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Actualités - CHRONOLOGIE

Sakena Yacoobi: «La communauté internationale devrait tenir ses promesses en Afghanistan» (photo)

Directrice de l’Institut afghan d’apprentissage (AIL), une ONG entièrement gérée par des femmes et dont la mission est de dispenser l’éducation et les soins de santé à quelque 3500 femmes et enfants par an, forte d’un personnel de 480 employés, Sakena Yacoobi était la déléguée de l’Afghanistan à la réunion du WLP au Liban. Pour mener à bien la tâche, son ONG, qui travaillait clandestinement sous le règne des talibans, a ouvert plusieurs cliniques et quelque 18 centres d’éducation pour femmes sur le territoire afghan. Dans ces centres, des cours d’alphabétisation sont donnés, mais aussi des sessions de formation à des travaux manuels, en plus de cours d’anglais et d’informatique, auxquels il faut ajouter des ateliers de travail sur le leadership et les droits de l’homme. Interrogée sur la situation des femmes en Afghanistan deux ans après le départ des talibans, Mme Yacoobi répond: «La situation sous les talibans était extrêmement mauvaise, les femmes n’avaient le droit ni de se rendre au travail ni de s’éduquer. En ce temps-là, nous avons créé des écoles clandestines et avons offert une aide directe aux femmes. Mais heureusement, la situation a changé.» Aujourd’hui, l’ONG de Mme Yacoobi ne s’occupe pas seulement de la promotion des droits des femmes, mais aussi du développement de la société civile. «Les gens ont tellement soif de savoir et d’éducation que la demande dépasse de loin ce que nous pouvons offrir », raconte-t-elle. Mais la situation des femmes a-t-elle réellement évolué sur le terrain? Mme Yacoobi estime que, si un grand nombre d’entre elles continuent de porter la burka (qui leur était imposée auparavant par les talibans), c’est conformément à un choix personnel. «Les femmes ne se sentent toujours pas en sécurité, révèle-t-elle. Il existe encore de nombreux groupes qui s’opposent au gouvernement et à la tenue d’élections, et sont à l’origine de problèmes. » Elle ajoute sur un ton amer: «Il faut que la communauté internationale nous soutienne. Les Américains ont promis de nous aider.» L’ont-ils fait pratiquement? «Les promesses sur le plan social n’ont pas été tenues, confirme-t-elle. La reconstruction, la réhabilitation de l’infrastructure auraient dû être prises en charge par les États-Unis et d’autres pays qui s’étaient engagés à le faire.» Faut-il blâmer la guerre en Irak si l’attention a été détournée de la situation en Afghanistan? «En effet, cela met beaucoup d’Afghans en colère, confirme-t-elle. Une des raisons pour lesquelles la sécurité est si précaire dans notre pays, c’est la dégradation de la situation économique. Quand les gens sont privés de tout, la sécurité s’envole.» Mme Yacoobi dépeint un Afghanistan qui manque aujourd’hui cruellement de ressources humaines, ayant perdu pendant la guerre, en raison de l’émigration, une grande partie de ses citoyens éduqués . «La guerre nous a été imposée, mais nous y avons participé quand même, souligne-t-elle. Maintenant, nous avons besoin d’aide, surtout dans le domaine de l’éducation. Pour nos cinq millions d’élèves, seuls 60000 professeurs sont disponibles, et pas tous sont qualifiés. Nous n’avons pas de matériel, et beaucoup de bâtiments scolaires n’ont pas été reconstruits.» Points communs entre Afghanes et Libanaises Mme Yacoobi appelle toutes les femmes du monde à s’informer sur l’impasse dans laquelle se trouve la femme afghane afin de lui fournir aide et soutien. Comment peuvent-elles le faire pratiquement? «Les organisations féminines peuvent faire pression sur la communauté internationale pour qu’il y ait davantage de fonds consacrés à des projets dont bénéficient les femmes afghanes, dans une optique d’autonomisation de ces dernières, dont une grande partie sont des veuves devant subvenir aux besoins de familles nombreuses», dit-elle. Aussi difficiles que soient les conséquences économiques et sociales dont souffrent les femmes, les séquelles psychologiques laissées par cette parenthèse que fut le régime des talibans sont certainement les plus terribles. «Il est certain que les femmes afghanes ont besoin de beaucoup d’orientation, de confiance en soi, d’assistance sociale et juridique, d’éducation, soutient Mme Yacoobi. Les femmes continuent de se sentir menacées, elles n’ont pas dépassé les souffrances endurées sous le joug des talibans.» Elle-même se trouvait au Pakistan en ce temps-là, mais elle a fait sa propre résistance, organisant des cours clandestins pour les femmes et se rendant secrètement plusieurs fois dans son pays. Aujourd’hui, elle fait face à un nouvel ennemi: l’incompétence et la corruption au sein de l’État. Après avoir participé à la réunion du Women’s Learning Partnership qui s’est tenue au Liban, Mme Yacoobi va organiser des séminaires dans son pays pour convaincre les femmes qu’elles peuvent être des leaders. La militante afghane a constaté qu’il y a des points communs entre les femmes afghanes et libanaises. «Il y a des similitudes culturelles, surtout que les Libanaises ont connu la guerre, dont les séquelles restent visibles, souligne-t-elle. À travers de tels séminaires, nous pourrons apprendre à soigner nos blessures ensemble et partager nos expériences. Un tel réseau est pour nous un soutien précieux.»
Directrice de l’Institut afghan d’apprentissage (AIL), une ONG entièrement gérée par des femmes et dont la mission est de dispenser l’éducation et les soins de santé à quelque 3500 femmes et enfants par an, forte d’un personnel de 480 employés, Sakena Yacoobi était la déléguée de l’Afghanistan à la réunion du WLP au Liban. Pour mener à bien la tâche, son ONG,...