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Actualités - OPINION

perspectives Le pays ne pourra recouvrer son indépendance politique que sous impulsion internationale L’ombrelle onusienne, une opportunité inespérée pour le Liban

C’est une semaine de grandes manœuvres qui s’ouvre aujourd’hui pour le Liban. Au plan interne, les tractations devraient sans nul doute s’accélérer dans les tout prochains jours pour mettre sur pied un nouveau gouvernement. Mais les regards sont surtout braqués, pour l’heure, sur New York où se déroule un difficile bras de fer diplomatique autour de la résolution 1559 du Conseil de sécurité. La partie qui se joue au palais de Verre est, pour les Libanais, cruciale à plus d’un titre. L’enjeu à cet égard devrait être perçu dans une perspective historique, à moyen ou même à long terme, et non pas à brève échéance. Nul ne devrait en effet s’y méprendre en s’attendant à une application rapide de la 1559. La réalisation de cet objectif nécessitera, à l’évidence, du temps. L’intérêt du processus en cours à l’Onu doit être plutôt perçu – du moins dans l’immédiat – sous un angle « qualitatif ». En clair, l’initiative combinée franco-américaine offre au Liban dans le contexte présent une opportunité inespérée : elle a en effet pour résultat de placer le pays sous l’ombrelle des Nations unies en lui assurant un instrument de droit international (la résolution 1559 et, dans sa foulée, le rapport Annan), et peut-être aussi un mécanisme adéquat (si les efforts actuels de Paris et Washington aboutissent), garantissant un désengagement de la Syrie au Liban. En lançant leur offensive au Conseil de sécurité, la France et les États-Unis ont vraisemblablement été motivés par des considérations géostratégiques propres à eux, comme l’a insinué le président Bachar el-Assad dans son discours, samedi. Il reste que le Liban y trouve également son compte. Car il faut désormais se rendre à l’évidence : si les Libanais veulent recouvrer un jour leur indépendance politique, ils ne pourront le faire que sous impulsion internationale et onusienne. Dans une logique de realpolitik, pourquoi la Syrie accepterait-elle, en effet, de se dessaisir de son plein gré de ce qu’elle considère comme sa chasse gardée qui constitue pour elle un champ de manœuvre idéal et (quoi qu’on dise) une véritable mine d’or (la Syrie pompe du marché libanais non moins de 2 milliards de dollars par an, soit plus de 12,5 pour cent du PIB libanais, sous différentes formes et du fait de diverses activités économiques) ? Cette propension qu’a Damas à rester accroché à la carte libanaise et à court-circuiter toute tentative, arabe ou occidentale, d’imposer un droit de regard sur son rôle au Liban s’est manifestée à plusieurs reprises depuis le début de la guerre. À titre d’exemple, dans les années 70, alors que les combats faisaient rage à Beyrouth, l’Algérie avait tenté une médiation pour rétablir le calme et trouver une issue à la crise. Elle s’était alors attiré les foudres d’un haut responsable du Baas prosyrien au Liban. L’Algérie et la Syrie faisaient pourtant partie à l’époque, toutes deux, de l’axe radical arabe. Autre exemple significatif : à la fin des années 80, plus précisément en 1989, Damas a réagi vivement au rapport élaboré par le comité tripartite arabe (groupant l’Arabie saoudite, le Maroc et l’Algérie) qui avait été chargé par le sommet de Casablanca (mai 1989) de proposer un projet de solution au problème libanais en mettant un terme à la guerre lancée par le général Michel Aoun contre les forces syriennes. Le comité tripartite avait souligné dans son rapport – rendu public fin juillet 89 – ses divergences avec la Syrie concernant la clause relative au rétablissement de la souveraineté libanaise, le pouvoir syrien refusant de s’engager à fournir un calendrier de retrait de ses troupes du Liban. Au début du mois d’août 89, le ministre syrien des Affaires étrangères, Farouk el-Chareh, adressait au comité arabe une réponse particulièrement acerbe dans laquelle il critiquait sévèrement plusieurs passages du rapport en question, notamment celui se rapportant à la souveraineté libanaise. M. Chareh relevait au sujet de ce dernier point que le communiqué final du sommet de Casablanca « ne mentionnait la Syrie ni de près ni de loin » dans la clause consacrée au « rétablissement de la souveraineté de l’État libanais sur tout le territoire par ses forces propres ». M. Chareh s’était étonné du fait que le comité tripartite se soit basé sur cette clause pour réclamer un calendrier du retrait des forces syriennes. Cette tentative d’arabisation de la crise libanaise – censée déboucher, à terme, sur un désengagement de la Syrie au Liban, sous la houlette de la Ligue arabe – s’était ainsi heurtée au refus catégorique de Damas de remettre en cause ou ne fut-ce que de « mentionner de près ou de loin » son rôle ou sa présence au Liban. Et c’est précisément cette même logique que la Syrie réactive aujourd’hui pour essayer de court-circuiter la 1559 et d’empêcher toute mention la concernant dans les résolutions ou les déclarations onusiennes. À la lumière d’un tel contexte et compte tenu des expériences passées, les six pays membres du Conseil de sécurité qui continuent de manifester des réticences vis-à-vis de l’initiative franco-américaine assument ainsi une responsabilité historique à l’égard du devenir de l’entité libanaise. Car d’une certaine façon, en persistant dans leur attitude, ils risquent de condamner le peuple libanais à demeurer sous tutelle pendant encore longtemps. Michel TOUMA
C’est une semaine de grandes manœuvres qui s’ouvre aujourd’hui pour le Liban. Au plan interne, les tractations devraient sans nul doute s’accélérer dans les tout prochains jours pour mettre sur pied un nouveau gouvernement. Mais les regards sont surtout braqués, pour l’heure, sur New York où se déroule un difficile bras de fer diplomatique autour de la résolution 1559...