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Actualités - OPINION

perspective Les Libanais appelés à repenser leurs rapports internes et leurs relations avec Damas Admettre les réalités nouvelles en abandonnant les pratiques du passé

«J’espère que c’est le début d’un retrait (de l’armée syrienne du Liban), mais je ne saurais être optimiste à ce sujet. Nous avons assisté à de telles réductions des effectifs des forces syriennes au cours des dernières années. Mais je ne peux pas affirmer que nous sommes sur la voie d’un retrait total ou que cela permettra au Liban d’être gouverné par le peuple libanais, sans la présence d’une armée d’occupation syrienne » (…) Ces propos ont été tenus par le secrétaire d’État Colin Powell le 13 mars 2003 – soit avant le début de la guerre en Irak – lors d’une réunion tenue par une sous-commission de la Chambre des représentants. Les observateurs avaient alors relevé que c’était la première fois que le chef de la diplomatie américaine qualifiait d’« occupation » la présence syrienne. Ce terme a été repris par l’actuel ambassadeur US aux Nations unies, John Danforth, dans une interview publiée par le quotidien Asharq al-Awsat dans son édition d’hier. « Rien ne justifie la présence des Syriens au Liban, et de notre point de vue, ce sont des occupants », a-t-il notamment souligné. Les positions fermes adoptées ces dernières semaines par Washington concernant le rôle de Damas au Liban ne datent donc pas d’hier. La petite phrase lancée par M. Powell à la Chambre des représentants en mars 2003 (alors que le Syria Accountability Act était en gestation) illustrait déjà à l’époque la nouvelle orientation de la politique américaine à l’égard du dossier libanais. Une orientation nullement conjoncturelle, qui reflète vraisemblablement une option stratégique ainsi que des réalités nouvelles que nombre de dirigeants locaux (et syriens, semble-t-il) ne paraissent pas totalement saisir dans toute leur portée ou du moins admettre. Même la résolution 1559 et la position sans équivoque de la France n’ont pas été suffisantes pour convaincre le pouvoir à Beyrouth et à Damas que « la situation n’est plus ce qu’elle était il y quelques années », comme l’ont souligné à plusieurs reprises les hauts responsables américains. Il y a quelques mois encore, nul n’aurait osé imaginer – et espérer – que le Conseil de sécurité se saisisse de la sorte du problème de la présence syrienne et du rétablissement de l’indépendance politique du Liban. Cette donne internationale prouve, s’il en était encore besoin, à quel point les relations syro-libanaises ne peuvent qu’être éphémères dans leur forme actuelle, car elles n’ont été tissées, jusqu’à ce jour, que sur une logique de rapport de force. Elles n’ont été entretenues que « manu militari » par des pratiques de coercition, sous l’impulsion de l’action musclée des services (à peine) occultes. Ce type de relations est, par essence, tributaire de n’importe quelle évolution du rapport de force, de n’importe quel développement géopolitique majeur, ce qui les rend, en toute logique, particulièrement vulnérables, notamment dans une région aussi mouvante que le Moyen-Orient. La résolution 1559 et l’attitude des États-Unis et de la France – laquelle entraîne avec elle l’Union européenne – constituent sur ce plan, à titre d’exemple, une conséquence plus ou moins directe des retombées multiples du 11 septembre et du conflit irakien, pour ne pas remonter plus loin (à la chute de l’empire soviétique). Dans un tel contexte, il est peut-être temps de réfléchir en profondeur, d’engager un véritable débat sur les fondements des relations entre le Liban et la Syrie de manière à les consolider, à les édifier sur le principe du consensus et du respect de l’autre, sur des intérêts communs tenant compte des appréhensions, des caractéristiques et des traditions politiques de chacun des deux peuples. S’obstiner à entretenir les relations bilatérales en s’accrochant aux méthodes et à la logique d’une époque révolue – alors que les réalités nouvelles se font de plus en plus pressantes – revient à isoler les deux pays en les enfermant dangereusement dans une obscure impasse. Au plan strictement interne, les développements des dernières semaines ont montré qu’un désengagement politico-sécuritaire de la Syrie sur la scène libanaise n’est plus désormais une chimère, même s’il doit prendre encore du temps. Les bouleversements qui nous entourent devraient par conséquent inciter les forces vives du pays et les Libanais en général à réapprendre à se gouverner eux-mêmes, loin de toute tutelle. Ils se doivent, plus que jamais, de raviver dans leur mémoire l’essence, les fondements du pacte de coexistence afin de poser les jalons d’un système politique qui, enfin – et une fois pour toutes –, tienne compte et soit le reflet du pluralisme libanais et des spécificités socio-culturelles des diverses composantes communautaires du pays. Car c’est en reconnaissant, en institutionnalisant et en gérant ce pluralisme qu’il sera possible de blinder le tissu social libanais pour l’immuniser contre les turbulences régionales. Et c’est, dans la foulée, en se replongeant dans les pratiques de la démocratie consensuelle qu’on évitera sans doute des blocages politiques et constitutionnelles semblables à celui dans lequel se débattent Baabda et Koraytem depuis plus d’un mois. Michel TOUMA
«J’espère que c’est le début d’un retrait (de l’armée syrienne du Liban), mais je ne saurais être optimiste à ce sujet. Nous avons assisté à de telles réductions des effectifs des forces syriennes au cours des dernières années. Mais je ne peux pas affirmer que nous sommes sur la voie d’un retrait total ou que cela permettra au Liban d’être gouverné par le...