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Actualités - OPINION

perspectives Damas persiste à rejeter tout projet de calendrier sur le retrait de ses troupes Du comité tripartite arabe, en 1989, à la résolution 1559 : un même obstacle

À son corps défendant, la Syrie est désormais confrontée à une situation qu’elle s’est efforcée, par tous les moyens, d’empêcher depuis le début de la guerre libanaise : se retrouver avec une puissance ou une force étrangère qui exercerait un droit de regard sur son comportement au Liban, pays qu’elle considère comme sa chasse gardée. La résolution 1559 du Conseil de sécurité ainsi que le rapport du secrétaire général de l’Onu, Kofi Annan, sur les causes de la non-application de cette résolution ont pratiquement instauré une surveillance internationale sur le rôle et la présence de la Syrie sur la scène libanaise, en prélude à un désengagement – aussi bien militaire que politique – de Damas au Liban. Un désengagement qui est devenu, sur base de la 1559, une exigence des Nations unies. Plusieurs points dans le rapport de M. Annan mettent en relief cette nouvelle donne. Le secrétaire général de l’Onu a d’abord relevé – et c’est là un indice significatif – que le Liban et la Syrie n’entretiennent toujours par de relations diplomatiques. Il a ensuite souligné que les gouvernements libanais et syrien n’ont pas encore signé l’accord, prévu par le document de Taëf, sur la détermination des effectifs des forces syriennes appelées à rester au Liban et la durée de leur présence en territoire libanais. M. Annan a relevé à cet égard que la Syrie a refusé de lui transmettre un calendrier sur le retrait de ses forces militaires et de son personnel de renseignements. La référence à l’influence des services de renseignements syriens constitue dans ce cadre un précédent dont la portée n’échappe à personne. L’importance de toutes ces mentions réside dans le fait que c’est la première fois en trente ans de crise libanaise que l’Onu se saisit de la sorte, d’une façon aussi élaborée, du dossier de la présence syrienne, sous ses différents aspects. Bien avant le Conseil de sécurité, la Ligue arabe avait déjà tenté à la fin des années 80 d’imposer des limites à cette présence. Alors que la « guerre de libération » menée en 1989 par le général Michel Aoun battait son plein, la Ligue avait formé un comité tripartite – comprenant l’Arabie saoudite, le Maroc et l’Algérie – afin de jeter les bases d’une solution au problème libanais, dans ses deux volets interne et syrien. Le 31 juillet 1989, le comité tripartite publiait un long rapport dans lequel il dressait un bilan de ses laborieuses tractations, mettant l’accent, notamment, sur les divergences qui l’opposaient à la Syrie concernant, précisément, l’établissement d’un calendrier pour le retrait des forces syriennes. Le comité tripartite arabe avait alors souligné la nécessité de conclure un accord entre les gouvernements libanais et syrien pour déterminer les effectifs et les zones de rassemblement des troupes syriennes ainsi que la durée de leur présence au Liban. Damas avait rejeté une telle approche, insistant sur le fait que la question du rétablissement de l’autorité de l’État sur tout le territoire libanais par ses forces propres ne devrait pas être tranchée à l’avance conformément à un calendrier préétabli, mais elle devrait rester en suspens pour être examinée après la formation du gouvernement d’union nationale (prévu à l’époque par le mécanisme de Taëf). Le comité tripartite arabe avait alors souligné dans son rapport qu’» il est clair que la vision syrienne (concernant le recouvrement de la souveraineté du Liban) ne concorde pas avec les vues du comité dont il ressort que pour que l’on puisse progresser sur la voie des réformes politiques réclamées par certaines parties libanaises, il est nécessaire de donner suite aux revendications d’autres parties libanaises concernant le rétablissement, de manière claire et sans ambiguïté, de la souveraineté de l’État libanais (...) ». Le régime syrien avait par la suite réussi à torpiller la démarche arabe à ce propos. Quinze ans plus tard, l’histoire se répète. La question du calendrier d’un retrait des forces syriennes est à nouveau posée, mais cette fois-ci non plus par la Ligue arabe, mais par le Conseil de sécurité de l’Onu, sous l’impulsion des États-Unis, de la France et d’autres puissances européennes de poids. Avec une différence fondamentale : le contexte international et régional est radicalement différent. Face à la détermination de l’Onu, des États-Unis et de la France de fixer un délai limite pour le retrait syrien du Liban, Damas se rabat sur la même position de défense qu’elle avait avancée pour barrer la route, en 1989, au comité tripartite arabe : le problème de la présence syrienne devrait être discuté à un niveau bilatéral par les gouvernements des deux pays. Le régime syrien affirme à cet égard que la question de la présence de ses troupes au Liban est régie par l’accord de Taëf et que les relations entre Beyrouth et Damas devraient être abordées en conformité avec le traité de fraternité, de coopération et de coordination signé le 22 mai 1991. Un tel argument occulte toutefois – et pour cause – une réalité indéniable : le gouvernement libanais n’est pas maître de ses décisions et demeure soumis – bon gré, mal gré – aux desiderata syriens. L’épisode du dernier amendement constitutionnel et de la prorogation du mandat Lahoud en est, à l’évidence, la preuve la plus éclatante. Tel était déjà le cas, notamment, lors de la signature du traité de fraternité. À l’époque, le patriarche maronite, Nasrallah Sfeir, avait d’ailleurs soulevé explicitement ce point précis, soulignant sans ambages, dans une déclaration faite le 21 mai 91, qu’un traité ou tout accord ne pouvait être signé qu’entre deux gouvernements souverains traitant d’égal à égal. « Il faut que les accords et les traités soient conclus entre deux contractants jouissant de la même situation politique, avait déclaré le patriarche maronite. Tant que le Liban n’a pu étendre son autorité sur l’ensemble de son territoire, on ne peut dire qu’il est libre et maître de ses actes. » D’une certaine façon, le régime syrien est ainsi pris à son propre jeu : à force de phagocyter le pouvoir libanais, ce dernier a perdu toute crédibilité, voire toute légitimité, ce qui a sans doute poussé, entre autres, l’Onu et la communauté internationale à se saisir du dossier pour imposer le retrait syrien et restaurer l’indépendance du Liban et sa liberté de décision. Cela s’appelle le « droit d’ingérence », désormais universellement admis comme moyen d’action sur la scène internationale. Prétendre que le dossier de la présence syrienne devrait être discuté à un niveau bilatéral avec le seul gouvernement libanais correspond à une logique qui ne trompe plus personne. Et qui remonte à une époque passée, à jamais révolue. Michel TOUMA
À son corps défendant, la Syrie est désormais confrontée à une situation qu’elle s’est efforcée, par tous les moyens, d’empêcher depuis le début de la guerre libanaise : se retrouver avec une puissance ou une force étrangère qui exercerait un droit de regard sur son comportement au Liban, pays qu’elle considère comme sa chasse gardée. La résolution 1559 du Conseil...