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Actualités - interview

Ce qu’ils en pensent LA RÉSOLUTION 1559 ET LA RÉUNION DU CONSEIL DE SÉCURITÉ

À la veille de la réunion du Conseil de sécurité prévue demain, jeudi, pour examiner le rapport du secrétaire général des Nations unies sur l’application de la résolution 1559, Beyrouth vit au rythme des spéculations et des analyses diverses. Même les différents pôles politiques semblent perdus, alternant le chaud et le froid et tenant souvent un langage dicté par des impressions, des souhaits ou des appréhensions, plutôt que basé sur de véritables informations. L’ancien directeur général du ministère des Affaires étrangères, diplomate de carrière et homme sage s’il en est, Fouad Turk, a lui aussi sa propre lecture, un point de vue lucide et technique qui gagne à être entendu. Fouad Turk, ancien directeur général des AE et ambassadeur Q : Selon vous, le rapport du secrétaire général des Nations unies est-il dur ou souple à l’égard du Liban ? R : « La principale caractéristique de ce rapport est qu’il semble dissocier le cas du Liban de l’ensemble du dossier régional. Mais la question importante reste la suivante : est-il possible d’appliquer cette résolution et de la traduire concrètement dans les faits sans tenir compte de ce qui se passe autour de nous ? Est-il notamment possible, dans le contexte actuel, de désarmer les Palestiniens dans les camps, ainsi que la Résistance, avant de la dissoudre ? Cela me paraît assez difficile, sinon impossible. Dans ce cas, si le Conseil de sécurité considère, sur la base du rapport, que les gouvernements libanais et syrien n’ont pas répondu à ses revendications, compte-t-il aller jusqu’au bout dans l’exigence de l’application de la résolution 1559 ? Pour cela, quel mécanisme prévoit-il de mettre au point pour veiller à ce que la résolution soit appliquée ? À mon avis, plusieurs scénarios sont envisagés, mais l’usage de la force, par le biais de l’envoi de troupes multinationales, me paraît quasiment impossible. Il est donc peu probable que le Conseil de sécurité puisse lier la résolution 1559 au chapitre 7 de la Charte des Nations unies, qui signifie l’usage de la force pour l’application de ses résolutions. Reste alors la création d’une commission de surveillance qui se réunirait périodiquement et pourrait, le cas échéant, décider des sanctions économiques contre les deux pays. Il existe aussi un autre scénario, prévoyant que le Conseil de sécurité se réunisse demain et se contente de la publication par son président d’un communiqué qui préciserait que le Conseil a effectivement pris connaissance du rapport du secrétaire général des Nations unies et qu’il décide d’accorder au Liban et à la Syrie un nouveau délai, tout en annonçant qu’il se réunira de nouveau dans un mois. L’utilité de ce scénario est qu’il laisse la voie ouverte à tous les autres et permet d’attendre les élections américaines pour voir quelles seront les nouvelles tendances de l’Administration en place à ce moment-là. De toute façon, le Conseil de sécurité peut toujours se réunir à la demande de l’un de ses membres ou même si le secrétaire général des Nations unies en fait la demande à son président. » Q : On en est donc aujourd’hui encore au même point ? R : « Pas vraiment, puisque la résolution a été adoptée et le rapport publié. L’application dépend toutefois des contacts du Liban (et de la Syrie) avec les divers membres du Conseil de sécurité, notamment les plus durs d’entre eux, la France et les États-Unis. Apparemment, la France ne semble pas sur le point de modifier sa position et le ministre des AE, Michel Barnier, semble plus proche d’une coopération avec les États-Unis que son prédécesseur. Quant à l’Administration américaine, sa position est la même, mais l’enthousiasme à la défendre peut faiblir ou augmenter selon d’autres considérations. Nous vivons en tout cas une période d’épreuve de force. Pourvu que la diplomatie libanaise puisse bouger. » Q : On a plutôt l’impression que c’est la cacophonie au niveau des divers pôles du pouvoir... R : « Il est certain que cette résolution est adoptée à un moment où le Liban a, en plus, des problèmes internes. Si la situation politique avait été meilleure, la position du Liban aurait été plus solide et sa diplomatie plus efficace. Les dissensions affaiblissent cette position. D’ailleurs, le rapport du secrétaire général des Nations unies évoque ces divisions dans un de ses paragraphes, précisant que les Libanais sont partagés au sujet de la présence syrienne, de la résistance, etc. Cette mention peut être interprétée comme une atténuation de la condamnation de la présence syrienne ou du non-désarmement des milices, mais elle met aussi l’accent sur l’absence de consensus interne. » Q : Avez-vous le sentiment que le Liban a bien réagi face à la menace internationale ? R : « Quand la résolution a été adoptée, le Liban l’a prise au sérieux et il a réagi comme il le pouvait. Mais c’est auparavant qu’il aurait dû réagir et se préparer à la suite des événements. Lorsque le “Syria Accountability Act” et son chapitre sur la souveraineté libanaise ont été adoptés par le Congrès américain, devenant ainsi une loi et non plus une simple position politique, il aurait dû comprendre que la situation était sérieuse. Cela aurait dû stimuler un travail et un souci permanents... » Joseph Hayeck, étudiant en sciences politiques Q : Selon vous, quelle pourrait être la position du Conseil de sécurité lors de sa réunion de demain et que devrait faire le Liban ? R : « Je n’ai pas le sentiment que le Conseil de sécurité compte assouplir sa position à l’égard du Liban et de la Syrie. Même s’il accorde un délai, tôt ou tard, il reviendra à la charge. La résolution 1559 n’a pas été adoptée pour être rangée dans les tiroirs. La Syrie et avec elle le Liban ont trop tiré sur la corde internationale, il va être bientôt temps de payer. Une grosse facture, hélas. Je ne sais pas comment le Liban peut encore réagir. Peut-être en plaçant en tête de ses priorités l’entente interne. Mais je crois que là aussi, nous ne sommes pas très bien partis. » Scarlett HADDAD
À la veille de la réunion du Conseil de sécurité prévue demain, jeudi, pour examiner le rapport du secrétaire général des Nations unies sur l’application de la résolution 1559, Beyrouth vit au rythme des spéculations et des analyses diverses. Même les différents pôles politiques semblent perdus, alternant le chaud et le froid et tenant souvent un langage dicté par des...