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Actualités - RENCONTRE

RENCONTRE - Ce soir, au Biel, conférence à 19h et signature au stand de la librairie Le Point à 20h Dominique Lecourt, un philosophe ouvert à la science (Photo)

Ancien recteur d’Académie et directeur du CNED (conseil national d’études à distance), Dominique Lecourt est professeur de philosophie et directeur du Centre Georges Canguilhem à l’Université Paris 7, président du Comité d’éthique de l’Institut de recherche pour le développement (IRD), délégué général de la fondation Biovision (qui est au progrès biotechnologique ce que le forum de Davos est à l’économie) de l’Académie des sciences et président du conseil de surveillance des presses universitaires de France (PUF). Auteur de plus d’une vingtaine d’ouvrages, réédités et traduits en une dizaine de langues, il a notamment dirigé, aux PUF, le Dictionnaire d’histoire et philosophie des sciences (couronné par l’Institut de France) et, très récemment, le Dictionnaire de la pensée médicale. Tout au long de sa carrière, le Pr Lecourt a accumulé les titres et les honneurs sans pour autant arrêter de réfléchir sur des sujets divers et surtout de produire. Et, pour échapper à ce qu’il y a de terne et de dur dans la vie quotidienne, cet érudit aime écouter Schubert. Rencontre. Homme de science ? Philosophe ? Pédagogue ? Penseur ou humaniste ? Comment se définit cet homme calme, modeste, à l’abord simple, à l’écoute de l’autre et pour qui « la science demeure avant tout une œuvre humaine faite par les hommes pour les hommes » ? « J’essaye d’expliquer qu’on ne peut pas faire de la philosophie sans tenir compte de l’avancée des connaissances du monde scientifique. Surtout aujourd’hui, par l’application qu’elles ont, elles bousculent un certain nombre de conceptions que nous avons de la vie en société, de la vie humaine : du clonage par exemple, du problème écologique, du rechauffement du climat... » explique Dominique Lecourt qui se déclare tout simplement « philosophe ». Allez savoir pourquoi alors un philosophe s’inquiète de la pensée médicale allant jusqu’à diriger un dictionnaire consacré à cette dernière : « La médecine n’est pas une simple technique comme elle est souvent enseignée aujourd’hui. Si les machines font merveille, la médecine, elle, plonge ses racines dans une pensée qui est aussi celle du corps humain, du rapport entre le normal et le pathologique ; une pensée qui touche toute la société. Ne part-elle pas toujours de la détresse d’une personne souffrante... » « Aujourd’hui, on a isolé la maladie du malade, insiste ce chercheur, et on a oublié un peu ce dernier. » Et le professeur Lecourt d’insister sur « la dimension des différentes cultures dans la médecine, notion souvent niée de façon arrogante par la médecine occidentale ». C’est justement dans cet esprit que se situe l’apport d’un Libanais, le Pr Antoine Courban, à ce Dictionnaire de la pensée médicale. Il s’agit, pour Dominique Lecourt, de la profondeur historique des enracinements de cette médecine qui apparaissent, notamment, à travers l’article sur la médecine arabe rédigé par Courban. « Surmonter la peur » Quid de l’humanisme classique donné pour mort de nos jours ? Dominique Lecourt considère « qu’il faut garder l’essentiel de cet humanisme et le développer pour qu’il soit à la hauteur de notre temps. Or, il se développe actuellement, et malheureusement, des pratiques et des discours inquiétants qui sont antihumanistes ou inhumanistes. Il est temps de ne pas se laisser dominer par l’esprit de guerre, de vengeance, de jalousie, d’envie, d’appétit féroce pour l’argent... », Lecourt souligne que « l’humanisme classique permet de prendre de la distance par rapport à ces “passions tristes”, comme disait Spinoza, c’est-à-dire la peur, la haine... » Est-ce pour cela qu’il faut « surmonter la peur », un thème sur lequel revient souvent Lecourt dans ses différents écrits. Explication : « Toutes les peurs immémoriales de l’hunanité n’ont jamais été un facteur de créativité, elles recroquevillent l’homme sur lui-même. Et puis il y a le nouveau type de peur apparu depuis quelques années, celui de la science et de ses réalisations qui diabolisent la raison humaine elle-même. Qu’il y ait des inquiétudes sur certaines techniques (clonage) ou réalisations (OGM), c’est un fait. Le problème est de les utiliser pour le bien de tous. La raison humaine ne se révèle pas soudain diabolique, mais c’est l’utilisation de moyens de plus en plus puissants qui demandent à être de plus en plus contrôlés. Là se pose une question philosophique, morale, éthique et même politique, qui est l’encadrement de techniques de plus en plus puissantes. Il ne s’agit nullement d’un problème métaphysique qui révélerait le caractère nocif de la science et de la raison humaine », insiste ce penseur. Comment le philosophe voit-il l’évolution des sciences humaines ? « Après les périodes très flamboyantes des années 60 qui ont été marquées par les grandes œuvres comme celles de Lévy Strauss ou Michel de Foucault, on a connu une sorte de repli. Aujourd’hui, elles essayent de se rapprocher des sciences dites pures pour retrouver des motifs de recherche. Nous sommes dans une étape où les sciences humaines vont reprendre leur essort. » Maria CHAKHTOURA
Ancien recteur d’Académie et directeur du CNED (conseil national d’études à distance), Dominique Lecourt est professeur de philosophie et directeur du Centre Georges Canguilhem à l’Université Paris 7, président du Comité d’éthique de l’Institut de recherche pour le développement (IRD), délégué général de la fondation Biovision (qui est au progrès biotechnologique ce que...