Rechercher
Rechercher

Actualités

EN DENTS DE SCIE - La tentation Spiderman

Quarante et unième semaine de 2004. Les hommes, entre eux, se battent pour ses yeux, son sourire, son bureau, ses dons, ses faveurs, son prestige, son halo. Partout. En France, après avoir déifié un Nicolas Sarkozy auparavant sur la corde raide du ringardisme politique, il aura même réussi à piéger dans ses filets de sirène le mi-requin mi-mouette, l’insondable, le dandyssime Dominique de Villepin. Au Liban, le ministère de l’Intérieur, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a été nationalisé depuis des années, nombreuses, interminables, façon bikbachi des bords du Nil, par les Murr, une famille metniote particulièrement bien ramifiée. Aujourd’hui pourtant, le péril investit la très chic demeure de Sanayeh, les blizzards septentrionaux s’annoncent cinglants. Un fougueux baron nordiste, syrianophile jusqu’au bout de l’âme, a lancé jeudi une surprenante et inamicale OPA sur ce symbole emblème, allégorique en diable, d’un système lahoudien nourri au biberon des préceptes militaro-sécuritaires qui ne leurrent plus personne. Sans compter ces rumeurs persistantes, ces on-dit tellement orientaux, qui prêtent à un directeur général de la Sûreté générale, sans doute lassé par l’habit militaire, des envies d’Intérieur, en attendant mieux, place de l’Étoile. Ce ministère star, cette pierre angulaire sur laquelle repose tout l’édifice pratique du régime reconduit, cette caverne d’Ali-Baba aux mille trésors politiques (et autant de pièges), aurait pourtant cruellement besoin d’un locataire d’un nouveau genre, totalement apolitique. Qui ne se contente pas de chasser le dealer, de prévenir contre les ravages de la drogue, de menotter le bandit (pas toujours le bon), le voyou (pas toujours au bon moment), de collectionner les satisfecit d’Interpol. Tout cela est nécessaire, glorieux même, mais absolument insuffisant. Un ministre capable de sanctionner tous ceux qui ne respectent pas les règles élémentaires de démocratie, de liberté, d’intégrité électorale, des droits de l’homme, et, s’il n’y arrive pas, de démissionner. Un ministre qui aiderait son collègue des Finances à remplir son Trésor en multipliant les amendes irréversibles contre tous les contrevenants au code de la route ; et son collègue de la Justice à faire des prisons libanaises autre chose que des goulags qui auraient fait sursauter Ceausescu lui-même. C’est d’une sorte de Spiderman au service de ses compatriotes et non pas d’un régime, d’une famille, d’un caza, d’une ambition, d’une revanche, dont Sanayeh a besoin. D’un véritable antihéros capable à lui tout seul de refuser les diktats d’une mortifère tutelle, d’atténuer toutes les 1559 du monde, de coacher ses pairs au respect de la loi, fondamentale soit-elle ou quotidienne, d’imposer la primauté de l’égalité. Un antihéros qui irait laver sa combi rouge et bleu au lavomatic comme un grand au lieu de jouer à l’abadaye claironnant l’inutilité de l’isoloir. Un Spiderman généreux, qui irait, par exemple, se pencher sur la tombe du grand Riad el-Solh pour le réconforter ; lui rappeler que le déterminisme génétique ne suffit pas à lui seul ; lui dire que les Libanais ne lui en veulent pas ; que ce n’est pas parce que l’un de ses petits-fils a voulu se mêler de la plus insensée des manières de politique libanaise, oser des leçons en démocratie et en patriotisme, se prendre pour Fouad Boutros exhortant les responsables à la sagesse, offrir d’acheter l’objectivité (ou le silence) des journalistes... que ces Libanais oublieront de saluer sa mémoire à chaque fois qu’ils passeront devant sa statue. Ziyad MAKHOUL
Quarante et unième semaine de 2004.
Les hommes, entre eux, se battent pour ses yeux, son sourire, son bureau, ses dons, ses faveurs, son prestige, son halo. Partout. En France, après avoir déifié un Nicolas Sarkozy auparavant sur la corde raide du ringardisme politique, il aura même réussi à piéger dans ses filets de sirène le mi-requin mi-mouette, l’insondable, le...