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Actualités - OPINION

Encore une controverse : la portée du rapport Annan

Ce que la 1559 évoque à mots couverts, le rapport Annan le détaille noir sur blanc, en appelant les choses par leur nom. Il pointe du doigt les parties qui se dérobent à l’application de la résolution. Et dénonce cette immixtion extérieure qui a imposé la prorogation. Cette netteté n’empêche pas certains loyalistes de soutenir que le rapport est ordinaire, anodin presque, et qu’il est moins dur que la 1559. À leur avis, il ouvre même en grand la porte d’avantageuses négociations. Ils se réfèrent aux commentaires syriens qui, dans un premier temps, ont qualifié le rapport d’équilibré, sinon de juste. Sans entrer dans les détails, car la Syrie ne veut pas être amenée à pinailler à un moment où elle souhaite rester dans les bonnes grâces d’Annan. Et ne pas attaquer de front la légalité internationale ou le Conseil de sécurité. Tout en faisant quand même dire à son vice-ministre des AE, Mouallem, que le document reste quelque part erroné. Les mêmes loyalistes ne veulent donc voir dans le rapport Annan qu’un compte-rendu. Issam Farès s’attendait à un texte plus dur que la 1559. Il craignait qu’Annan ne recommandât la mise en place d’un comité quadripartite, d’une part l’Amérique et la France, de l’autre le Liban et la Syrie, pour enclencher l’application de la résolution. Il a donc été assez heureusement surpris par le ton du rapport, qu’il trouve modéré et équilibré. D’autres sources proches du pouvoir se félicitent de leur côté qu’Annan n’ait pas proposé des mesures constituant de nouvelles pressions sur la Syrie, via le cas libanais. Quoi qu’il en soit, Jean Obeid, le ministre des Affaires étrangères, va voir ce qu’on peut faire pour éviter un durcissement, jeudi, du Conseil de sécurité. En parlant à ce sujet avec les présidents Lahoud et Hariri. L’idée est aussi d’adresser une note de remarques à Annan au sujet de son rapport. En face Les opposants, quant à eux, trouvent que le rapport met en quelque sorte le Liban sous période d’observation, pour ne pas dire en quarantaine. En donnant encore plus de chair, de consistance, à la 1559, et en confirmant ainsi la mainmise de l’Onu sur le dossier libanais. Ce qui introduit un élément nouveau dans la politique internationale. Une trousse de bricolage aux mains de l’Organisation, qui peut bidouiller désormais n’importe quelle solution, ici. Pour les opposants, la 1559 ne doit en aucun cas être traitée à la légère. Et il est de l’intérêt bien compris du Liban d’adopter à son égard une attitude positive. Ils critiquent donc l’entêtement des officiels qui soutiennent que la 1559 est maintenant derrière nous. À l’instar de ce que l’un des membres de la délégation libanaise avait cru pouvoir lancer à l’adresse d’Annan lui-même, en lui affirmant que l’épisode de l’échéance présidentielle est maintenant dépassé. Partant de là, les opposants soulignent que le dossier des relations avec la Syrie n’est plus confiné à son aspect bilatéral, mais se trouve désormais soumis à une supervision internationale. Il faut donc, ajoutent-ils, que les responsables en tiennent compte soigneusement. Qu’ils réalisent que les donnes et les données ne sont plus du tout les mêmes. Et qu’ils élaborent en conséquence une nouvelle approche réaliste. D’autant que le rapport Annan, très clair, n’omet pas de mettre l’accent sur le rôle charnière des SR syriens sur la scène politique libanaise. Les opposants citent l’alinéa 29 qui soulignent qu’au cœur même de la présence syrienne au Liban se trouvent des cadres des SR en civil. Et que leur action tisse par elle-même l’influence déterminante que la Syrie a dans les affaires intérieures libanaises. Rappelant que l’alinéa 33 indique, pour sa part, que les conditions demandées par la 1559 n’ont pas été remplies, les opposants relèvent que le Conseil de sécurité devra forcément en prendre acte lors de sa réunion de jeudi. D’une manière ou d’une autre, cette instance se trouve automatiquement en position d’internationaliser le dossier libanais pour le soustraire à la domination syrienne. En pratique, estiment les opposants, il est probable que le Conseil, ou Annan à sa place, va exiger un agenda d’étapes pour l’exécution complète de la 1559 dans des délais raisonnables. Cela, pour que le Liban recouvre vraiment son indépendance et sa souveraineté. Pour ces pôles, le processus de normalisation est maintenant enclenché et il n’y a pas de retour en arrière possible. Cependant, précisent-ils, des parties lésées vont sans doute tenter de retarder la conclusion logique. Peut-être en organisant ou en commanditant des actions déterminées. Ou en misant sur des développements régionaux qui atténueraient la pression sur la Syrie. Laquelle de son côté, selon ces opposants, tente de se rapprocher de Paris, en contribuant à l’éventuelle libération des deux journalistes français retenus en Irak. De même, Damas manifeste de la coopération avec les Américains, autres auteurs de la 1559, dans la surveillance de sa frontière avec l’Irak. Mais les opposants estiment que pour l’Amérique comme pour la France, il n’y a pas d’association entre la situation en Irak et le dossier libanais vu à travers la 1559. Philippe ABI-AKL
Ce que la 1559 évoque à mots couverts, le rapport Annan le détaille noir sur blanc, en appelant les choses par leur nom. Il pointe du doigt les parties qui se dérobent à l’application de la résolution. Et dénonce cette immixtion extérieure qui a imposé la prorogation.
Cette netteté n’empêche pas certains loyalistes de soutenir que le rapport est ordinaire, anodin...