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Actualités - OPINION

CITOYEN GROGNON Une année pour rien

Ils ont hâte de terminer leurs études et d’entrer dans la vie active, pour prendre leur envol, pour devenir un brin indépendants. Pour soulager leurs parents, complètement dépassés par la crise. Mais en guise de présent de fin d’études, c’est du service militaire que les jeunes gens libanais écopent, et pour une année entière. Une année entière qu’ils passent à jouer, contre leur gré, aux apprentis soldats. Une année entière au service d’un État qui les utilise à de menues besognes. Une année entière, avec pour seul salaire la maigre solde d’un appelé, bien inférieure à celle du plus petit soldat. Servir de sous-fifres aux officiers, récurer les toilettes, apprendre à marcher au pas, faire quotidiennement des heures d’exercices physiques, mais aussi subir la saleté, la prison parfois, les humiliations corporelles, le favoritisme, la discrimination, les insultes de supérieurs en mal d’autorité, la jeunesse libanaise s’en passerait volontiers, même la plus démunie, même la moins instruite. Car pour servir le drapeau, elle perd une année de son existence, une année qu’elle utiliserait, de préférence, à se tailler une place sur le difficile marché du travail. Les plus nantis, eux, ne se compliquent pas l’existence. Le choix est simple : cinq années passées à l’étranger, entrecoupées de visites annuelles au pays, sont de loin plus agréables et bien plus enrichissantes qu’une année de service militaire forcé. Pratique que se dépêche d’imiter la classe moyenne, même si pour ce faire elle doit se saigner à blanc, rien que pour épargner à ses fils les affres d’une année perdue à ne rien faire. Résultat, les universités du pays se vident de la classe aisée, mais aussi des têtes pensantes, des étudiants doués, qui, au terme d’un parcours universitaire brillant à l’étranger, sont carrément happés par les multinationales ou les entreprises en quête de cadres supérieurs. Partie juste pour cinq années, la jeunesse libanaise ne retourne plus au pays. Elle s’installe à l’étranger. Trop heureuse de se voir enfin appréciée à sa juste valeur. Les autres, ceux qui n’ont pas d’autre choix, se plient au service militaire. Tout en pleurant vainement cette année perdue qu’ils ne pourront jamais récupérer. Anne-Marie EL-HAGE
Ils ont hâte de terminer leurs études et d’entrer dans la vie active, pour prendre leur envol, pour devenir un brin indépendants. Pour soulager leurs parents, complètement dépassés par la crise.
Mais en guise de présent de fin d’études, c’est du service militaire que les jeunes gens libanais écopent, et pour une année entière.
Une année entière qu’ils passent à...