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Actualités - OPINION

ÉCLaIRAGE La nomination de l’ancien chef des SR au Liban dans le cadre du remaniement ministériel à Damas soulève des interrogations Quelles conséquences pour le Liban de la désignation de Ghazi Kanaan à l’Intérieur, en Syrie ?

Alors que le Liban peine à définir les caractéristiques de son futur gouvernement, avant même de songer à le former, la Syrie, elle, a procédé, hier, à un surprenant remaniement ministériel qui porte sur huit ministres et ramène le général Ghazi Kanaan sur le devant de la scène en lui confiant le portefeuille de l’Intérieur. Pour les Libanais, la nouvelle est de taille, car le général Ghazi Kanaan est une vieille connaissance, puisqu’il a occupé pendant près de 20 ans le poste de chef des SR syriens au Liban, autant dire qu’il avait tous les pouvoirs, notamment pendant « l’âge d’or » de l’influence de Damas sur le pays du Cèdre, si l’on peut s’exprimer ainsi. Nommé en 1983, en pleine tourmente libanaise, il a joué un rôle-clé dans la façon dont le Liban a basculé dans le camp syrien, après le choc de l’invasion israélienne, et pendant les affres de la guerre de la Montagne, puis des affrontements terribles, entre chaque camp, à Beyrouth-Ouest et à Beyrouth-Est, qui se sont terminés par une extension de la présence syrienne sur l’ensemble du territoire libanais. Ghazi Kanaan occupait aussi cette fonction lors de l’adoption de l’accord de Taëf, qui a commencé avec la bénédiction des pays arabes et de la communauté internationale avant d’être placé sous la seule responsabilité syrienne. Kanaan était encore là lors de l’amendement constitutionnel qui avait permis une prorogation de trois ans du mandat du président Hraoui (on se souvient à cet égard de la façon dont il avait annoncé cette prorogation aux députés) et lors du retrait israélien en mai 2000, ainsi qu’au moment des élections législatives de la même année, qui avaient abouti à une victoire éclatante du Premier ministre Rafic Hariri. Des considérations purement internes En 2002, le général Kanaan avait été rappelé en Syrie, où le commandement lui avait confié la présidence des services de sécurité à l’étranger. Cela avait d’ailleurs été perçu à l’époque comme une sorte de voie de garage, le commandement syrien, représenté par le président Bachar el-Assad voulant modifier son approche et sa gestion du dossier libanais. D’ailleurs, le général Rustom Ghazalé, qui a pris la succession de Kanaan au Liban, fait preuve d’une plus grande discrétion que son prédécesseur. Autres temps, autres hommes, dit-on. Mais le retour de Kanaan sur le devant de la scène, qui pourrait ressembler à un retour en grâce, a-t-il des retombées sur la gestion du dossier libanais ? Les Libanais sont peu nombreux à vouloir se prononcer sur les méandres de la politique syrienne, interne ou non. Mais des sources généralement bien informées précisent que la désignation de Kanaan au ministère de l’Intérieur pourrait bien être une affaire purement interne à la Syrie. Normalement, dans la hiérarchie syrienne, présider un service de sécurité est plus important que de devenir ministre, même s’il s’agit du portefeuille de l’Intérieur. Car, dans le système syrien, les services ne dépendent pas d’un ministre ou d’un ministère, mais du président lui-même et ont donc un pouvoir paralèlle. Dans ces circonstances, que signifie le fait de confier le portefeuille de l’Intérieur à l’ancien responsable des SR au Liban et président du service de sécurité étrangère, depuis 2002 ? Des sources bien informées affirment que cette décision est probablement liée au récent attentat à la voiture piégée qui a visé un activiste du Hamas dans la banlieue de Damas. Ayant une grande expérience des services de renseignements et ayant affiné une méthode qui lui est propre et qui est un mélange d’usage de la force et de moyens de persuasion plus subtils, le général Kanaan peut jouer un rôle important à l’Intérieur, de manière à assurer une plus grande sécurité dans le pays, au moment où la Syrie doit faire face à des pressions étrangères énormes et à des tentatives sérieuses de déstabilisation. Il remplace d’ailleurs à ce poste le général Ali Hammoud, qui avait, lui aussi, occupé des fonctions au Liban, en qualité toutefois de chef de la Force arabe de dissuasion (FAD), au début de la guerre libanaise. Selon ceux qui connaissent les deux hommes, le général Hammoud est consensuel, là où son successeur est un homme à poigne. La nomination de Ghazi Kanaan serait donc un indice du renforcement de l’État sécuritaire, dans le domaine de l’Intérieur, alors que, dans les autres secteurs, le président syrien a fait preuve d’une détermination à accélérer les processus de réforme interne. Quelle influence sur le Liban de cette nomination ? Les observateurs tendent à dire qu’elle pourrait bien être nulle, le dossier libanais étant géré par le chef des SR syriens au Liban, qui dépend du chef des SR en Syrie, lequel est relié directement au président Bachar el-Assad. Au mieux, le nouveau ministre syrien de l’Intérieur pourrait établir une coordination avec son homologue libanais dans certains domaines, mais le gros du dossier ne devrait pas être entre ses mains, puisque les affaires du ministère de l’Intérieur restent comme leur nom l’indique une affaire interne à chaque pays. Toutefois, la question importante reste la suivante : en raison de ses longues années passées au Liban et de ses relations amicales avec le président du Conseil, Rafic Hariri, Ghazi Kanaan pourra-t-il influer sur le dossier interne libanais ? Les observateurs s’accordent à dire qu’il n’en sera rien et répètent que l’enjeu de la nomination est purement interne à la Syrie. Ce qui est sûr en tout cas, c’est que le général Kanaan devrait atteindre l’âge de la retraite militaire en février 2005. Restera-t-il en poste jusque-là ? Et où en sera le Liban à cette date ? Pour l’instant, nul ne saurait faire de prédictions aussi « lointaines »... Scarlett HADDAD
Alors que le Liban peine à définir les caractéristiques de son futur gouvernement, avant même de songer à le former, la Syrie, elle, a procédé, hier, à un surprenant remaniement ministériel qui porte sur huit ministres et ramène le général Ghazi Kanaan sur le devant de la scène en lui confiant le portefeuille de l’Intérieur. Pour les Libanais, la nouvelle est de taille,...