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Actualités - OPINION

L’ÉDITORIAL de Issa GORAIEB Des goûts et des couleurs…

Au revoir et merci, Monsieur l’Ambassadeur Lecourtier. Pour de très nombreux Libanais – et nous nous flattons d’en faire partie – il y a, dans ce salut empreint d’autant de chaleur et de respect que d’amicale simplicité, bien davantage qu’un devoir de courtoisie : davantage, oui, qu’un de ces hommages de circonstance que l’on se doit de rendre, entre deux réceptions d’adieux, à un diplomate étranger sur le point de rentrer définitivement chez lui. Tout au long de sa vieille expérience du Liban, la France, pays ami s’il en est, ne s’est pas montrée avare de représentants de haute stature, de grands ambassadeurs. Et Philippe Lecourtier est un de ceux-là, qui, du lointain Brésil où il était en poste, s’est passionnément attelé à la découverte – sur le web, entre autres – du Liban où il venait d’être muté. Une fois sur place, l’ambassadeur a vite fait d’apprendre ce Liban compliqué. De le comprendre, de s’en éprendre aussi, toutes ces données l’aidant à accomplir ce qui reste un bien rare tour de force en diplomatie. Un tel exploit a pour nom interactivité ; car s’il a fidèlement relayé à Beyrouth la politique de son gouvernement, Lecourtier, avec non moins de loyauté et de rigueur sereine, a aussi donné à entendre à Paris les battements profonds, qu’ils soient sonores ou étouffés, du pouls libanais. Particulièrement fécond en réalisations concrètes, dans tous les domaines de la coopération, aura été le séjour libanais de l’ambassadeur Lecourtier. Le plus extraordinaire cependant est qu’un bilan aussi positif ait pu être enregistré au plan des relations bilatérales, celles engageant les deux pays, les deux sociétés, à un moment où les rapports étaient exceptionnellement tendus entre les deux pouvoirs : et plus précisément entre les présidents Jacques Chirac et Émile Lahoud. Sur cette inimitié et sur ses causes beaucoup a été dit, notamment à propos des rapports très privilégiés qu’entretient avec l’Élysée l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, véritable bête noire de Baabda. Il va sans dire cependant que l’affaire dépasse de loin, aujourd’hui, ce genre d’affinités et d’allergies personnelles. Ce n’est pas en effet pour conforter Hariri, finalement contraint comme on sait de boire jusqu’à la lie le calice de la reconduction, que la France s’est opposée avec une telle vigueur au dernier amendement de la Constitution libanaise. Et ce n’est pas pour consoler Hariri qu’elle s’est adjugé la copaternité, avec ces mêmes États-Unis dont elle conteste pourtant l’aventure irakienne, de cette résolution 1559 de l’Onu qui demande le départ des troupes syriennes stationnées sur notre sol et l’arrêt des ingérences de Damas dans la vie publique libanaise. C’est dire qu’en ce moment la France, qu’elle l’ait souhaité ou non, se trouve au cœur du débat opposant tous les Libanais avides de changement – et plus précisément d’un assainissement des rapports avec leurs voisins syriens – à un pouvoir local dont les seules lettres de créance se réduisent à une sujétion aveugle et totale à Damas. Ce phénomène a été mis en lumière par l’entretien Chirac-Joumblatt de la semaine dernière, puis par le rassemblement populaire de dimanche à Moukhtara où l’on a vu flotter le drapeau français, et enfin par les retombées de la virulente polémique qui est allée s’envenimant entre le leader druze et le ministre de la Justice Adnane Addoum. Durement malmené il est vrai par le chef du PSP, le ministre n’a cessé d’accumuler lui-même fautes graves, erreurs, outrances et maladresses : la plus criante sans doute étant d’avoir cru bon de se rendre auprès du président syrien Bachar el-Assad avant de répondre pour la première fois aux attaques de Joumblatt. Quelles visées coloniales peut raisonnablement avoir de nos jours, sur notre petit pays, l’ancienne puissance mandataire française, Addoum et ses amis rameutés autour de lui hier seraient naturellement bien en peine de le dire. En revanche, ils vous expliqueraient très bien, en long et en large, comment la mainmise syrienne est le meilleur garant contre les immixtions étrangères. À défaut d’apprécier le tricolore, voilà bien ce qui s’appelle annoncer la couleur.

Au revoir et merci, Monsieur l’Ambassadeur Lecourtier. Pour de très nombreux Libanais – et nous nous flattons d’en faire partie – il y a, dans ce salut empreint d’autant de chaleur et de respect que d’amicale simplicité, bien davantage qu’un devoir de courtoisie : davantage, oui, qu’un de ces hommages de circonstance que l’on se doit de rendre, entre deux...