissant entendre aux FL, que la libération de Geagea est en vue. Ou encore en laissant entendre que Bkerké se démarque de Kornet Chehwane et refuse de s’associer aux thèses qui, selon les loyalistes, mettent en péril la...