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Actualités - CHRONOLOGIE

Universités - Première journée du nouveau colloque du Cedroma à Huvelin La responsabilité politique passée au crible de grands constitutionnalistes

Si les évènements organisés par le Centre d’études des droits du monde arabe (Cedroma) de la faculté de droit de l’USJ sont devenus un rendez-vous semestriel pour les juristes libanais et arabes, le nouveau colloque inauguré hier à la rue Huvelin semble particulièrement intéressant. En effet, le thème choisi, « La responsabilité en droit public : aspects contemporains », comporte une dimension politique indéniable, qui fait que les interventions, qui se dérouleront sur deux jours, dépasseront le cadre juridique traditionnel pour embrasser les disciplines les plus diverses. Ainsi, de la fragile immunité des dirigeants politiques à la responsabilité dans le droit international public, en passant par celle des autorités administratives, plusieurs sommités du droit public sont venues scruter la notion de responsabilité qui, une fois touchant à la chose publique, revêt un caractère spécialement grave. Le directeur du Cedroma, le professeur Antoine Khair, a d’abord pris la parole en présence de l’ancien ministre de la Justice, Bahige Tabbarah, de l’ambassadeur de France, Philippe Lecourtier, du bâtonnier Sélim Osta, du président du Conseil d’État, Ghaleb Ghanem, ainsi que d’un grand nombre de juristes, professeurs et étudiants. M. Khair a posé les nombreuses questions auxquelles ce colloque est supposé répondre, avant de laisser la place au doyen Fayez Hajj-Chahine, qui a exploré les intérêts de la distinction entre la responsabilité en droit public et en droit privé, ainsi que ceux du droit comparé. Enfin, la séance d’inauguration s’est clôturée avec un mot du recteur de l’USJ, le père René Chamussy, qui a rapidement étudié, non pas le concept de responsabilité, mais les responsables eux-mêmes, évoquant une catégorie d’entre eux « qui surgit dans les sociétés sans foi ni loi encore existantes : il s’agit de ceux qui font tout ou beaucoup, et qui ne se posent jamais en coupables ou responsables de quoi que ce soit ». « On les appelle ici les “fantômes” », a-t-il ajouté, avant de conclure : « Je pense qu’une telle typologie devrait nous permettre de qualifier nos sociétés en allant des plus démocratiques aux plus totalitaires, et nous saurions bien, quant à nous, ici, au Liban, où nous situer. » Le premier volet du colloque a été consacré au droit constitutionnel, notamment à travers la notion de responsabilité politique envisagée dans toutes ses implications. Le concept même de cette responsabilité a fait l’objet d’une intervention de Lara Karam Boustany, chargée de cours à l’USJ, qui a évoqué la crise de la notion, une crise due au fait que « les gouvernants essayent systématiquement de se dérober de la responsabilité politique qui pèse sur eux, soit en la neutralisant par le biais de connivences, soit en faisant porter par leurs subalternes le poids de leurs propres erreurs ». Parcourant les différentes pensées qui ont prôné la non-responsabilté du gouvernant, Mme Karam Boustany a cependant écarté cette vision des choses pour aborder une responsabilité politique bel et bien existante mais en crise, perdue entre deux acceptions. D’abord la responsabilté sanctionnant une faute du gouvernant, « la rupture du contrat de confiance entre le Parlement et le gouvernement », ensuite la responsabilité qui met ce dirigeant face à un système de contrôle continu. Deux visions qui ne sont pas nécessairement antinomiques. C’est alors que les implications pratiques de la responsabilité politique, notamment au niveau de la responsabilité des députés et des minitres, a été abordée à travers les interventions des constitutionnalistes Jean Gicquel et Philippe Ardant. M. Gicquel a expliqué à l’assistance que le député, malgré son immunité, reste responsable, même s’il s’agit d’une responsabilité résiduelle, aussi bien civilement, disciplinairement que pénalement. Mais une différence majeure oppose ici le droit français, qui ne couvre le parlementaire de l’immunité que pour les actes commis dans le cadre de l’enceinte parlementaire, alors que le droit libanais étend cette immunité à tous les actes du député. Quant à la responsabilité du gouvernement en France, M. Ardant a estimé que « les procédures de mise en cause de la responsabilité du gouvernement ne servent absolument pas à le placer sous le contrôle de l’Assemblée nationale ». « La responsabilité politique au sens classique a disparu », a-t-il ajouté. Contestant l’idée de la responsabilité du Premier ministre et du gouvernement devant le président, M. Ardant a conclu : « C’est le désaveu du corps électoral qui constitue le véritable exercice de la responsabilité politique, et donc de la démocratie. » Antoine Khair et Jean Salem Au Liban, M. Khair a indiqué que dès 1926, a pris place un régime parlementaire « où le gouvernement se trouvait être responsable politiquement devant la Chambre de députés ». Évoquant la rupture de Taëf, mais aussi un confessionnalisme politique toujours présent, il demande : « Comment, dans ces conditions, lorsqu’un gouvernement doit être obligatoirement formé de tant de maronites, tant de sunnites, de grecs-orthodoxes... parler des principes classiques de la responsabilité politique ? » Citant Hamid Frangié, qui avait déclaré en 1956 que « nos gouvernements sont des parlements en miniature », M. Khair a condamné la rupture, après Taëf, de l’équilibre entre les pouvoirs au profit d’une Chambre « dont le président s’oppose systématiquement, et sans le moindre argument, à l’octroi au gouvernement de pouvoirs exceptionnels ». À tout cela s’ajoutent « des interférences extérieures faussant le jeu, non seulement de la responsabilité politique, mais de beaucoup d’autres choses... » Et c’est à Jean Salem, professeur à la faculté de droit, que revient l’étude historique et juridique de la responsabilité du chef de l’État. Doublée d’une dimension philosophique liée à la notion de légitimité, l’intervention du professeur Salem foisonne de références historiques, politiques et culturelles, et évoque une multitude de dates, de personnages et d’événements. Au terme de son exposé, Jean Salem rappelle que la question de la responsabilité des chefs d’État « est de celles qui, au-delà de sa prise en charge par le droit, au-delà même de la praxis politique, met en œuvre, enraciné dans un contexte historique déterminé, un ordre de valeurs, l’ensemble d’un système éthique et culturel ». Et en guise d’application pratique de cette responsabilité du chef de l’État, Pierre Avril, professeur émérite à Paris II, a exposé le projet français sur la responsabilté du président de la République. Un projet à la rédaction duquel il a participé et qui devrait mettre un terme à l’incertitude entourant actuellement la responsabilité du président français, qui a été mise en cause dans plusieurs affaires depuis quelques années. Une seconde séance, consacrée au droit comparé, a permis à Jean-Pierre Machelon, professeur à Paris V, de dénoncer le peu d’efficacité de la notion de responsabilité politique dans les démocraties contemporaines, alors que les interventions suivantes ont exploré l’état de cette responsabilité en Italie, au Maghreb et en Égypte. Samer GHAMROUN
Si les évènements organisés par le Centre d’études des droits du monde arabe (Cedroma) de la faculté de droit de l’USJ sont devenus un rendez-vous semestriel pour les juristes libanais et arabes, le nouveau colloque inauguré hier à la rue Huvelin semble particulièrement intéressant. En effet, le thème choisi, « La responsabilité en droit public : aspects contemporains...