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Actualités - RENCONTRE

RENCONTRE - Meilleur prix du spectacle pour 2004, au Caire Siham Nasser: «Mon théâtre est celui des images et non du texte…» (Photo)

Lunettes noires, cheveux en bataille, bracelets et boucles d’oreille en argent, cigarette aux doigts, la mine fatiguée par les harassants combats de la vie et d’une carrière difficile, mais heureuse d’avoir obtenu (pour la deuxième fois) le prestigieux prix du meilleur spectacle au Festival international pour le théâtre expérimental au Caire. Nul n’est prophète en son pays, ça on le sait, et surtout un pays comme le nôtre où l’on apprécie tant la culture!... Souriez, nous sommes tous dans la même triste tranchée. Retour triomphal donc pour Siham Nasser des rives du Nil, où sa pièce Kellon Hon (tous sont là) vient de remporter un vif succès. Réaction des Égyptiens vis-à-vis de ce théâtre importé du pays du Cèdre (à titre privé, cela va sans dire, l’État brillant par son auguste absence): «Le public a aimé le langage dans cette œuvre, dit Siham Nasser en avalant son café, et surtout notre liberté d’esprit et de création… C’est une écriture collective qui tourne le dos à l’esthétique facile…» Petite présentation d’une femme de théâtre qui aime passionnément et immodérément le monde des planches. Une vie entière vouée à la cause d’artiste avec tous les aléas et impondérables d’un univers de spectacles où, hélas, chez nous, personne ne vous tend la main pas plus qu’il ne fait de cadeaux! Lutte solitaire mais édifiante de Siham Nasser, qui affectionne les créations intellectuelles à spectres multiples (musique, dessins, gestuelles), où divertissement n’exclut guère sérieux et réflexion. Un parcours turbulent et riche Historique d’un parcours turbulent et riche en rebondissements. Et surtout jalonné d’étapes qui ont retenu l’attention du public et de la presse. D’abord des études de littérature anglaise à l’Université libanaise, ensuite d’art dramatique aux beaux-arts (toujours à l’UL) et, enfin, diplôme supérieur de mise en scène à Washington. Premier coup d’éclat en 1975 avec un premier lever de rideau qui avait pour titre Ascension et mort de Khowakim Morietta, d’après des textes de Pablo Neruda. Actrice ou metteur en scène? Le dilemme s’est posé pour donner raison et droit de cité au metteur en scène, car «je suis plutôt idéaliste», confie-t-elle. Entre-temps, on évoque Siham Nasser travaillant avec Ziad Rahbani, Seta Manoukian et Nidal al-Achkar, notamment dans la production d’Antigone d’après une adaptation de Paul Chaoul. Et puis se sont succédé créations et mises en scène. Depuis Mon fils raison (texte de Fayçal Farhat) à No Exit (métissage de Duras et de Sartre), en passant par Al-Jayb el-Sirri (La poche secrète, œuvre inspirée de L’escargot entêté de Rachid Boujedra et justement prix du meilleur spectacle au Caire en 1992), Rchacha Tayssé, Médéa (mélange d’Anouilh, d’Euripide et du metteur en scène, avec un certificat de reconnaissance au Festival de Carthage), Al-Jidar (cocktails des romans et pièces de théâtre de Samuel Beckett) et L’autre côté du crime et châtiment de Dostoïevsky (avec obtention du meilleur acteur à Nagib Zeitoun en 1998 à Carthage), l’œuvre prolifique et protéiforme du théâtre de Siham Nasser n’a rien à voir avec les convenances scéniques sclérosées et vieillottes. Anticonventionnel et audacieux, ce théâtre n’en parle pas moins des tourmentes, angoisses et problèmes modernes sociaux et universels. Ce qui nous ramène à sa dernière création, donnée il y a quelques jours à l’Estral (eh oui, le Théâtre de Beyrouth et celui du Madina ont fermé leurs portes!). Kellon Hon est une pièce inspirée de plus d’un texte de Beckett. Avec ses six personnages, elle explore surtout la solitude de l’individu et le manque de communication. «Il y a beaucoup de bruit là, dit Siham Nasser en riant un peu, quoique Beckett soit réputé pour son monde froid et silencieux…» Que représente le théâtre pour Siham Nasser? «C’est la partie essentielle de ma vie… C’est ma relation avec le passé… le monde…» Son dramaturge favori? Kantor le Polonais, Shakespeare, Euripide et la liste pourrait être longue. Et quelles sont les caractéristiques des mises en scène de Siham Nasser? «L’audace du langage, dit-elle, avec la possibilité de faire toujours mieux sans payer beaucoup d’argent…» Serait-ce le théâtre du pauvre? «Sans nul doute, répond-elle, mais un théâtre du pauvre qui s’exporte à l’étranger et qui gagne un prix…» Et que vous a apporté ce prix? «Outre les multiples tracas pour arriver à destination, il m’a apporté la tension… Le travail avec l’équipe est toujours difficile et il faut toujours se battre financièrement car, comme je viens de le dire, ici personne ne nous soutient, nous gens du théâtre… C’est un miracle et un effet de la providence que nos productions triomphent de tant d’amères difficultés… De toute façon, je vais dire dorénavant qu’il s’agit là de l’Atelier Siham Nasser. C’est un cadeau que je m’offre, car travailler sans maison ni local relève de la gageure.» Infatigable, d’un optimisme à toute épreuve, dévorée par sa passion de la flaque de lumière, Siham Nasser a déjà la tête ailleurs… pour un nouveau spectacle. Elle a oublié les tracas, la tension… Elle rêve à nouveau de théâtre, pour mieux agir. C’est une simple idée… elle n’en dira pas plus. Edgar DAVIDIAN
Lunettes noires, cheveux en bataille, bracelets et boucles d’oreille en argent, cigarette aux doigts, la mine fatiguée par les harassants combats de la vie et d’une carrière difficile, mais heureuse d’avoir obtenu (pour la deuxième fois) le prestigieux prix du meilleur spectacle au Festival international pour le théâtre expérimental au Caire. Nul n’est prophète en son...