Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

Fin et suite

Triomphalement réélu, George W. Bush a retrouvé aussitôt toute sa belle assurance. Et même un peu plus, faut-il croire : au plan interne, le voilà en effet qui sollicite généreusement la coopération de ses adversaires démocrates, mais sans pour autant remettre en cause son très conservateur programme politique et social. Et dans le même temps, le président des États-Unis appelle le monde entier à le soutenir dans le thème dominant de son action future, la lutte contre le terrorisme, quelles que soient les réserves suscitées par son équipée irakienne. Voilà ce qui s’appelle avoir de la suite dans les idées. Et pourtant, c’est précisément d’idées nouvelles qu’a besoin le monde, confronté aujourd’hui à quatre nouvelles années d’un empire bushien qui se succède à lui-même. Il ne faut pas rêver, disent les sceptiques : nanti d’ un nombre record de suffrages, assuré d’une majorité républicaine encore plus consistante au Congrès, le président américain est plus que jamais convaincu de la justesse – mais aussi de la popularité – de ses options ; pourquoi, dès lors, en changerait-il ? D’autres croient cependant que George W. Bush, libéré désormais de tout souci électoral, pourrait prendre un nouveau départ sur tous les dossiers chauds encombrant son bureau. Ce débat proprement planétaire était particulièrement perceptible hier au sommet européen de Bruxelles. On y a vu Jacques Chirac lancer le slogan « À Amérique forte, Europe forte », mais aussi Tony Blair plaider pour le réalisme face à la réalité nouvelle ; pour les Allemands de même, l’Europe se trouve désormais contrainte d’améliorer ses rapports avec Washington plutôt que de bouder dans son coin. Tous cependant se sont associés dans le même espoir, convoyé avec les congratulations d’usage, que cette réélection permettra de surmonter les divisions sur l’Irak et de relancer le processus de paix au Proche-Orient. Car la donne vient incontestablement de changer : non seulement Bush revient en force, mais le verrou Arafat a sauté, tout cela à la veille d’un retrait israélien de la bande de Gaza dont on ne sait encore s’il faut attendre le meilleur ou le pire. * Étrange destin en tout cas que celui de cet Abou Ammar qui a passé, bien forcé, l’essentiel de sa vie hors de sa Palestine natale, mais qui a fini par y retourner dans la foulée de l’accord d’Oslo. Qui y a alterné laborieuses négociations et sanglantes épreuves de force avant d’être longuement séquestré dans son QG de Ramallah d’où il n’a été tiré que pour aller agoniser dans un hôpital parisien. Depuis des mois, Arafat était un mort vivant, et pas seulement parce qu’il était privé d’air pur et de nourriture saine : condamné par Sharon qui menaçait même de le liquider physiquement, le leader palestinien, que Clinton recevait à bras ouverts naguère à la Maison-Blanche, était irrévocablement disqualifié aussi par Bush. Frappé d’ostracisme, abandonné même par un monde arabe en pleine déliquescence, l’homme cliniquement mort qu’est aujourd’hui Yasser Arafat n’était guère pour autant un mort politique : et cela pour la simple raison qu’en dépit de ses faiblesses et erreurs, malgré son autoritarisme et la corruption éclaboussant son entourage, il continuait – et continuera probablement – d’incarner les souffrances, frustrations et espérances de son peuple. Ce sont bien les démunis qui, le plus, ont besoin de symboles. Durant son aventureuse carrière, le chef historique des Palestiniens a commis bien des erreurs. Entre autres et tenaces rancunes arabes, de nombreux Libanais ne lui pardonnent guère d’avoir fortement contribué à l’éclatement de leur pays. À ce légendaire trompe-la-mort, on pourrait reprocher aussi d’avoir manqué du singulier courage que requéraient certaines douloureuses décisions : « Colossale erreur », écrit ainsi Bill Clinton dans ses Mémoires à propos de ces 91 % des territoires occupés en 1967 qui lui étaient proposés en vain à Camp David. Mais sans doute aussi, Arafat a-t-il omis de mettre en place une culture politique et démocratique résolument conforme à son option de paix. Qui chaussera ses bottes, cette seule question suffit à le montrer. * Cela n’a rien à voir, mais dans ce Golfe qui excite toutes les convoitises, vient de disparaître un personnage véritablement d’exception. Cheikh Zayed ben Sultan al-Nahyane n’a pas fréquenté dans sa jeunesse Oxford, Cambridge ou Harvard. C’est en douceur, et avec la bénédiction des tribus, que celui qui allait devenir un des sages les plus écoutés du monde arabe déposait en 1966 son frère aîné, l’incroyable Chakhbout : lequel entassait billets de banque et titres financiers sous son matelas – où ils faisaient les délices des rats – car il n’avait nulle confiance dans les banques. D’Abou-Dhabi, Zayed a fait un vert paradis, gratifiant ses sujets d’un des revenus par tête d’habitant les plus élevés du monde. Il en a fait surtout le noyau central de l’État des Émirats arabes unis, unique expérience fédérale réussie dans le monde arabe, regroupant sept principautés naguère peuplées de bergers, de pêcheurs de perles et de pirates, et qui n’ont pas toutes été favorisées par le dieu pétrole. C’est son fils qui lui succède : toujours en douceur, même s’il a été question de tiraillements avec certains de ses frères. De même a-t-on pu se demander jusqu’à quand la famille régnante de Dubaï, phénoménal centre d’affaires, continuera de se contenter du second rôle. De sa fabuleuse fortune, l’émir défunt a fait bon usage, certes. Mais d’avoir le ventre plein suffit-il à rendre superflue la démocratie ? Et la continuité réside-t-elle absolument dans la loi dynastique, comme on le croit jusque dans les très militantes et « progressistes » républiques arabes ? Que l’environnement soit d’opulence ou de misère, l’interrogation reste la même. Et elle devra bien avoir, elle aussi, une suite. Issa GORAIEB
Triomphalement réélu, George W. Bush a retrouvé aussitôt toute sa belle assurance. Et même un peu plus, faut-il croire : au plan interne, le voilà en effet qui sollicite généreusement la coopération de ses adversaires démocrates, mais sans pour autant remettre en cause son très conservateur programme politique et social. Et dans le même temps, le président des États-Unis...