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Actualités - OPINION

Polémique - La tension politique pèse lourdement sur la balance économique Les cercles professionnels appréhendent les astronomiques échéances de 2006

En principe, sauf moratoire, sauf Paris III et sauf nouveaux tours de passe-passe genre swap, le Liban doit rembourser en 2006 quelque 24 milliards de dollars sur les 35 que chiffre sa dette publique. Cette échéance, effroyable, inquiète au plus haut point les organismes économiques et financiers. Il est grand temps, clament-ils, de redresser la barre, d’amorcer le redressement. Ils notent à ce propos que la stabilité sécuritaire, globalement satisfaisante malgré quelques couacs genre Majdel Anjar, est certes nécessaire. Mais pas suffisante par elle-même pour résoudre les problèmes ambiants. Ou pour attirer en masse des investisseurs qui injecteraient des sous dans ce pays qui en manque tant. En effet, la crise politique chronique balaie beaucoup de projets, étatiques ou privés, paralyse ou handicape nombre de secteurs productifs et affecte fortement les services. L’ensemble fait que le Liban continue à s’endetter à perte de vue. Le seul paiement des intérêts, dit service de la dette, épuise les ressources, les recettes du Trésor, fiscales, commerciales, douanières ou autres. En pratique, les deux planches de salut qui permettent au pays de surfer sur les rouleaux de vagues, ce sont les banques, qui se portent bien, et le fait que le principal de la dette reste de nature intérieure. La sécurité n’est donc, techniquement, qu’un adjuvant. Mais pour un bancal, une béquille est toujours indispensable. C’est bien pourquoi les pôles économiques soulignent qu’on ne doit pas négliger l’impact positif de la stabilité sécuritaire sur le remarquable épanouissement du secteur bancaire libanais. Les établissements de la place affichent en effet un total d’avoirs dépassant les 63 milliards de dollars, et qui est en pleine croissance. Les fonds affluent, un peu grâce à la conviction que la situation sécuritaire est solide au Liban. Une impression confortée par le matraquage médiatique incessant du slogan officiel : la sécurité est une ligne rouge que nul n’est autorisé à outrepasser. Par chance pour ce pays, beaucoup de nantis veulent bien croire nos autorités sur parole. Mais, insistent les organismes économiques, la stabilité politique est finalement bien plus importante que la stabilité sécuritaire. Car elle régule et conditionne, directement, toute l’économie nationale. En un sens, elle en est la première clé. Or cette stabilité politique fait cruellement défaut au Liban, pratiquement depuis la fin de la guerre intestine. L’instabilité politique connaît actuellement un pic d’une rare altitude, après le double choc contraire de la 1559 et de l’amendement. Il semble, de plus, que les choses ne s’arrangent toujours pas entre les présidents dont les incessantes querelles ont harassé le pays que tous deux ont à cœur de défendre. Pour les professionnels cités, il ne fait aucun doute : il faut, de toute urgence, que le pouvoir retrouve sa cohésion, afin de faire redémarrer la machine grippée. Les organismes économiques demandent donc derechef que les dirigeants s’entendent, dégonflent les tensions et lancent un plan de sauvetage économique fondé sur des vues unifiées. L’initiative Siniora Dans la confusion ambiante, un coup de théâtre de plus : le projet de budget préparé par le ministre des Finances, Fouad Siniora, pour l’an prochain. Les lahoudistes crient à la manœuvre tactique, au croc-en-jambe. Mais, à l’instar de beaucoup de politiciens indépendants, nombre de pôles des organismes économiques applaudissent à l’initiative du ministre. Ils y voient une démarche courageuse, sinon audacieuse, pour assainir un peu les finances publiques et faciliter le redressement. L’exploit de Siniora, si on peut parler de performance, tient dans le fait patent que, reniant son propre credo d’origine, il renonce à pressurer le contribuable, à inventer de nouvelles taxes ou à surcharger les anciens impôts. Comment peut-il faire ? En réduisant les dépenses improductives, en fermant les robinets de luxe comme le pompage en direction des caisses du Conseil du Sud, en éradiquant le gaspillage et la gabegie. Il touche même aux émoluments des ministres et des députés qu’il dégraisse de 15 %, tandis que les hauts fonctionnaires verront leurs salaires amputés de 3 %. Mais Siniora, à son tour, tire le signal d’alarme : sans entente politique, la réforme administrative et financière ne pourra jamais s’accomplir. Mais c’est justement sur le plan politique que l’on attaque Siniora. On lui reproche de récupérer certaines orientations du régime, comme s’il y avait des droits d’auteur là-dessus. On l’accuse d’avoir divulgué son texte par voie de presse avant d’en saisir le Conseil des ministres. De tirer à bout portant sur certains postes de dépenses, sur certains détournements déguisés, et pas sur d’autres (comme le CDR). Et on lui demande pourquoi il s’est hâté de prendre les devants, d’imposer ses vues, au lieu de laisser le soin du budget au prochain gouvernement, dont la formation est quasi imminente. Ses proches répondent qu’on lui fait un mauvais procès : en tant que ministre des Finances, il est tenu de présenter son projet de budget avant l’ouverture de la session parlementaire d’automne. Et surtout, soulignent ces sources haririennes, le Liban est incessamment convoqué à Washington à des réunions de la Banque mondiale. Siniora, le gouverneur de la Banque centrale, nombre de cadres et d’experts libanais devront y répondre à des questions précises. Et défendre un projet déterminé, en l’occurrence le budget. De ces débats dépendra la possibilité, ou non, d’organiser un Paris III l’an prochain. Philippe ABI-AKL
En principe, sauf moratoire, sauf Paris III et sauf nouveaux tours de passe-passe genre swap, le Liban doit rembourser en 2006 quelque 24 milliards de dollars sur les 35 que chiffre sa dette publique. Cette échéance, effroyable, inquiète au plus haut point les organismes économiques et financiers. Il est grand temps, clament-ils, de redresser la barre, d’amorcer le...