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Actualités - interview

Interview - Le député du Chouf dénonce « un régime essoufflé dont les débuts ressemblent étrangement à une fin de règne » Hamadé à « L’Orient-Le Jour » : « Sauver ce qui reste de la dernière démocratie au Proche-Orient » (Photo)

Deux mois déjà ont passé depuis le lâche attentat qui a failli lui coûter la vie. Marwan Hamadé en garde certaines séquelles, certains stigmates. Preuve en est, quelques heures après avoir reçu L’Orient-Le Jour à son domicile beyrouthin, M. Hamadé devait être transporté à l’AUH pour subir une intervention chirurgicale à la suite d’un hématome sous-dural à la tête. Autres signes visibles de cette horrible expérience : un pied dans le plâtre, qui l’oblige à se déplacer encore en « walker », et quelques légères traces de brûlures à la joue droite, qui n’arrivent pas, cependant, à altérer toute la force, toute l’énergie, toute la sérénité que le visage du député dégage. C’est en quelque sorte une « transfiguration », par le biais de la terrible épreuve qu’il a traversée. Pourtant, il n’a pas fondamentalement « changé ». L’homme se distingue toujours par sa gentillesse, sa courtoisie, son « gentlemanisme » empreint de sobriété et de simplicité. Et par cette tranquillité, désormais à toute épreuve. Loin de la physionomie, de l’attitude ou du simple comportement, c’est l’aura que Marwan Hamadé dégage d’habitude qui est désormais différente. Et c’est paradoxalement gonflé à bloc du point de vue mental – cela est très nettement perceptible – qu’il ressort des infernales minutes d’octobre dernier. « J’avance dans ma convalescence et le pays recule. » Tel est le premier sentiment, la première certitude exprimée par Marwan Hamadé à L’Orient-Le Jour. Explications : « Le fait est là. Depuis la prorogation (du mandat Lahoud), les événements se précipitent dans un sens qu’au départ ni les loyalistes ni les opposants n’auraient souhaité, et qui aurait pu être totalement évité si certains n’avaient pas commis cet incroyable impair politique qu’a été la prorogation. Tout le monde aurait été sécurisé, voire satisfait avec l’élection d’un candidat qui se serait nécessairement situé à la jonction des positions qui veulent que le Liban soit à la fois indépendant et réellement souverain et allié, et réellement partenaire de la Syrie. Cet équilibre n’est peut-être pas facile à obtenir. Mais il vaut la peine, pour le Liban comme pour la Syrie, que l’on essaye de l’atteindre. À défaut d’une véritable entente nationale sur la préservation des libertés essentielles et le respect de l’équilibre démocratique, et sans une restructuration des relations libano-syriennes dans le véritable sens de l’alliance stratégique, et non point de la sujétion, nous allons tous connaître, à Beyrouth comme à Damas, des moments difficiles. » « Il n’y a plus au Liban, malgré les images d’avant-hier dans le centre de Beyrouth, de résignation à l’autorité et à la souveraineté spoliées, comme il n’y a plus au Liban, contrairement à ce que soutiennent les “monopolisateurs” de l’amitié et de l’influence syriennes, de refus au partenariat entre nos deux pays. C’est ce que Walid Joumblatt, son bloc, son parti et nos alliés de l’opposition plurielle ont essayé de plaider dès avant la résolution 1559 et bien après celle-ci. Une résolution qui a piégé tout le monde, ceux qui, à l’étranger, l’ont souhaitée, et ceux qui, à l’intérieur, l’ont rejetée », poursuit-il. Dans quel sens la 1559 a-t-elle « piégé tout le monde » ? « Dans le sens que pour proroger un mandat qui pérennise la dérive du système libanais vers une dictature de fait, les reconductionnistes et leurs protecteurs ont mis le Liban à la merci de tous ceux qui le critiquent sur le plan régional », répond-il. Ils ont donc provoqué l’internationalisation...? « L’internationalisation n’est ni le fait de Kornet Chehwane, de Walid Joumblatt ou du patriarche maronite ; ils en subissent d’ailleurs les contrecoups injurieux sans même pouvoir s’en prévaloir. L’internationalisation est le fait de l’erreur magistrale commise à Damas et à Beyrouth, qui se perpétue, et dont on constate tous les jours les désastreux ravages », indique Marwan Hamadé. Terroriser l’opposition L’attentat du 1er octobre s’inscrit-il dans le cadre de ces erreurs, d’autant qu’il a coïncidé avec la publication du rapport Annan ? « Je ne peux pas, a priori, lier l’attentat à l’un ou l’autre des événements, mais je l’inscris plutôt, et c’est là une supputation de ma part, dans le cadre d’une campagne multidirectionnelle visant à terroriser ou à briser l’élan d’une opposition en gain de vitesse, face à un régime déjà essoufflé dont le début de règne ressemble étrangement à une fin de règne », souligne-t-il. Durant sa période de convalescence, plusieurs événements pouvant s’inscrire dans le cadre de cette campagne se sont déroulés : la démission de Rafic Hariri, la formation d’un gouvernement monochrome et fragile sur le plan de la légitimité, les attaques contre Walid Joumblatt, la réouverture du procès Aoun, l’organisation de la manifestation prosyrienne... Quel est donc l’objectif recherché par les gouvernants ? « Tout l’objectif est de gagner du temps, de proroger les gains politiques et matériels d’un mandat essoufflé, de mettre en place une administration qui, à l’image du gouvernement, sera complètement servile, sorte de clonage politique, administratif et sécuritaire, et de préparer des élections visant à uniformiser l’expression politique du pays », estime-t-il. Mais il écarte toute éventualité d’un nouvel Anschluss : « Aujourd’hui, les frontières ne sont pas facilement effaçables, mais les régimes sont plus facilement manipulés. Et un Liban sans démocratie serait certainement un non-Liban ». le pouvoir est responsable Qui en voulait à Marwan Hamadé au point d’attenter à sa vie ? « Je ne crois pas qu’on en voulait personnellement à Marwan Hamadé. On voulait donner le ton et l’exemple. Je suis heureux que l’attentat ait eu un effet boomerang. D’abord, grâce à Dieu, parce que je suis toujours là pour témoigner et poursuivre mon combat politique, mais aussi et surtout parce que les réactions à l’intérieur et à l’étranger ont constitué pour certains un véritable acte d’accusation. Je n’ai accusé nommément personne, mais je fais assumer au pouvoir tout entier la responsabilité et de l’attentat et de la lenteur de l’enquête. Bien sûr, je ne me fais aucune illusion : des personnalités bien plus illustres que moi et même des juges en plein tribunal ont été assassinés sans que personne n’agisse vraiment. Mais les faits sont là. Nous avons recueilli, grâce à des hommes de bonne volonté, des éléments qui me permettent sinon d’incriminer, du moins de jeter le doute sur le déroulement de l’enquête. Je suis reconnaissant au directeur de la Sûreté générale d’avoir utilisé mes propos pour rappeler à la magistrature quel devrait être son travail », indique-t-il. En d’autres termes, l’enquête sur l’attentat du 1er octobre aura le même sort que celle sur l’attentat qui a coûté la vie à Élie Hobeika, par exemple ? « Cela fait 25 ans que les attentats sont perpétrés. Il y a ceux dont on connaît les auteurs, mais personne n’ose en parler, ceux dont on connaît les auteurs et qu’il est bon d’accuser pour des raisons politiques, et il y a aussi dans ce vaste magma de grandes inconnues qui laissent perplexe », précise-t-il. Concernant les prochaines législatives, notamment le retard dans l’élaboration de la loi électorale, et l’éventualité de faire suivre le processus électoral par des observateurs internationaux – d’autant que le Liban est désormais sous surveillance internationale avec le rapport du secrétaire général de l’Onu sur la situation au Liban tous les six mois –, Marwan Hamadé indique : « Plus importante que toutes les déclarations est l’attitude des Libanais. Ils doivent aller aux urnes en mai prochain pour exprimer leurs véritables opinions politiques, sans se laisser aller à des compromissions pour services rendus ou se soumettre aux pressions. Le Liban ne supportera pas une nouvelle législature comme celle d’aujourd’hui. Avant les observateurs, et plus important, le tout va se jouer sur la loi électorale. Croyez-moi, le gouvernement Karamé est plus embarrassé que l’opposition, parce qu’en égrenant les formules, il découvre qu’il est perdant dans tous les cas de figure, sans échapper à l’accusation d’ingérences et de pressions. Le bourrage des urnes reste inconcevable au Liban, sauf si l’on veut créer une véritable révolte dans chaque ville et dans chaque village, surtout au Mont-Liban, à Beyrouth, et dans les chefs-lieux des mohafazats. » Et de conclure sur un message-clef : « L’important, à mon avis, est d’unifier l’opposition autour d’une plate-forme politique, économique et sociale sans bâtir des châteaux en Espagne. Il s’agit de sauver l’essentiel, les restes de ce qui reste de la dernière démocratie au Proche-Orient. À partir de là, nous pouvons tout refaire, tout rebâtir, sans exclusives intérieures et loin de tout divorce avec la Syrie. » Michel HAJJI GEORGIOU
Deux mois déjà ont passé depuis le lâche attentat qui a failli lui coûter la vie. Marwan Hamadé en garde certaines séquelles, certains stigmates. Preuve en est, quelques heures après avoir reçu L’Orient-Le Jour à son domicile beyrouthin, M. Hamadé devait être transporté à l’AUH pour subir une intervention chirurgicale à la suite d’un hématome sous-dural à la...