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Actualités - CHRONOLOGIE

Éducation - Pour Philippe Meirieu, grande pointure internationale de la pédagogie, « Enseigner, c’est décider » Communiquer à l’enfant des valeurs pour lui permettre de « faire société »

Philippe Meirieu a fait salle comble, vendredi, à la salle de conférence de la faculté des lettres et des sciences humaines de l’USJ. Et pour cause, ce pédagogue français, professeur des universités en sciences de l’éducation, et directeur de l’Institut universitaire de formation des maîtres de l’Académie de Lyon, n’hésite pas à soulever de grandes questions. Quitte à évoquer des sujets tabous, à écorcher quelque peu le rôle du maître tout puissant, la réputation de l’école qui pratique la sélection. Quitte aussi à mettre en valeur l’ennui ressenti par l’élève, et à dénoncer l’élimination du maillon faible ou de celui qui est différent. Philippe Meirieu, grande pointure internationale dans le monde de la pédagogie, titulaire de nombreux titres et distinctions en France et en Belgique, et auteur de nombreux ouvrages, dont les derniers en date, Le monde n’est pas un jouet, et Faire l’école, faire la classe, a aussi cette capacité de communiquer, de transmettre ses idées, de faire réfléchir surtout, enseignants et pédagogues. La conférence qu’il a donnée, « Enseigner, c’est décider », dont nous publions ci-dessous le résumé, attire l’attention sur les nombreuses décisions que doit quotidiennement prendre le maître dans sa classe. Décisions qui ne doivent pas perdre de vue la nécessité de communiquer à l’élève des valeurs qui lui permettront, plus tard, de faire société. On considère généralement qu’un « bon enseignant » est quelqu’un qui sait bien « faire la classe ». Or si cela reste, bien évidemment, absolument nécessaire, il apparaît aujourd’hui que, pour enseigner, il faut aussi, et simultanément, « faire l’école ». Car l’école n’est pas la famille et l’on ne s’y réunit pas comme dans un groupe d’amis. L’école ne préexiste pas et il faut l’instituer dans l’acte même d’enseigner : identifier et mettre en œuvre ses principes, organiser le travail quotidien conformément aux valeurs qui la fondent. Ainsi, par exemple, l’école n’est pas seulement un service offert aux familles, mais une institution qui s’efforce de promouvoir tout ce qui libère et unit les hommes. Elle est un lieu où la recherche sereine de la vérité doit l’emporter sur les rapports de force, où la confrontation des points de vue doit pouvoir se faire sans que personne ne soit écarté ou humilié. Elle est un espace où l’objectif n’est pas d’éliminer « le maillon faible », mais bien de travailler à la réussite de tous, où l’enrichissement par les différences doit prévaloir sur les rivalités de toutes sortes. Plus encore : l’école est un cadre où il est plus important de « comprendre » que de « réussir », où l’essentiel est ce qui fait grandir l’enfant, même si cela n’est pas toujours facilement observable. À l’école, on peut – on doit même – se tromper car cela permet d’analyser son erreur et de progresser... Toutes ces exigences ne vont pas de soi et, à bien des égards, elles sont même à contre-courant par rapport aux pressions sociales. C’est pourquoi il est si important de bien identifier les fondamentaux du métier d’enseignant, afin de permettre à chaque maître de se diriger et de diriger les enfants vers une citoyenneté responsable. Pour cela, il faut que l’instituteur et le professeur soient instruits eux-mêmes des enjeux fondamentaux de la pédagogie, qu’ils comprennent les grandes tensions qui la traversent, qu’ils sachent prendre les bonnes décisions au bon moment. Il faut sortir des oppositions faciles entre un « programme imposé » et « la prise en compte des intérêts des élèves », entre une discipline trop rigide et une liberté réduite à l’expression des caprices, entre une imposition arbitraire des savoirs et le culte de la spontanéité, entre l’imposition de normes et le respect absolu des différences... Il faut apprendre à piloter son enseignement en prenant, au bon moment, les décisions qui permettent à l’élève d’apprendre et de grandir, de s’émanciper et d’accéder à l’universel, de se sentir plus assuré dans sa personnalité et plus solidaire à la fois. Ainsi, les enseignants doivent-ils disposer de repères clairs. Car ce ne sont pas les théories qu’ils profèrent qui sont importantes, mais leurs moindres gestes, au quotidien. Pour un enseignant, tout fait sens : la manière d’organiser l’espace et le temps, de donner les consignes, d’utiliser les livres et les outils pédagogiques, de composer les groupes, de vérifier le travail, de sanctionner les indisciplines, etc. C’est tout cela qui fait « tenir » l’école, qui fait qu’on y vient apprendre à lire, écrire, compter, parler, comprendre le monde et le transformer... mais aussi y apprendre l’exigence et la rigueur, la droiture et la probité, la solidarité enfin. « Faire l’école » n’est donc rien moins que travailler à la construction de la « maison commune », une maison où les enfants ne font pas que passer mais acquièrent les valeurs qui leur permettront, plus tard, de « faire société ».
Philippe Meirieu a fait salle comble, vendredi, à la salle de conférence de la faculté des lettres et des sciences humaines de l’USJ. Et pour cause, ce pédagogue français, professeur des universités en sciences de l’éducation, et directeur de l’Institut universitaire de formation des maîtres de l’Académie de Lyon, n’hésite pas à soulever de grandes questions....