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Majdel Anjar - Des milliers de personnes ont assisté aux funérailles d’Ismaïl Khatib Les dignitaires religieux sunnites accusent l’État de torturer les prisonniers (photo)

Les funérailles d’Ismaïl Khatib ont été l’occasion de prises de position politiques enflammées. Maintenant que le risque de dérapage sur le terrain a été circonscrit, place aux enjeux de politique interne, chaque partie essayant d’utiliser cette triste affaire selon ses propres intérêts. Et, plongée dans sa douleur, la foule se fait l’écho de ces subtilités, sans même s’en rendre compte, uniquement consciente du fait qu’un de ses fils est mort en prison, accusé de terrorisme, alors que pour elle, il n’est qu’un « musulman croyant », comme d’ailleurs la majorité des habitants de Majdel Anjar. La classe politique a vite oublié le fait qu’à quelques kilomètres de la frontière syrienne, un village et sans doute d’autres abritent peut-être des noyaux islamistes et que la limite entre l’islamisme croyant et le fondamentalisme reste très floue, pour se lancer dans des polémiques, qui tombent à point nommé à la veille de la formation d’un nouveau gouvernement... « On ne veut pas que le Liban ait un visage arabe » Ces considérations bien terre à terre ne concernent pas directement les habitants de Majdel Anjar qui restent convaincus qu’Ismaïl Khatib est mort des suites de sévices subis et qui réclament maintenant la libération des autres détenus, désormais déférés devant le parquet militaire, avant d’être jugés. Les différents orateurs, notamment le mufti de la Békaa, Khalil Meiss, et l’imam du village, cheikh Mohammed Abdel Rahmane, ont insisté sur le refus de recevoir les condoléances des représentants de l’État, et plus particulièrement des députés de la région. D’ailleurs, lorsque, dans une tentative de calmer le jeu, l’imam a déclaré « Nous avons confiance dans la justice libanaise », il a été tellement hué qu’il a dû se rétracter, changeant de registre : « La justice libanaise n’a dévoilé aucune affaire qui intéresse réellement les citoyens. » Tout cela donne une idée de l’atmopshère qui régnait, hier, à Majdel Anjar. Si la population semble avoir compris les limites de son action de protestation, elle a tenu à montrer qu’elle n’était pas dupe et le mufti Meiss a carrément accusé les enquêteurs d’avoir éteint des cigarettes sur « le visage arabe » d’Ismaïl Khatib, « parce qu’on ne veut justement pas que le Liban ait un visage arabe ». Il a occulté totalement le côté islamique, avant de conseiller aux députés de la région de ne pas se présenter à Majdel Anjar (qui reste un vivier électoral) s’ils ne comptent pas assumer leurs responsabilités et dire pourquoi Ismaïl Khatib est mort. Le mufti ne s’est pas privé de faire des déclarations politiques, rendant hommage aux positions de Walid Joumblatt et appelant le reste de la classe politique à suivre son exemple. La réapparition d’Ahmed Khatib Cheikh Maher Hammoud, du Rassemblement des ulémas, a catégoriquement affirmé qu’Ismaïl est mort sous la torture, s’en prenant vivement à l’État et à ses institutions. Quant à Maan Bachour, reponsable des Ligues populaires, il a surtout défendu l’engagement d’Ismaïl Khatib contre la présence américaine en Irak, considérant cet engagement comme un honneur et non un crime. Les milliers de personnes qui ont participé aux funérailles n’ont pas vraiment écouté les discours, se contentant de slogans hostiles à l’État et exigeant la démission du ministre de l’Intérieur Élias Murr accusé de « servir ses maîtres américains », ainsi que la libération des quatre détenus originaires du village, encore arrêtés dans le cadre de la même affaire. À ces funérailles, une présence a été particulièrement remarquée, celle d’Ahmed Khatib, officier dissident qui avait formé dans les années 75 et 76 « l’Armée du Liban arabe », qui avait activement participé à la guerre interne, donnant le signal de l’effrittement de l’armée. Après avoir eu son « heure de gloire », Ahmed Khatib est retombé dans l’oubli, installé dans un village de la Békaa et n’ayant officiellement aucune activité publique. Sa réapparition parmi le cortège funèbre a réveillé de nombreux mauvais souvenirs, mais finalement, n’était la peine réelle de la famille et des proches du défunt, toute cette cérémonie semblait sortie d’un mauvais film des années noires, lorsque le Liban était retranché derrière ses barricades et que le seul langage était celui de la haine. Si sur le terrain l’action est terminée, les plaies seront longues à panser et dans ce climat explosif, que pourra faire la justice, sinon chercher à gagner du temps, comme elle le fait depuis des années avec le procès des événements de Denniyé, qui traîne depuis plus de trois ans ? D’ailleurs, selon certaines informations, à la prison de Roumié, où les détenus de Denniyé sont incarcérés, la crainte est grande de voir éclater une émeute que provoqueraient ces détenus pour venger leur compagnon mort en prison. Laisser les habitants de Majdel Anjar exprimer leur colère et leur révolte dans l’enceinte de leur village suffira-t-il à calmer le vent d’islamisme qui semble menacer le Liban ?
Les funérailles d’Ismaïl Khatib ont été l’occasion de prises de position politiques enflammées. Maintenant que le risque de dérapage sur le terrain a été circonscrit, place aux enjeux de politique interne, chaque partie essayant d’utiliser cette triste affaire selon ses propres intérêts. Et, plongée dans sa douleur, la foule se fait l’écho de ces subtilités, sans...