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Actualités - OPINION

Le régime parle encore de cabinet d’union L’opposition refuse de tourner la page de la prorogation

Pour l’opposition, il est illogique, voire risible, de considérer que l’épisode de la prorogation est maintenant du passé, (“ derrière nous ”, disent les loyalistes), puisqu’il est la source même de la grave crise que le Liban affronte. Un pôle de Kornet Chehwane se pose encore des questions sur les objectifs de l’opération, les promesses de changement données, les slogans lancés avant comme juste après l’amendement. Dans les justificatifs, certains loyalistes soutenaient que des parties au pouvoir avaient entravé le plan d’action et de réforme du président Lahoud. Qui devait obtenir une seconde chance, à l’intérieur, afin d’instaurer un État de droit et des institutions. Tandis qu’à l’extérieur sa stratégie avait parfaitement réussi, en permettant la libération du Sud. Ces loyalistes laissaient entendre que le président Hariri portait la responsabilité des obstacles ayant empêché le régime de mener ses vues réformatrices à bien. Ajoutant que les querelles provoquées, selon eux, par le président du Conseil ou son camp, restaient l’une des principales causes du marasme économique. Ils concluaient en rappelant qu’au 1er août, le président Lahoud, répondant à ses détracteurs, avait martelé qu’il n’y avait pas de régime corrompu, mais des corrupteurs et des pourris sous tous les régimes. Donc, observent les opposants, on prend en face la réforme comme mobile, en promettant de la réaliser dans les trois ans à venir. Alors qu’on n’avait pas su le faire pendant les six ans écoulés. Le chef de l’État s’engage également, relèvent ces sceptiques, à mener en quarante-sept mois des travaux d’Hercule en matière d’établissement concrète de la primauté de la loi, de grands chantiers de développement équilibré et de prestations sociales améliorées. Le régime assure, du même coup, que les erreurs ou les fautes du passé ne seront plus commises. Bref, un changement radical que les opposants jugent comme impossible à réaliser, objectivement. Ils en veulent pour preuve qu’à la toute première séance du Conseil des ministres après la prorogation, le régime n’a rien eu de plus pressé que de geler les dossiers à examiner. Confirmant ainsi la paralysie plutôt qu’une dynamique de relance de l’appareil grippé de l’État. Les opposants ajoutent que chaque jour qui passe montre l’absence de toute responsabilité, de tout indice de changement positif. Ils soulignent à ce propos trois cas d’actualité : l’attentat visant Marwan Hamadé, perpétré malgré les fameuses proclamations de ligne rouge sécuritaire infranchissable répétées par les cadres proches du régime. Puis la crise de l’électricité. Enfin la 1559, suivie du rapport Annan. En dépit de la gravité de ces développements, le gouvernement est resté inscrit aux abonnés absents. Principalement en raison des tensions persistantes entre les deux têtes de l’Exécutif. Des frictions qui n’empêchent pas le régime d’envisager lui-même le maintien au Sérail du maître de Koraytem. Sur cette contradiction, les opposants jouent pour répéter qu’il n’y a aucun changement en vue. Ni dans les personnes ni dans les pratiques. Ils se demandent, avec un zeste d’ironie sarcastique, s’il est bien raisonnable pour un régime dit rationnel de faire appel, pour tenter de former un cabinet de salut public et d’union nationale, au même homme qu’il accuse d’avoir torpillé la réforme. Pour les opposants, les choses sont appelées à empirer au sein du pouvoir. Sauf si, par un sursaut extraordinaire qu’ils jugent improbable, le régime adopte l’un des deux volets de cette alternative : démissionner ; ou catapulter un gouvernement d’exception véritable. Formé uniquement de gens compétents, probes, courageux, qui donnent sans rien prendre, et c’est tout dire... Faute de quoi, prévoient ces opposants, le régime risque de ne pas pouvoir aller au bout des trois ans de rallonge qu’on lui a accordé. Car l’opposition va continuer à élargir ses rangs, étant donné la déception grandissante de la population libanaise devant les promesses non tenues. Tout comme devant le fait accompli. Argumentation Pour leur part, les visiteurs loyalistes de Baabda en reviennent avec l’exposé suivant : – Le climat de 2004 n’a rien à voir avec celui qui prévalait en 1992 (lors de l’avènement de Hariri). – Le régime a donné à la classe politique, un délai d’un mois, maintenant achevé, pour former un nouveau pouvoir. Il a tendu la main à tous, d’entrée de jeu. – Son appel au rassemblement, justifié par les périls pressants de l’heure, n’a suscité aucun écho positif du côté de l’opposition. Elle a refusé de faire partie d’un gouvernement d’union nationale, à moins d’imposer son propre programme. Elle doit dès lors assumer la responsabilité, également nationale, de son obstruction. – Qui n’empêchera cependant pas le régime de mettre ne branle la réhabilitation de l’État. Et de former un gouvernement, quelle que soit la décision que le Conseil de sécurité va prendre au sujet de la 1559 dans la foulée du rapport Annan. – Une fois de plus, certains se trompent lourdement en misant sur les facteurs extérieurs, comme la 1559. Les aiguilles de la pendule ne vont pas retourner en arrière. La prorogation ne sera pas abrogée. Ce qui est arrivé au président Béchara el-Khoury en 1952 ne se répétera pas aujourd’hui. Car la rue n’est pas aux côtés des contestataires. – Pour accomplir son plan, le président Lahoud compte sur un cabinet d’union. Dans cet esprit, le président Lahoud souhaite coopérer avec le président Hariri, mais sur des bases claires. C’est pourquoi il a prié le président Hariri, s’il le souhaite, de se charger de la formation. Les nominations auraient lieu et ceux qui se récuseraient en assumeraient la responsabilité devant le peuple, et seraient remplacés. Il n’y a en tout cas, de la part du régime, aucun veto. Toujours est-il que les deux présidents ne sont pas tout à fait sur la même longueur d’onde. L’un semble souhaiter une équipe essentiellement politique de 30 membres, représentant tous les courants. L’autre, un cabinet de 18 ou 24 ministres qui seraient en majorité des technocrates. Selon des ministres, le président Lahoud, qui désire qu’on aille vite en besogne, obtiendrait sous peu un mot d’ordre en sa faveur. Et en faveur d’un cabinet d’union. De la part des décideurs, bien évidemment. Mais il y a un écueil : même les plus tentés, les plus modérés de l’opposition n’envisagent de participer à un gouvernement mis en place par le système qu’à la ferme condition d’un programme préalable qui leur conviendrait. Enfin, si le régime tient à Hariri, c’est pour qu’il ne soit pas dans l’opposition avec Kornet Chehwane et Joumblatt, au moment des élections législatives. Sans compter que Frangié ne participerait pas personnellement à un gouvernement qui ne serait pas dirigé par Hariri. Philippe ABI-AKL
Pour l’opposition, il est illogique, voire risible, de considérer que l’épisode de la prorogation est maintenant du passé, (“ derrière nous ”, disent les loyalistes), puisqu’il est la source même de la grave crise que le Liban affronte.
Un pôle de Kornet Chehwane se pose encore des questions sur les objectifs de l’opération, les promesses de changement données, les...