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Actualités - OPINION

Un bon point pour le gouvernement : son refus des échappatoires budgétaires

Omar Karamé est contre la loi du moindre effort. Il refuse l’expédient facile qui consisterait à virguler, à escamoter le budget, pour organiser dépenses et recettes au titre du douzième provisoire. Dès lors, le gouvernement présentera à la Chambre, dans les meilleurs délais, un projet de loi des finances pour l’exercice comptable de l’an prochain. Texte qui, faute de temps pour une élaboration nouvelle de fond en comble, s’inspire fortement de la mouture préparée naguère par Fouad Siniora. Qui, cependant, rappelons-le, ne l’avait pas présentée pour adoption au Conseil des ministres ni, a fortiori, au Parlement. Dès lors, le budget 2005 ne portera pas le nom de l’ancien ministre des Finances, qui en est pourtant l’auteur pour l’essentiel. Son successeur, Élias Saba, planche sérieusement sur le dossier, en multipliant les réunions avec les cadres concernés. Il se heurte en pratique à des difficultés issues de divergences de vues sur certains crédits. Et à des réticences de nature politique. Dans ce sens que certains membres du cabinet souhaitent que l’on se démarque le plus fortement possible de l’héritage haririen. À leur avis, Omar Karamé devrait apposer sa propre marque sur des questions aussi importantes, pour renforcer ses chances de se succéder à lui-même après les prochaines législatives. Il faut dire qu’Élias Saba lui-même comptait parmi les économistes qui avaient précédemment critiqué le projet Siniora. Mais le ministre actuel se trouve en quelque sorte piégé. Parce que le retard apporté par l’équipe Hariri sortante à la transmission du texte au Parlement prive le gouvernement de son droit de promulguer le budget par décret. Droit qui lui est réservé au cas où la Chambre elle-même ne voterait pas la loi avant l’expiration de la session d’automne. De cela il ressort que si Karamé veut tenir son engagement de faire adopter un budget plutôt que de gérer par douzième provisoire, il lui faut faire vite. Donc s’interdire de tout recommencer à zéro et se baser sur le projet Siniora. Cependant, il est un point important sur lequel des modifications vont sans doute être apportées. Il s’agit des dispositions relatives à des réformes aussi administratives que financières. Ou encore à des créneaux d’investissement. Or plusieurs spécialistes affirment que cette initiative de Siniora est contraire à l’esprit de la Constitution comme aux lois en vigueur. Pourquoi ? Parce qu’un budget établi pour un an ne peut pas déterminer une politique générale de l’État relevant de l’autorité du Conseil des ministres. Au mieux, il peut donner suite à une telle politique par des mesures conséquentes, mais certainement pas la précéder. Explications : ce n’est pas au ministre des Finances, via le budget, d’ordonner la suppression, par exemple, du Conseil du Sud ou de la Caisse des déplacés, décision que seul le Conseil des ministres peut prendre. Il en va de même pour les dépenses dites d’investissement. Partant de là, le ministre Saba estime qu’il faut détacher ce volet global du projet du budget. Pour l’inclure, éventuellement, dans une loi cadre, dite encore loi programme, à part. Cependant, les responsables en place soulignent volontiers que le projet Siniora offre beaucoup d’aspects positifs. Aussi, Omar Karamé se dit attaché à l’esprit de correction qui émane de cette conception, et il en a fait part à Saba en soulignant qu’on peut garder certaines réformes. Le chef du gouvernement a également prié le ministre d’accélérer le mouvement pour que la transmission à la Chambre se fasse avant la fin de l’année. Sur le plan pratique, Saba va maintenir le premier chapitre qui concerne les recettes et la compression des dépenses. Il compte donc, répétons-le, mettre de côté le deuxième chapitre relatif aux dépenses d’investissement, aux réformes financières ou autres, ainsi qu’au plan global de réduction du déficit et du paiement des intérêts sur la dette publique. En chiffres prévisionnels (jamais respectés en définitive dans la pratique), le gouvernement veut présenter un projet déficitaire de 20 % « seulement ». En initiant une stratégie d’austérité qui devrait être étalée sur plusieurs années pour porter ses fruits. En fait, selon les experts, le Liban pourrait atteindre le déficit budgétaire zéro dans quatre ans s’il s’engageait sérieusement dans une voie de réforme de fond multilatérale, administrative et politique, autant qu’économique et financière. Dans le droit fil, du reste, des recommandations de Paris II, qui n’ont pas du tout été suivies par le Liban. Cela, on le sait, notamment à cause des querelles entre les présidents Lahoud et Hariri, chacun accusant l’autre d’entraver la réforme. De leur côté, les organismes économiques attendent surtout du nouveau gouvernement qu’il insuffle un peu de confiance, élément vital dans leur domaine. Ils en espèrent une action vigoureuse d’apurement comptable incluant le passage à la trappe des caisses et conseils dispendieux, la fermeture des robinets, l’éradication de la corruption, du parasitisme, du clientélisme, du copartage, des indemnités royales et le recours aux compétences via des nominations administratives. Dans l’immédiat, l’attention se porte sur l’électricité, qu’il faudrait privatiser. Les organismes économiques savent, bien sûr, que le gouvernement n’a ni le temps ni les moyens de mener à bout, et à bien, un aussi vaste programme. Ils lui demandent cependant de mettre le train sur les rails, ce qui serait suffisant pour provoquer un choc salutaire et un début de rétablissement de l’indispensable confiance, des Libanais comme des investisseurs. Omar Karamé, écarté du pouvoir en 92 à la suite de la révolution des pneus provoquée par la flambée d’un dollar qui avait fait pointer la livre à 2 700, va-t-il réussir son pari économique, lui qui a aussi le test politique électoral à passer ? Il faut l’espérer pour le pays. En rappelant que le président Karamé bénéficie d’un soutien inconditionnel du président Bachar el-Assad. Qui, outrepassant les règles du protocole, a tenu à l’appeler au téléphone pour lui présenter ses vœux et l’encourager. Le chef du gouvernement a aussi, sur son prédécesseur, l’avantage de bien s’entendre avec le chef de l’État. Philippe ABI-AKL
Omar Karamé est contre la loi du moindre effort. Il refuse l’expédient facile qui consisterait à virguler, à escamoter le budget, pour organiser dépenses et recettes au titre du douzième provisoire. Dès lors, le gouvernement présentera à la Chambre, dans les meilleurs délais, un projet de loi des finances pour l’exercice comptable de l’an prochain. Texte qui, faute de...